Le bassin industriel de la Ruhr a laissé place à des aménagements accessibles à tous, parmi lesquels le parc Emscher et le zoo de Gelsenkirchen. Là, afin de relier les promenades, une passerelle piétonne franchit de manière délicate le canal Rhin-Herne. Légère, minimale, improbable même dans ses dimensions, cette apparemment frêle construction s’étire en un mince bandeau tenu par une toile de câbles qui tentent de rassurer le passant.
Du concours lancé en 2006, le projet de Schlaich Bergermann und Partner dépasse les ambitions. Pour relier les sentiers pédestres du sud de la Erzbahntrasse au parc Emscher situé au nord, sur la rive d’en face, cette passerelle de 153 mètres consiste en une fine poutre suspendue à des haubans étirés dans les trois dimensions. Et c’est pour affirmer son caractère novateur qu’elle a été générée en continuité des voies de circulations environnantes, et non pas en ligne droite. La courbe ainsi obtenue permet d’augmenter la pente menant en son point haut, nécessaire au passage des bateaux.
Le tracé asymétrique, d’une certaine élégance, est tendu par un unique mât de 45 mètres de hauteur fondé à 23 mètres dans le sol de marne argileuse. Retenu par deux câbles, le pylône est implanté sur la rive nord et supporte à lui seul cette boucle à l’aide d’un faisceau de 30 filins. Ses efforts sont également repris par les butées des berges en forme de rampes qui prolongent le franchissement. Les câbles de suspension en acier inoxydable sont répartis sur un côté du cintrage élaboré, raccordés par des mâchoires. Cette toile est parcourue par un câble secondaire en forme de guirlande qui rigidifie l’ensemble. De 141 mètres de portée libre, la silhouette est amincie au maximum sur son intrados avec une épaisseur maximale de 80 centimètres à l’extérieur où sont arrimés les tendeurs, soit un ratio exceptionnel de 1/176. Le tablier est réalisé à partir de poutres-caissons polygonales dont le profil absorbe les moments de flexion et de torsion par rapport aux charges asymétriques, et compense les zones non supportées par les câbles et les butées. De 3 mètres de large, pour autoriser les croisements entre les piétons et les cyclistes, une chape en béton amortit les effets dynamiques de la structure. Enfin, un garde-corps en filet métallique acier inox accompagne la transparence et la légèreté de l’ouvrage.
Plusieurs simulations informatiques ont permis de saisir la dynamique d’une telle armature, de la profiler et de viser les points d’accroche des haubans de manière optimale afin de limiter les effets pendulaires. En outre, la pose de la partie centrale de cet édifice, une seule pièce préfabriquée de 90 mètres pesant 110 tonnes, s’est effectuée en 48 heures – câblage compris – au moyen d’une grue sur barge, afin de ne pas bloquer le canal. Prouesse technique, ce pont conserve toutefois une part de mystère dans sa nature suspendue.