Entre silence et raffut
Située à 30 kilomètres de Paris, Saint-Germain-lès-Arpajon souhaitait regrouper sa bibliothèque et son école de musique et de danse, alors hébergées dans différents locaux aussi étroits que mal adaptés. Mais cette commune de 10 000 habitants affichait aussi la volonté de se doter d'un équipement culturel ambitieux, capable de créer un nouveau lieu de vie fédérateur. Le site retenu se trouve à quelques minutes du centre-ville. Une parcelle tout en longueur accusant un fort dénivelé : près de 6 mètres. Au nord, un collège. Les va-et-vient des enfants, les récréations bruyantes qui rythment la journée. Au sud, un cimetière. Les allées et venues silencieuses de ceux qui rendent visite à leurs défunts. Et au loin, le paysage de la vallée de l'Orge. C'est dans ce contexte singulier que sont intervenus les Ateliers O-S Architectes – Vincent Baur, Guillaume Colboc et Gaël Le Nouëne –, lauréats du concours en 2011. Très vite s'imposent l'intuition que la topographie serait décisive tout comme la nécessité d’un juste équilibre à trouver : « Dans ce site difficile à appréhender, le pôle culturel devait être présent sans trop s'affirmer », remarque Gaël Le Nouëne.
S'imposer en toute discrétion
C'est dans cet oxymore que le bâtiment va puiser sa force. « Une ligne tendue dans le paysage », voilà qui résume joliment ce projet. Les architectes, qui défendent « une architecture réactive capable de procurer à chacun une expérience, une émotion », se sont attaqués frontalement à la topographie, moins pour l'accompagner que pour la prendre à bras-le-corps. Par un habile travail mené simultanément en plan et en coupe, la volumétrie trouve sa place en s'encastrant dans la pente. En léger porte-à-faux au-dessus d'un niveau technique partiel, le bâtiment s'ouvre généreusement sur le paysage. Mais le tour de force se trouve au cœur du projet. Une faille centrale ponctuée de larges emmarchements favorise un parcours dynamique : « un espace vide qui organise le plein », nous dit Gaël Le Nouëne. Ce lieu est suffisamment proportionné pour créer des vues transversales et apporter de la lumière naturelle au cœur du bâtiment, assez large pour offrir un espace public supplémentaire et établir le lien entre la minéralité du parvis haut et le traitement paysager du parvis bas. Exister sans s'imposer, le postulat s'avère parfaitement tenu. La volumétrie assume sans trop en faire la posture qu’on attend d'elle : celle d'un équipement important à l'échelle de la ville. À l'inscription méticuleuse dans le site s'ajoute la teinte bronze des façades qui s'accorde avec le paysage et confère à l’édifice une certaine noblesse. Quant au cimetière voisin, omniprésent, sa proximité crée une sensation étonnante. On se surprend par moment à en oublier la fonction pour n'y voir qu'une toile de fond sérielle, presque graphique.
S'ouvrir sur le paysage
Le plan s'organise en U autour de cette faille. L'accès au bâtiment s’effectue par le parvis du rez-de-chaussée haut qui abrite l'auditorium et la médiathèque. Vécue comme un vaste espace baigné de lumière naturelle, celle-ci est dépourvue de tout cloisonnement pour ne pas obérer la continuité visuelle. Le rapport à l'extérieur y est frontal, généreux. Une sensation que viennent renforcer le porte-à-faux et des détails comme la légère double pente inversée qui accentue la perspective, les luminaires au nu d'un plafond acoustique parfaitement lisse, la dalle de béton qui vient au plus près du vitrage ou encore le choix des étagères plafonnées à 1,60 mètre de hauteur afin d'embrasser le paysage dès l'entrée. En proue, la médiathèque offre ainsi une plongée dans la vallée de l'Orge. Le rez-de-chaussée bas comprend l'école de danse et de musique. Soit une alternance de petits studios acoustiques et de deux grandes salles dédiées aux entrechats et autres pas chassés. Au point bas, le porte-à-faux forme un préau pour l'heure du conte ou du cours de musique en plein air.
S'ancrer dans le sol
Pour construire le bâtiment, le choix s'est porté sur une structure mixte acier et béton. Le porte-à-faux est réalisé par deux voiles en béton précontraint qui fonctionnent comme des poutres, le volume arrière en béton permettant l'équilibre. Ce dispositif, plus souvent utilisé dans les ouvrages d'art, a été mis au point avec l'ingénieur Jean-Marc Weill. Le niveau de la médiathèque est réalisé en structure acier pour alléger l'ensemble. Les façades sont régies par la trame rigoureuse (1,20 mètre) des cadres en profilés d'aluminium extrudé qui les fabriquent. Ils reçoivent tantôt le bardage, tantôt des panneaux vitrés transparents, sérigraphiés ou opaques. La sérigraphie des vitrages prolonge le rythme du bardage tandis que les panneaux pleins assurent les aléas techniques. Les panneaux vitrés toute hauteur de type respirant (trois vitrages) permettent de conserver une inertie importante favorisant des économies d'énergie et le confort intérieur. Des stores mécaniques sont intégrés dans l'épaisseur des façades sud et ouest.
Pour cette agence à l’œuvre depuis près de douze ans, ce projet fait figure d'étape dans sa propension à synthétiser son mode de fonctionnement : « L'amalgame des idées et des propositions est un moyen de nourrir le projet, de le transformer, mais aussi de révéler l'essence de chaque situation. » Ici, c'est chose faite.