Chelles, non loin de Paris, s’enorgueillissait d’une puissante abbaye, mais sa destruction quasi totale après la Révolution et la refonte du centre-bourg dans les années 1960 ont accouché au cœur même de la commune d’un tissu lâche et hétérogène. Se faisaient face, sans trouver de terrain d’entente, à l’est la mairie aux lignes de pavillon classique et enduit couleur crème, à l’ouest le collège aux motifs de pierre et de brique. À quoi s’ajoutaient au nord les découpes gothiques des églises subsistantes de l’abbaye. LAN, lauréat en 2008 du concours pour la réalisation d’un gymnase municipal entre mairie et collège ainsi que d’une esplanade entre l’ensemble des bâtiments, voit en cette commande le moyen d’ordonner le site et son bâti, en l’articulant avec le parc au sud. Ceci grâce à « une insertion volumétrique et une idée qui puissent compléter l’histoire et permettre une nouvelle perception de l’ensemble ».
S’agissant de l’emplacement du gymnase, LAN prévoit de ne placer que le vaste plateau sportif (une salle multisports) entre collège et mairie, tandis que le reste du programme – studio de danse, vestiaires, bureau d’éducateur, salle de réunion… – occupera une petite aile en retour à l’angle sud-est, sur deux niveaux. À mi-distance du collège et de l’hôtel de ville, ledit plateau sportif s’étirera parallèlement à eux. L’orthogonalité de son volume, comme celle du calepinage au sol sur l’esplanade, produira un ordonnancement qui viendra embrasser et valoriser les deux bâtiments préexistants en une composition unitaire.
Le volume ainsi fixé, la matérialité de la construction s’impose d’emblée aux architectes comme une évidence : loin de la boîte opaque à quoi se réduisent souvent les équipements sportifs, ce sont des façades-rideaux qui généreront le mieux cette « nouvelle perception de l’ensemble » qu’ils désirent. Elles réfléchiront en effet les édifices ici présents, mais en les morcelant pour en renouveler la vision, et pareille fragmentation s’obtiendra grâce aux hauteurs variables des panneaux de la seconde peau, placée derrière le voile verrier. Parmi les métaux à effet de miroir susceptibles de former cette seconde peau, les concepteurs portent leur choix sur le cuivre, dont la teinte viendra réchauffer les reflets captés par le verre.
Voici trois ans que l’équipement est livré, avec l’esplanade, et le parallélépipède rectangle que constitue son plateau sportif est réellement parvenu à unifier le lieu, par la neutralité de sa forme ainsi que l’horizontalité de son couronnement d’Alucobond noir qui trace un moyen terme entre les toitures dissemblables de l’hôtel de ville et du collège. Les travées des baies de ces derniers trouvent un écho de leur régularité dans le rythme des façades-rideaux : une succession d’épines verticales en acier y assure la fixation des panneaux de verre, LAN ayant préféré cette solution à l’habituel mais moins élégant quadrillage de traverses et montants. Orthogonalité et verticalité sont donc les deux caractéristiques qui frappent dès l’abord. Si l’on continue à examiner cette architecture, on voit qu’elles l’organisent de bout en bout.
Verticalité d’abord. S’élevant sur plus de 8 mètres à l’intérieur mais visibles à travers le verre, des piliers d’acier composent l’ossature du plateau sportif, doublés d’un voile béton en partie basse. Sur le noir socle de façade formé par ce voile s’appuient les façades-rideaux, avec sur leurs 7 mètres de hauteur la scansion verticale des épines de structure. Ces dernières, fixées en tête aux piliers d’acier par le biais d’une costière, présentent un entraxe de 59 centimètres de l’une à l’autre. D’un gris RAL 9007 et se développant sur 16 centimètres de profondeur par 4 de largeur, elles adoptent, côté extérieur, un noir 9005 et un profil en T pour se faire les plus légères possible. N’apparaît d’horizontal dans toute cette composition que le joint entre les deux hauteurs de vitrage (type 66.2/16/66.2), une pose bord à bord le limitant de plus à 2 centimètres.
Et voici que l’orthogonalité s’accentue grâce aux panneaux de cuivre glissés entre piliers d’acier et vitrage : chacun compose un rectangle qui diffère du voisin en hauteur, l’ensemble pouvant évoquer aux passants quelque colonnade où chaque colonne aurait grandi différemment… Pilastres, d’ailleurs, plus que colonnes, car il s’agit de tôles de 2 millimètres collées sur panneaux de bois. Et ces pilastres de cuivre, fragmentant par leurs variations de hauteur tout ce que le vitrage reflète – citadins, bâtiments, arbres ou nuées –, empreignent ces images d’une teinte sépia pâlie, tels des clichés à l’aube de la photographie, tremblés, effacés.
C’est aussi une perception atténuée que les panneaux de cuivre produisent à l’intérieur, mais des sons : doublés d’une pellicule de stratifié, ils atténuent le vacarme propre aux salles de sport. Arrêtant les regards des passants et protégeant le vitrage des tirs de ballons, ils laissent en partie haute le ciel pénétrer avec la lumière. Voici alors que se produit le même phénomène de réflexion lumineuse qu’à l’extérieur : le bleu vif du revêtement de sol sportif, se propageant au dos des panneaux de cuivre et au plafond, empreint leur blanc d’une touche gris bleuté. Les façades-rideaux, immergées tout comme l’ample espace dans cette teinte diaphane, participent ainsi, au verso, d’un jeu esthétique aussi sophistiqué qu’au recto.