Porte d’entrée de la Côte d’Azur pour le tourisme de luxe, l’aéroport de Cannes-Mandelieu permet de désengorger son homologue niçois, l’un des plus fréquentés d’Europe à 25 kilomètres de là. Implanté dans la zone nord du complexe, le nouvel équipement, qui combine hangars à avions et bureaux, engage le développement de cette plate-forme aéroportuaire en affichant un prestige attendu au regard du programme à visée haut de gamme. Le cahier des charges réclamait 3 000 mètres carrés avec une hauteur libre de 9 mètres pour accueillir cinq à huit avions de type Falcon. Situé en zone sismique, le terrain est inondable. Face, en plus, aux contraintes climatiques liées à la proximité de la mer et son air salin et les servitudes aéronautiques intrinsèques au programme, Comte et Vollenweider, lauréats du concours, ont vu l’opportunité de développer sur ce site un édifice singulier. En respect du plu (hauteur maximale de 12 mètres), les architectes ont réalisé une grande nef unique qui protège les avions et offre une liberté de manœuvre aux pilotes ainsi qu’une maintenance sur place dans des conditions optimales. Afin de ne pas interférer avec les ondes électromagnétiques émises par les appareils de navigation, le hangar consiste en une structure en lamellé-collé de pin massif composée de poteaux en W croisés, sur laquelle repose une nappe en poutres treillis triangulées de 2,80 mètres de hauteur pour une portée libre allant jusqu’à 36 mètres.
Mais ce parallélépipède rectangle n’est pas une simple boîte. Côté ville, en appui sur un dispositif de rétention d’eau, il présente un « corps urbain » composé de deux éléments en béton qui se courbent et se soulèvent à chaque extrémité pour dégager des entrées latérales. À l’intérieur, des plateaux de bureaux orientés vers l’est arrangent des ouvertures alternées qui fabriquent une rythmique visuelle. Bardé d’un habillage en bois, ce jeu masque les niveaux de planchers, tout en offrant un cadrage fragmentaire sur le paysage alentour, une zone qui, elle, accumule de vulgaires boîtes à chaussures surmontées de leurs enseignes. Ce qui surprend et confère à l’édifice un certain prestige, c’est l’assemblage de prismes qui s’insèrent entre les masses et sur les petits côtés du volume. En effet, trois façades résultent d’un savant montage de triangles isocèles de base 1,50 mètre sur 1,677 mètre de côté avec des pyramides de mêmes dimensions, pour former une surface réticulée qui déconstruit la vision comme la lumière. « Recouverts de facettes créant une vibration, les volumes du hangar se décomposent en une multitude d’objets scintillants comme les feuilles des arbres de la butte de Saint-Cassien ou le miroitement du soleil sur la mer », expliquent les architectes. Translucides en partie basse, ces origamis vitrés filtrent regards des passants et rayons du soleil. Ces derniers projettent sur le sol du volume principal des motifs géométriques évolutifs, participant de l’ambiance tempérée, même au plus fort de l’été. De nuit, le phénomène s’inverse, les activités intérieures concourent au scintillement de l’objet facetté. In fine, la protection solaire atteint près de 80 %. En tout, les 403 pyramides agencées avec autant de triangles créent cette combinaison « vassarelyesque », qui suit les inclinaisons de la structure en losanges, tels des diamants.
Obtenue à partir de moules spécifiques élaborés par l’entreprise Chiri métal verre bois, cette surface en relief a nécessité la mise en œuvre de prototypes afin d’atteindre un résultat satisfaisant pour ce mur-rideau, qui repose sur des profilés métalliques Kawneer. Non seulement leur modelage a nécessité une attention particulière pour atteindre les qualités de vue et d’éclairage attendues, mais ils ont aussi impliqué le développement de solutions pointues en termes d’étanchéité à l’air et à l’eau et de tenue mécanique. En outre, ces modules interchangeables ont été mis en œuvre suivant une technique de pose singulière, par la réalisation de châssis spécifiques reliés par des attaches aux diagonales structurelles en bois. Prévu à l’origine en toiture, ce système s’est limité aux façades pour des raisons notamment budgétaires. C’est une membrane textile qui fabrique la couverture ; la même toile enduite est employée pour les portes monumentales mobiles côté pistes, qui obturent, grâce à un système motorisé, les grandes ouvertures de la halle par où entrent et sortent les oiseaux mécaniques. Enfin, l’édifice a reçu sur place un « avis de chantier » pour réduire de moitié la pente de la toiture par rapport au dtu et la ramener à 1,5-2 %, grâce à une justification du calcul avec le bureau d’études. Cette autorisation a permis de maintenir la silhouette du parallélépipède et de conforter l’assemblage prismatique des éléments vitrés. Optimisation structurelle et géométrie de façade inédite dans cette contrée renforcent le caractère contemporain de cette pièce logistique qui, dès qu’on atterrit, arbore une atmosphère « Croisette ».