La deuxième ville du Luxembourg, Esch-sur-Alzette, porte un passé industriel lourd. Sidérurgie et métallurgie ont marqué le développement d’une cité profitant de ses gisements de fer. Usines, cheminées et cités ouvrières en forment le vocabulaire. Puis, le virage plus récent de l’agglomération s’est fait en direction du tertiaire et d’une image pluscontemporaine. C’est dans ce contexte que le parc du Galgenberg, avec ses jardins, sa forêt, ses terrains de sport et ses animaux, représente un potentiel urbain vers lequel se tourner. Son accès difficile depuis les années 1960 et la destruction de l’ancienne passerelle enjambant les voies ferrées avaient de quoi dissuader. Mais en gagnant le concours, l’agence Metaform et les ingénieurs de T6-Ney&Partners ont requalifié d’un coup le visage et les usages du quartier. Relier deux situations aussi différentes que le tissu eschois et ce morceau de nature trouve peut-être sa clarté dans la création d’un troisième terme.
En effet, la passerelle n’appartient ni au parc ni à l’ancienne ville, elle serait plutôt du futur ou d’une autre planète. Sa forme de tube organique gris perle permet de gérer simultanément la peau, le plancher, la structure et les garde-corps sans utiliser d’éléments ordinaires. Elle franchit d’une seule traite les quelque 100 mètres de portée, avec une silhouette en L qui s’élève d’abord jusqu’à 21 mètres pour ensuite traverser les voies sans appui intermédiaire. Le profil tout en précision s’enfile entre les caténaires et les câbles haute tension, et génère une charpente d’acier complexe aux tôles entièrement assemblées par soudage. Pour rendre le plancher praticable, un remplissage en béton léger de la coque a permis d’obtenir une surface lisse seulement revêtue de résine polyuréthane. La mise en place par poussage fut la réponse aux contraintes du site : la structure, subdivisée en sept parties préfabriquées en atelier, a été montée en faisant riper progressivement le franchissement sur quatre piles provisoires. Elle s’appuie finalement sur une culée en béton côté parc et sur deux jambes d’acier (dont l’écartement reprend la poussée du vent) côté ville.
La traversée du monde urbain vers la nature a des airs de voyage étrange ; la couleur rouge tapissant les parois donne à l’atmosphère une chaleur caverneuse, sorte de ventre prodigieux. En plus de ce doux complexe de Jonas, l’expérience renvoie aussi à l’imaginaire régional, à la richesse du sous-sol des Terres Rouges. Enfin, c’est la nuit que cette ambiance cardinale est à l’apogée : éclairée par des lampes à led et deux spots aux pieds de la passerelle, l’architecture s’enflamme de l’intérieur.