ENTRETIEN AVEC MYRIEM GUEDOUAR
Ingénieur, responsable pôle vitrage, bureau d’études VS-A
Quels étaient les objectifs de l’architecte Michel Ferranet pour la façade de ce bâtiment tertiaire ?
Les objectifs de la façade sont les mêmes que ceux du bâtiment, je cite l’architecte : « l’efficacité énergétique, le confort et l’économie, avec un budget classique, sans réelle marge de manœuvre ». Nous visions l’équivalent du label Bepos Effinergie, avec chasse aux ponts thermiques et aux déperditions, ainsi qu’un fort affaiblissement acoustique le long des axes routiers. La façade principale longe une route départementale, l’affaiblissement s’élève à 40 dB(A), c’est-à-dire sans aucun ouvrant, en dehors de l’accès pompier. Il fallait ensuite intégrer le champ photovoltaïque en considérant les différentes orientations de la masse du bâtiment. Enfin, nous devions optimiser les apports de lumière naturelle. Pour ne pas encadrer les vues, Michel Ferranet souhaitait des profilés extrêmement fins, afin que seules les traverses verticales soient visibles depuis l’intérieur. Il y avait aussi une recherche d’unité entre les deux programmes – que l’on retrouve dans l’aluminium anodisé mis en œuvre sur toutes les façades –, « pour créer un tableau abstrait qui vibre à la lumière tout en le faisant coïncider très exactement avec la structure du bâtiment pour des raisons d’économie de la construction. Les prismes photovoltaïques se superposent avec la carte graphique du voile structurel. Devant chaque trumeau un prisme orienté vers le soleil optimise les rendements et indique le rôle productif de ces éléments actifs. »
Comment sont arbitrées les proportions entre parties opaques et parties vitrées ?
Chez VS-A, l’image architecturale est une contrainte non négociable. La façade de ce programme est forte et son ratio pleins/vides n’a pas bougé depuis le concours. Nous en avons tiré parti jusqu’à une répartition de 3/5 vitrées et 2/5 opaques. En travaillant sur le duo store/couche à contrôle solaire et sur les bonnes épaisseurs d’isolant, ce ratio reste une contrainte primordiale tout en ménageant un espace de liberté.
Quelles conséquences a eu l’objectif d’un label énergie positive sur la conception de ce mur rideau ?
Il a fondamentalement conditionné les détails de façade. Avec ce type de voile béton porteur percé, la logique imposait une solution de châssis sur pré-cadre qui générait trop de ponts thermiques et ne correspondait pas à nos contraintes de chantier. Nous avons donc poussé les études vers un autre système plus performant : cette conception très précise impose de beaucoup échanger avec les intervenants. Nous avons réalisé des calculs réglementaires et plusieurs STD jusqu’à trouver l’équilibre.
Stick, unité préfabriquée, système cadre… Pour quel système avez-vous opté finalement ?
En phase études, nous avions opté pour un système de grille classique qui répondait à la finesse demandée par l’architecte. Le façadier Rinaldi a proposé un système de façade cadre nécessitant une double épine et donc trop d’épaisseur. Cependant, les avantages de ce système – réduction des points de fixation situés en zone chaude et donc réduction considérable des ponts thermiques –, nous ont convaincus de travailler ensemble pour affiner cette épine afin qu’elle réponde à nos objectifs architecturaux. Nous obtenions de plus l’intégration d’une coupure thermique dans l’alignement du vitrage, entre les parties vitrées et opaques. Avec ce procédé, maîtrise et rapidité de pose sont incomparables, ce qui répondait aussi à nos contraintes de chantier. L’ampleur du projet a aussi permis le développement d’une filière d’extrusion spécifique afin de généraliser le profil sur toutes les façades. Enfin, nous avons obtenu un Atex pour le système de fixation du prisme photovoltaïque sur le cadre.
Comment abordez-vous la question de l’orientation du bâtiment lorsque l’unité des façades est un attendu architectural ?
Unité ne signifie pas uniformité : tout en utilisant le même profil de base, les façades sont traitées différemment suivant l’orientation. Ainsi, au nordest, il n’y a pas de module photovoltaïque car le rendement était trop faible : nous avons opté pour des shadow-box. De même, la façade des salles de réunion sans trumeau introduit un autre type de variations. Nous avons également mis en œuvre deux typologies de vitrages différentes dont les couches varient en fonction de l’orientation tout en assurant l’homogénéité de l’aspect.
En général, les murs rideaux produisent une certaine homogénéité. Comment valorisez-vous la spécificité des différents projets que vous étudiez ?
La façade légère représente une grande partie de notre activité, pourtant chaque projet est unique et les études sont systématiquement refaites. Il faut considérer le mur rideau comme un système constructif recelant plusieurs leviers qui aboutissent à une singularité : la trame, l’effacement des traverses, la largeur du joint creux, la mise en œuvre et l’aspect du vitrage, le mode d’intégration des protections solaires, l’alternance vitrage/opacité, l’intégration de plus en plus d’équipements techniques...
Entretien paru dans exé 32 spécial bardages