ENTRETIEN AVEC NICOLAS LAISNÉ
Architecte fondateur de Nicolas Laisné Architectes
Quelle est votre définition du balcon ? Est-ce un élément ? Un ornement ? Un espace ?
Pour moi, c'est vraiment la prolongation naturelle de l'espace intérieur, c'est un élément qui va avec l'intérieur, je ne dessine pas les mêmes balcons si c'est pour un bureau ou un logement, à Montpellier ou ailleurs. C'est un espace qui propose un nouveau climat, ce n'est pas qu'un plateau, c'est un espace qui permet de vivre à la frange du bâtiment. C'est aussi devenu un lieu confortable et équipé, c'est un nouvel intérieur projeté à l'extérieur.
Le balcon devient systématique dans la production de logement actuelle ; comment jugez-vous son impact sur les nouvelles frontalités urbaines ?
Effectivement, et je fais partie de ce mouvement-là, nous faisons beaucoup de balcons depuis la création de l'agence. Les villes sont de plus en plus denses autour des nœuds de transports, le modèle de la maison à deux heures du centre-ville est dépassé mais faire accepter cette densité est compliqué car elle ne répond pas aux aspirations des habitants. Donc lorsque nous travaillons cette thématique, nous essayons d'abord de concevoir des bâtiments très contrastés. Aujourd'hui, à 1 350 euros le mètre carré, cela devient compliqué donc nous travaillons le contraste dans les volumétries et les gabarits. Le balcon est donc un moyen de vivre bien en ville dense. À l'Arbre Blanc par exemple, les 3 pièces ont deux balcons et les 4 pièces en ont trois ; ce ne sont pas simplement des balcons plus grands, c'est une nouvelle façon d'envisager le logement. À Nice, nous proposons cela pour un bâtiment de bureaux dont la façade sud est dotée de balcons de 3,50 mètres, tout en restant dans les prix de départ et en trouvant preneur. Donc le balcon, qui n'est pas cher à construire, produit des logements intéressants et permet d'accompagner les nouveaux usages des espaces de travail. À terme, transformer des bureaux en logements deviendra une évidence, les bâtiments tertiaires que nous dessinons aujourd'hui seront demain de très bons bâtiments de logements.
Pour l'Arbre blanc, par quel processus en êtes-vous arrivé à ce foisonnement de balcons qui semble parfaitement anarchique ?
Montpellier est la ville de France où le taux d'ensoleillement est le plus fort, et donc les Mont-pelliérains vivent dehors tout en se plaignant de la cagne l'été. C'était l'opportunité pour nous de développer cette thématique de la vie à l'extérieur. De plus, le terrain s'y prêtait particulièrement bien, de par son orientation principale est-ouest et le fait qu'il soit très dégagé. L'objectif était de profiter un maximum du soleil bas d'hiver tout en se protégeant du soleil direct l'été. Il aurait été parfaitement différent si orienté nord-sud. Ensuite, au sujet du foisonnement, le bâtiment est au bord d'un rond-point, d'un parc et du Lez ; courber le bâtiment permettait à la fois d'embrasser le site et faire passer le parc devant. Et c'est cette courbure qui a fait s'écarter les balcons, comme les doigts d'une main.
Les porte-à-faux atteignent jusqu'à 7 mètres pour certains, comment est géré l'assombrissement éventuel des intérieurs ?
Ils sont tous en quinconce, donc la lumière n'est jamais totalement masquée. Nous avons géré leur superposition avec ce double objectif de s'en protéger tout en en profitant au maximum. De plus, chaque pièce a plusieurs fenêtres dont certaines ne sont pas sous le balcon. Et dernière chose, le revêtement des sous-faces est très clair, la réverbération est étonnante et les logements sont vraiment baignés de lumière naturelle. C'est un bâtiment très dégagé, et qui le restera toujours puisque le quartier est déjà aménagé.
Quel est le statut final de la façade en second plan face à tous ces plateaux déterminants qui la masquent partiellement ?
Les balcons sont en quinconce donc la façade reste parfaitement visible, d'autant plus en regard du recul permis par le site. Elle garde un statu déterminant dont la composition a été soignée. D'autant plus qu'elle va être vécue de très près par les habitants. Cette façade doit fonctionner de loin et de près car lorsque nous nous trouvons sur un balcon elle devient un élément à vivre déterminant. Pour les habitants, elle devient comme un mur intérieur finalement.
Comment aviez-vous prévu de construire ces généreux balcons ? Et finalement, quel mode constructif a été mis en œuvre ici ?
Nous avons très vite opté pour des balcons métalliques en regard du poids et de la facilité de mise en œuvre et d'homogénéité de matériau avec les pergolas. Ce sont des PRS à âme variable fixés en façade, reliés entre eux par des poutrelles qui portent en sous-face un bac acier avec laine de roche pour la stabilité au feu, assurant également l'étanchéité, puis un plancher bois ; l'ensemble étant monté sur site au sol. Il ne s'agissait pas simplement de faire des balcons plus grands, à l'agence nous avons fait beaucoup de recherches quant à la mise en œuvre, la sécurité. Et le résultat est parfaitement fidèle à l'image du concours ; à cette époque, nous avions travaillé avec un ingénieur montpelliérain, André Verdier, qui n'a pas été effrayé par la dimension de porte-à-faux et qui nous a confortés dans l'usage de l'acier.
Quel rôle donnez-vous aux garde-corps quant à l'aspect général, la composition de la façade et l'usage ?
C'est la grande question ! La tendance est plutôt à la protection mais nous avons fait le choix de garde-corps très ouverts pour profiter du paysage évidemment mais aussi parce qu'au fur et à mesure des dessins, nous nous sommes aperçus que les balcons sont tellement grands que pour percevoir le vide il faut vraiment aller au bout. Donc nous avons imaginé les usages en deux zones ; une zone proche de la façade, très confortable et protégée par des jardinières et des panneaux vitrés, et une seconde zone plus en avant, plus ouverte au vent, à l'extérieur, à la vue. Finalement ici, c'est la taille du balcon en soit qui protège.
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