ENTRETIEN AVEC NICOLAS CHAUSSON ET JIAOYANG HUANG
Architectes associés de DCA - Design Crew for Architecture
Aborder un projet lorsqu'il ne s'agit que de l'enveloppe, est-ce plus simple ou plus compliqué ?
N.C. : C'est un exercice particulier. En voyant le site et le bâtiment existant, avec sa trame constructive métallique lisible en façade qui était une contrainte et en même temps un guide, nous avons tout de suite imaginé quelque chose d'abstrait. Les triangles sont venus très vite afin de briser cette répétitivité. C'était plus ludique, et il y a effectivement moins de contraintes, hormis celle de composer avec un intérieur sur lequel nous n'intervenions pas, et notamment des cloisons qui ne devaient pas arriver au milieu de nos fenêtres. Il a également fallu ajouter des ouvrants pompiers qui ne supportaient pas la forme triangulaire, ainsi que du désenfumage dans l'escalier.
La question de mettre en œuvre un mur rideau s'est-elle posée ?
J. H. : La maîtrise d'ouvrage souhaitait une belle image, nous avons donc proposé quelque chose d'ambitieux qui nécessitait une maîtrise de la trame et donc un mur rideau, que nous avons chiffré et qui s'avérait trop cher. Nous avons donc cherché d'autres mises en œuvre, mais elles ne s'avéraient pas moins chères car la forme triangulaire reste une complexité, quel que soit le système constructif.
N.C. : L'image que nous avons conçue imposait le mur rideau, mais ce qui coûtait cher finalement, ce n'était pas le mur rideau mais bien le dessin. Un voile béton avec réservations triangulaires et vêture était finalement aussi coûteux.
Lorsque vous avez dessiné ces motifs en biais, imaginiez-vous aussi les traverses porteuses en biais ?
N.C. : Oui, parce que nous avions vu beaucoup de références, surtout en Europe mais pas en France où les choses se compliquent. À un moment du dessin, lorsque nous nous sommes aperçus que nous avions jusqu'à huit épines qui se rencontraient en un seul nœud, nous avons eu besoin de vérifier la faisabilité. Nous avons donc rencontré Wicona qui n'était pas effrayé par les biais à 45 degrés, sauf que nous sommes en réhabilitation et qu'il n'y a aucun angle réellement à 45 degrés. Rien n'est visible à l'œil nu, mais l'entreprise Lorillard a dû adapter chaque traverse à chaque angulation, et il n'y a pas non plus une cassette identique.
J. H. : D'autant que la finition brossée donnant un sens et une vibration délicate selon la lumière, nous n'avions pas droit à l'erreur. Le planning aussi était une contrainte : le choix du mur rideau nous assurant une maîtrise de la mise en œuvre, une trame sur deux était montée en atelier. Sur site, seules les trames intermédiaires étaient montées.
Comment avez-vous abordé l'épaisseur de ce manteau ?
N.C. : Nous souhaitions effectivement une épaisseur, une vibration, ce que le mur rideau ne sait pas faire. Au début, nous avions opté pour du VEC sans aucune épaisseur, avec des cassettes en remplissage entre les traverses. Après avoir abandonné le VEC pour de raisons économiques, nous nous sommes retrouvés avec des capots que nous avons voulu cacher. Grâce au vitrage légèrement en retrait, nous obtenions la vibration recherchée. Nous ne voulions pas une surface totalement lisse avec un nu unique.
Comment en êtes-vous arrivés à ce motif très graphique ?
J. H. : Pour avoir la maîtrise du dessin jusqu'au bout, nous avions besoin d'une trame bien précise. Nous souhaitions de la vibration, du rythme… Ensuite c'est un jeu de pliage. Comme il s'agit d'une école maternelle, nous voulions une composition sobre mais animée, sans couleur mais avec du mouvement généré par des matériaux et des formes.
N. C. : C'est un motif à l'échelle de l'enfant. Dans les salles de classe, les écoliers ont une vue dégagée sur la cour tandis que les professeurs ont les traverses dans leur champ de vision.
Le rapport pleins/vides a-t-il été une contrainte en regard des performances thermiques visées ?
J. H. : Il a été un guide et à quelque peu modifié le dessin d'origine, mais c'est la proportion d'ouvrants qui nous a le plus contraint finalement. Un tiers des parties vitrées devait l'être, c'était un problème esthétiquement, techniquement et économiquement. Car mettre en œuvre des triangles ouvrants, c'est possible mais hors budget. Finalement, nous avons placé des ouvrants en partie opaques, masqués par des compositions de deux cassettes triangulaires.
Entretien paru dans exé 32 : Bardages