Recomposition
Strasbourg, capitale du Reichsland d’Alsace-Lorraine suite à l’annexion de ce territoire par l’Allemagne, de 1871 à 1918, voit son développement urbain et démographique relancé malgré le choc de sa population. Sceau monumental de cette période, la Neustadt (ville nouvelle), extension qui fera tripler la superficie totale de la ville, est un témoignage inestimable du style germanique impérial, devenu rare dans les villes allemandes bombardées. Érigée en 1895 par August Hartel (1844-1890) et Skjold Neckelmann (1854-1903), la Bibliothèque nationale et universitaire en est un exemple triomphant ; massivité, statuaire, modénature, plan carré et organisation symétrique sont au service d’une monumentalité revendiquée. Quelque peu dissipée, évaporée, à l’occasion de la rénovation effectuée dans les années 1950 suite aux dommages subis en 1944. Alors au-delà d’une simple remise aux normes actuelles, l’agence Nicolas Michelin & Associés s’est attelée à faire renaître l’emblème, sans parade ni trompettes, mais avec finesse et efficience. Si les façades ont été restaurées à l’identique par Christophe Bottineau (ACMH, agence 2BDM), la totalité des éléments structurels et partitions intérieures a été modifiée, voire remplacée afin de retrouver de la lumière et de l’espace, de restituer les rapports intérieur/extérieur, d’optimiser les circulations et les fonctions. Libérés d’une double structure porteuse très épaisse, l’atrium et le dôme sont à nouveaux visibles depuis chaque niveau. La couverture des quatre cours historiques ainsi que le prolongement des planchers en périphérie du cœur augmentent les surfaces des salles de lecture tout en privilégiant les connexions visuelles et spatiales.
Escalier
Point d’orgue de ce chantier complexe et délicat, le renouveau d’une centralité au service de l’ensemble. Après le remplacement de la structure historique, épaisse et opaque, par de grandes équerres en béton et une trame de doubles poteaux métalliques, la charpente de la coupole est doublée d’une seconde ossature destinée à suspendre l’escalier à quelque 27 mètres du sol. Desservant tous les étages, du deuxième au sixième, il s’enroule telle une spirale autour d’un faisceau de 120 haubans en inox brossé. Ses 78 marches en bois sont supportées par des poutres caissons préfabriquées en atelier et assemblées sur site après le scellement des paliers par insert dans les nouveaux planchers en béton. Évidemment grandiose de par ses dimensions et sa géométrie, il est avant tout le lien indispensable à la nouvelle organisation des fonctions. Baigné de lumière par le dôme rénové, à nouveau visible, il est secondé par quatre noyaux de circulations verticales disposées dans les angles des cours historiques aujourd’hui couvertes.
Lecture
La mise en œuvre de nouveaux planchers est l’occasion de prolonger les salles de lecture jusqu’à l’atrium lumineux. Disposés de part et d’autre des quatre équerres de béton, les plateaux de lecture cernent ce dernier par l’intermédiaire d’un nu vitré qui revêt une épaisseur habitée par les tables, les radiateurs et un système d’écrans de cantonnement mobile pour les fumées. Dotant ainsi le vide central d’un usage supplémentaire et emblématique ; à l’image d’une place urbaine, il est le lieu de rencontre des usagers. Parallèlement, d’autres espaces de lecture ont été créés, notamment dans le corps principal qui fait face à la place de la République, dotés de vues directes sur l’extérieur.