L’imperfection sincère de cette ancienne usine, datant du 19e siècle, révèle une histoire qui se noie dans la masse anonyme des bâtiments industriels londoniens. Tour à tour lieu de production, puis de stockage, et embué dans des aménagements vétustes, cet édifice se réaffirme pour accueillir de nouveaux bureaux. L’architecte Amin Taha, primé par le Royal Institute of British Architects en 2013, sublime cette rénovation à travers une solution simple, douce et complète.
Histoire d’industrie
Avec une modénature régulière et des ouvertures généreuses, ce bâtiment affiche une évidente qualité architecturale et urbaine. À l’époque construit en dehors de Londres par suite de l’essor industriel, démographique et économique de la ville, il bénéficie aujourd’hui d’un emplacement de choix au carrefour de trois rues principales, dans un quartier dynamique.
Tout en brique, il a trois façades largement ouvertes et un impact non négligeable à l’échelle du quartier. Son apparence générale n’a pas changé avec le projet, la rénovation ayant seulement concerné deux niveaux intérieurs. Dans cet ancien immeuble transformé par le passé en bureaux, l’essence de la construction a été dévoilée en ôtant les anciens cloisonnements et faux plafonds. Y voyant le potentiel du futur espace et ayant déjà traité cette typologie de construction, l’architecte a unifié l’ensemble à l’aide d’un unique medium, le chêne. L’acte est de compléter l’espace obtenu par la contemporanéité du matériau, la cohérence qu’il crée dans le volume et sa mise en œuvre en aplat. Les points forts ont ainsi été soulignés à travers cette rénovation, comme les poteaux en fonte, les murs en brique et le plan libre. Le changement se voit de l’extérieur si on lève des yeux curieux, mais reste discret, toujours dans le but de promouvoir l’histoire et de respecter le passé de cette architecture.
Escalier
Accolé à la façade, le nouvel escalier a été positionné avec la même configuration que l’ancien pour des raisons structurelles. Il est l’élément principal qui vient relater la vie de bureau jusqu’à l’extérieur. L’ambivalence entre sa fermeture visuelle et son invitation ludique à le parcourir en fait l’élément principal de cette rénovation. Son écrin le montre austère et opaque à la fenêtre, comme une masse immobile qui masque son usage derrière cette apparente discrétion. La teinte unitaire de son revêtement le rend massif mais convivial. Protecteur, il s’est enveloppé lui-même pour répondre aux attentes techniques, épargnant à l’ensemble un garde-corps trop banal, sa peau structure l’espace intérieur et suffit à contourner les règles usuelles de sécurité pour l’isoler du reste du volume. Cette mise en œuvre permet de contourner les contraintes tout en les assumant effrontément avec une prise de position peu courante. En parcourant l’intérieur de son antre, la main courante lumineuse qui le traverse est une invitation à l’emprunter. Son coffrage, miroir de son emmarchement, créé un usage et invite à venir s’y asseoir en place privilégiée, avec une vue sur l’animation des boulevards. Ce parcours est trompeur et ne mène nulle part, orientant le regard vers le plafond, autre élément structurant du projet.
Lumières croisées
La rénovation de l’espace a permis de mettre en avant l’authenticité de la structure bois du plafond, nous renvoyant ici à un savoir-faire ancestral. Mis à nu, il a aussi été débarrassé des plaques de plâtre mises en œuvre dans les anciens bureaux. Révélé et décapé, il a été ensuite habillé de planches en chêne qui mettent subtilement en avant le rythme des poutres et permettent un éclairage doux et projeté. En pointant une direction sans ostentation et en accord avec la simplicité du dessin de l’escalier, la mise en lumière de l’espace ne fait qu’un avec la mise en exergue de la beauté du plancher bois.
Cet acte simplifie les surfaces en les rendant lisibles et préhensibles d’un seul regard. Unifiant la totalité de l’espace, la chaleur de ce matériau permet d'insister doucement sur le geste assuré de l’architecte. Les croisillons en bois et les redents de l'escalier ponctuent le volume et dirigent le regard vers un point de fuite construit, révélant un effet de verticales et d'horizontales d’une modestie graphique sensée.