Palimpseste architectural
Classée sous le titre de « Grade I », regroupant des bâtiments d’un intérêt exceptionnel, la galerie 40 est architecturalement l’une des plus riches du musée. Cet espace néoclassique d’une superficie de 1 600 mètres carrés, éclairé par un immense dôme de verre, présente un plan octogonal agrémenté de quatre alcôves en demi-cercle.
En 1962 tout s’assombrit pour le lieu, au propre comme au figuré : une mezzanine métallique vient occuper l’espace central, les mosaïques du sol disparaissent sous un linoléum, les larges entrées principales sont bouchées, le dôme perd sa transparence sous une couche de peinture, et une série de vitrines d’exposition sont installées pour présenter des collections de vêtements anciens. Les qualités du lieu, lumineux et dynamique avec ses enchaînements de formes concentriques, sont perdues. Un demi-siècle plus tard, l’agence 6a a redonné à la galerie toute sa beauté sans toutefois gommer les diverses couches constitutives de son histoire. L’idée a été d’intensifier la géométrie circulaire et d’ôter les parements inutiles : le carrelage d’origine est restitué, l’ensemble est plongé dans un blanc rompu au gris tandis que trois larges anneaux suspendus servent d’éclairage tout en valorisant l’ampleur spatiale du lieu. Le plan de la mezzanine est réajusté : ses angles sont rabotés de manière à lui donner également une forme arrondie. Le volume d’Aston Webb retrouve une nouvelle vie où cohabitent parfaitement trois époques de son histoire.
L'escalier
Alors que l’idée forte était de conserver la mezzanine, les circulations répondant à une logique de symétrie d’ensemble ont été repensées de manière à recréer un lien vers la partie haute du volume. Permettant d’accéder à la plate-forme, un premier escalier se dédouble à mi-hauteur. Son arrivée correspond à l’axe d’une deuxième circulation verticale faite d’une double volée parallèle, accessible à l’autre extrémité de la mezzanine. Réalisés en béton précontraint dont la finition leur donne un aspect lisse, proche de celui de la mosaïque du rez-de-chaussée, ces deux escaliers ont des garde-corps différents : l’un est une feuille de métal peinte de blanc réfléchissant, rendant l’escalier très abstrait. L’autre est fait de fines tiges de métal, d’une grande légèreté. Quant aux rambardes entourant le plateau, elles recouvrent l’épaisseur de la dalle, contribuant à l’effet général d’élancement.
Les anneaux lumineux
Les trois anneaux suspendus au dôme par des câbles participent également de la symétrie d’ensemble, leur assemblage étant centré au-dessus de la mezzanine. Implantés à cinq mètres de hauteur par rapport au sol de cette dernière, ils supportent un système d’éclairage sophistiqué, monté sur des rails, totalement flexible dans ses directions et intensités, à même d’accueillir toutes sortes de scénographies autour du vêtement, auquel la galerie 40 est consacrée. Avec leur profil en creux, les lampes sont dissimulées et ce lampadaire géant est comme une œuvre minimaliste flottant dans l’espace.
Chacun frôlant l’autre en un point, les anneaux ont un dimensionnement correspondant au diamètre des alcôves en demi-cercle. Leur mise au point a été délicate en raison des problèmes de grandes portées à régler : réalisés en fibre de verre de couleur blanche, ces éléments sont constitués de six sections identiques pour lesquelles des moules spéciaux ont été fabriqués à l’aide de la technique numérique CNC. En lévitation dans l’espace, l’installation invite à porter un regard sur la hauteur de la salle et met en évidence la géométrie concentrique de la galerie. Les cercles – de la suspension, du plateau de la mezzanine, des alcôves, du dôme – se croisent, se rencontrent, se superposent selon le point de vue du visiteur. L’unité de couleur gris très pâle, proche du blanc, apporte une sorte d’abstraction à la salle sans gommer pour autant la finesse des détails, des frises et des chapiteaux de colonnes.