Implantée à Maisons-Alfort depuis 1766, l’École nationale vétérinaire d’Alfort (EnvA) engage il y a une vingtaine d’années un processus de restructuration de son site historique visant à offrir de meilleures conditions de travail aux étudiants, enseignants et chercheurs qui le fréquentent. En 2015, un budget de 46 millions d’euros alloué à l’EnvA par le contrat de plan État-Région Île-de-France pour la période 2015-2020 permet de rénover un bâtiment du campus et d’en construire trois nouveaux, successivement livrés en 2019, 2020 et 2022. Le dernier-né de cette série est sobrement nommé « Agora ». Centre névralgique de l’école par sa situation, au dénouement d’un nouvel axe paysager qui reliera bientôt l’Agora à un nouvel accès au site de l’EnvA, plus proche des transports en commun, cette bâtisse hybride de 4 500 mètres carrés accueille à la fois des locaux d’enseignement et l’ensemble des bureaux de l’administration.
La commande prévoyait un marché global de performance, intégrant donc la construction, la réalisation et l’exploitation-maintenance du bâtiment. En 2019, le dialogue compétitif est remporté par le groupement de maîtrise d’oeuvre composé de l’entreprise générale Créatis (filiale de Spie Batignolles), mandataire, et des architectes d’ArtBuild, du BET ITAC (acoustique), du BET CET Ingénierie (techniques/ fluides/VRD) et du BET Barthes Bois (structure bois). Six mois plus tard, le permis de construire est déposé. Le bâtiment devra se dresser en lieu et place du bâtiment Abel Brion, construit en 1928 mais jugé trop vétuste pour être maintenu en l’état. Seules ses fondations en moellons et les façades nord en briques sont conservées et renforcées ; elles permettront d’accueillir la superstructure en bois du nouveau bâtiment, définie selon une trame rigoureuse de 1,20 mètre pour faciliter la préfabrication des murs à ossature bois et permettre la répartition équitable des charges sur les fondations à la géométrie hétérogène. Entre le rez-de-chaussée et le premier étage s’élèvent désormais deux amphithéâtres de 250 places, que sépare un hall naturellement illuminé par le patio voisin et son plafond à caissons en bois ajourés, préfabriqués puis fixés sur la charpente de lamellé-croisé. À l’autre bout du bâtiment, l’administration de l’EnvA occupe également les deux premiers niveaux. Seul élément en béton de la structure, le noyau central accueille deux escaliers à volée contrariée ouverts l’un sur l’autre, qui symbolisent ainsi la convivialité et la réunion, au coeur de l’Agora, des étudiants et des membres de l’administration.
© Tristan Deschamps
© Tristan Deschamps
Les 10 hectares du site de l’EnvA étant inscrits au répertoire supplémentaire des monuments historiques, les Architectes des Bâtiments de France sont consultés et imposent la protection de la façade nord du bâtiment Brion et de ses trois portes Art déco en fer forgé. Qu’à cela ne tienne : ArtBuild propose de faire de l’Agora un lieu figuratif où passé et présent pourront se rencontrer et s’entremêler. La façade principale met ainsi à l’honneur les portes historiques, dont les ferronneries sont rénovées et les verres d’origine remplacés par un simple vitrage thermique. Les 10 000 briques de terre cuite sauvegardées lors du démantèlement de l’ancien bâtiment sont décroûtées et réemployées pour former le sas des amphithéâtres flanquant l’entrée principale, tandis que les fondations en pierre du bâtiment Brion sont réhabilitées et font office de socle pour la superstructure en bois de l’Agora. Le long des façades, les arbres du site, préservés par le chantier, veillent sur l’Agora.
© Tristan Deschamps
À de nombreux égards, l’Agora va bien au-delà des attentes fixées par le cahier des charges de l’EnvA. Les amphithéâtres sont ainsi dimensionnés de sorte à anticiper le nombre croissant d’étudiants de l’école, tandis que certaines salles de TD du premier étage peuvent doubler de surface grâce à la mise en oeuvre de parois mobiles suspendues. De la même manière, dès la phase concours, la maîtrise d’oeuvre s’attache à concevoir un bâtiment sobre et majoritairement biosourcé, « au service du respect de l’environnement et de la qualité du bâti ». De fait, le choix d’éléments structurels de grande portée en épicéa lamellé-croisé permet de définir des espaces de travail sans poteaux. Le confort thermique est assuré par la présence, dans les murs à ossature bois, d’isolants biosourcés en fibre de bois et par le raccordement du bâtiment au réseau de chauffage urbain de l’agglomération d’Alfortville. Quant au confort acoustique, il est assuré par l’installation, aux murs et aux plafonds, de panneaux en fibre de bois.
© Tristan Deschamps
En façade, la brique de terre cuite « Fleur de Paille » de chez Wienerberger est sélectionnée pour sa proximité chromatique avec la brique récupérée sur le bâtiment Brion. La réalisation des murs de façade repose sur un principe de mur double : à l’extérieur, un mur maçonné non porteur, dont l’appareillage alterne entre moucharabieh et « faux » moucharabieh – réalisé par le positionnement en retrait de certaines briques – et qui repose sur une semelle en béton ; puis un mur porteur à ossature bois auquel la paroi de briques est maintenue à l’aide d’équerres anti-dévers. Ce procédé, apprécié en phase concours, devient obsolète à la suite de la mise à jour de deux normes NF DTU, en mai 2019, ce qui impose à la maîtrise d’oeuvre d’effectuer une demande d’ATex auprès du CSTB. « Il a fallu attendre la désignation des entreprises en charge des lots façade, menuiseries extérieures et charpente bois pour pouvoir dessiner les détails. La première réunion avec le CSTB s’est déroulée en décembre 2020 ; nous avons obtenu notre ATex de cas B en juillet 2021 », explique Kévin Guidoux, directeur de projet chez ArtBuild.