Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 09/02/2016
Radicalité en milieu hétérogène. L’intention de l’agence A Practice pourrait se résumer aussi simplement. Le long d’une légère côte, un ancien bâtiment industriel en brique, un ensemble imposant en béton préfabriqué, une école des années 1930 et une petite maison incongrue forment un curieux paysage, qui n’appelle aucun ancrage particulier. Au délicieux fatras, les architectes liégeois répondent par un élément supplémentaire. N’attendez donc pas l’éculé et trop facile « contexte » pour justifier un parti architectural. A Practice y est allée de son idée : « Ce projet traduit nos questionnements sur la logique du détail et nos obsessions sur le travail de la ligne. Nous souhaitons délimiter espaces et lieux de manière franche », affirme Vincent Piroux, architecte associé.
Ici, à Morlanwelz, l’enjeu était de réaliser l’extension d’une école et d’offrir aux élèves un vaste hall d’usinage capable d’accueillir de volumineux outillages numériques. Un simple hangar aurait pu suffire, mais il en allait de l’image de l’institution. Aussi, une conception soignée fut exigée et A Practice en fit un point d’honneur. Dès lors, les deux associés ont imaginé un équipement habillé de noir. Ce choix était motivé autant par un désir d’élégance que par la volonté d’unifier l’ensemble. « Nous avons travaillé à partir d’éléments bruts. Le noir était propre à leur apporter une préciosité en plus de les uniformiser », soulignent-ils.
Il s’agissait de marier également béton et bois. Le Centre de technologies avancées prend la forme d’un parallélépipède compact composé de deux grandes structures en U. La première fonde l’assise du bâtiment. Elle est constituée d’un agencement de prémurs laissés bruts. Cette partie abrite l’ensemble des espaces logistiques et pédagogiques, et ce sur deux niveaux. La seconde structure couvre le hall d’usinage. A Practice aime à évoquer tantôt « une canopée de bois », tantôt « une gaufre », qui se replie pour former « un bow-window ».
Dès lors, le catalogue des matériaux se voulait restreint, voire frugal. Plus encore, il en allait pour chacun d’entre eux de leur vérité. La matière ne doit pas, pour les architectes, être couverte mais se présenter telle quelle dans sa plus grande nudité. Toutefois, l’ambition butait sur les contraintes budgétaires. Il ne s’agissait, après tout, que d’un bâtiment industriel. Les entreprises de construction n’y ont d’ailleurs vu que du feu. Tout semblait si simple. C’était sans compter l’exigence des maîtres d’œuvre. La difficulté était alors de toucher à la perfection à partir d’éléments préfabriqués. « Nous avons tout dessiné pour que les joints des murs correspondent aux joints des sols », affirme Vincent Piroux. Ce n’est là qu’un exemple. La charpente aussi relève de cette même finesse. Là encore, plus simple eût été possible. L’image de marque de l’école appelait une autre inclination que celle pour la facilité. Les poutres ont alors été inclinées à 45°. La trame formée par leur superposition participe de la préciosité voulue. A Practice a décliné ce vocabulaire en façade pour dessiner une vaste baie vitrée. À travers la résille ainsi formée, l’activité de l’école, comme en vitrine, s’expose.
Les yeux portés dehors puis le regard au plafond, les jeunes apprentis jouissent d’un jeu de lumières et de matières. Ceux qui appréhendent ces machines à découpe numérique, ceux qui apprennent l’art de couper le bois peuvent, en observant leur environnement, percevoir le résultat de leur pratique. Il y avait ainsi une évidence pour les architectes à concevoir cette charpente en bois. Ils évoquent à la fois une cohérence vis-à-vis de la fonction mais aussi quelques considérations esthétiques où les thèmes de la présence et de la masse ont été dûment convoqués. Pour ce faire, du lamibois fut privilégié notamment pour ses propriétés physiques à même de franchir d’importantes portées et pour son aspérité, voire sa brutalité. Ce même matériau fut mis en façade afin d’éviter la multiplication des références.
De ces choix affirmés sont nées deux grandes difficultés. La mise en œuvre des éléments préfabriqués, rapide et sans raccord, qui pouvait se montrer inadéquate face aux exigences en termes de finition. Enfin, la jonction entre béton et bois qui s’est révélée des plus délicates : plans et grandes coupes de détail ont du être faits et refaits selon les légères convexités et concavités des panneaux de béton. Ce n’est qu’une fois le géomètre venu et les relevés réalisés que les pièces de bois ont pu être parfaitement calibrées. Bref, tolérance zéro pour ce projet. De la perfection, du sol au plafond, encore et toujours.