Comment abordez-vous le sujet de la structure primaire dans votre pratique en général ?
Pour nous, le travail sur la structure se fait en parallèle avec la formalisation du programme et des entités fonctionnelles. La définition de la trame porteuse structure le plan tout autant que les besoins exprimés par la maîtrise d'ouvrage.
Dans le cas de cette opération, dont le site était complexe et singulier, était-elle primordiale ?
Ici, le choix d'une structure préfabriquée était une condition sine qua non de la faisabilité du projet. Le centre de communication est un plateau qui se pose sur le toit d'un bâtiment à l'activité ininterrompue pendant le chantier. La voie qui le borde devait elle aussi être maintenue ouverte pour des raisons de sécurité, le chantier ne pouvait donc s'étaler en dehors de sa propre emprise. Il nous a fallu concevoir une structure grutable depuis l'autre côté de la rue, en passant au-dessus d'un bâtiment de dix étages. Un camion grue a pu ainsi faire survoler les sites aux éléments structurels, préalablement montés puis assemblés de l'autre côté de l'immeuble.
Pourquoi avoir choisi l'acier ?
L'acier était une solution logique au vu des contraintes structurelles et d'espace de travail. La légèreté de la structure était aussi un point central, afin de ne pas surcharger le toit existant. Par ailleurs, le besoin de lumière naturelle au sein du projet a assez vite conditionné le travail en coupe, conduisant à une écriture de sheds, le site étant totalement enclavé. Ces sheds ont eux-mêmes convoqué une lecture industrielle et technique du programme. Nous nous sommes donc intéressés aux systèmes industriels de façades métalliques, avec le principe de plateaux acier perforés, qui nous permettaient à la fois d'isoler thermiquement est de traiter l'acoustique, point particulièrement soigné ici. Nous avons donc déroulé le fil de la construction modulaire métallique, ses atouts, ses contraintes, sa trame industrielle, et avons cherché à les mettre en exergue.
Aviez-vous étudié la mise en œuvre d'autres matériaux, comme le bois ou le béton ?
Le bois aurait pu être envisagé en réponse aux contraintes de poids et de préfabrication ; cependant, il ne faisait pas sens selon nous avec cette coupe en sheds, les sections en bois auraient été trop importantes et donc l'apport de lumière amoindri. Si le choix du bois avait été fait, le bâtiment n'aurait pas eu du tout la même forme, le porte-à-faux de la terrasse n'existerait sans doute pas… Le mode constructif et la matière structurelle orientent très fortement la figure architecturale, ils définissent la coupe, les masses et les transparences.
La composition de cette structure n'est-elle guidée que par les efforts ? ou y a-t-il quelques intentions dans le choix de tel profil ou telle section ?
La structure est optimisée. Nous devions véritablement prêter attention au poids du bâtiment et ne pouvions nous autoriser de superflu au niveau des sections. Dans ce projet, la structure s'affirme pour ce qu'elle est, dans la réalité de ses besoins.
Quels étaient vos objectifs en laissant l'acier visible ? à l'intérieur, et à l'extérieur en partie ?
Nous avons fait ici le choix de montrer comment se monte un bâtiment métal ; de sa super-structure jusqu'aux plateaux de bardages isolés, rien n'est caché. En extérieur, la peau en aluminium perforée laisse deviner la façade en simple bardage industriel en second plan et la structure apparaît nue au niveau de la terrasse. C'est une manière de montrer les efforts nécessaires pour soulever un plancher et porter un toit qui soit capable de laisser entrer la lumière.
Quelles contraintes acoustiques, incendie et thermiques implique la décision de laisser l'acier visible à l'intérieur ?
Comme nous l'avons évoqué, le principe des plateaux de bardages isolés règle les sujets thermiques et acoustiques. Quant à laisser l'acier visible, c'était un impératif pour nous, le classement du bâtiment n'ayant pas imposé d'encoffrement ni de peinture intumescente.
L'identité du bâtiment est clairement industrielle ; pourquoi cette voie au cœur d'un campus classique et minéral ?
Le campus est marqué par des architectures très disparates de béton, mais aussi principalement de briques. Nous ne pouvions proposer un édifice totalement en briques au vu des contraintes structurelles, il fallait donc coudre avec le tissu existant tout en imposant notre procédé constructif et l'assumer dans son écriture. En abordant le bâtiment, on est accompagné par ce socle en briques massives, qui s'adresse à l'environnement proche. Cette brique donne une échelle aux constructions, de par son module, dont l'œil reconnaît les dimensions sans même y prêter attention. Elle est une norme. Et sur ce socle plein, donnant la mesure, se pose un assemblage de métal, sans échelle réelle, mêlant les transparences, les reflets et les jeux d'ombres à travers les perforations. Il parle d'efforts, de soulèvement.
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FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Paris, France
♦ MAÎTRE D'OUVRAGE Institut Pasteur
♦ MAÎTRE D'OEUVRE daarchitectes
♦ PROGRAMME Construction d'un espace de communication, de convivialité et d'exposition de 375 m²
♦ BUREAUX D'ÉTUDES Clima+ (technique), AR-C (structure)
♦ ENTREPRISES Dubocq (gros œuvre), Dorisson (charpente métallique), Brard (lots intérieurs), Sefra (électricité), Spie (plomberie, cvc)
♦ PHOTOGRAPHE Pedro Duque Estrada Meyer