Allerød, localisée à une vingtaine de minutes en voiture au nord de Copenhague, regroupe 24 200 habitants. Malgré sa taille modeste, la cité n’en est pas moins réputée : sa salle de spectacle, le Mungo Park, a été un lieu important pour le développement du théâtre danois moderne. C’est là également que se sont installées des entreprises technologiques célèbres telles que Hewlett Packard et IBM, ou encore la fabrique de meubles scandinaves Fritz Hansen, laquelle produit par exemple les créations d’Arne Jacobsen, vendues aux quatre coins de la planète. C’est d’ailleurs sur le terrain de l’ancienne usine de cette société de mobilier qu’est aménagée la nouvelle bibliothèque associée à un centre culturel. Issu d’un concours dont l’agence Primus est sortie lauréate en 2013, l’équipement s’adosse à une ancienne bâtisse en brique datant de 1932, qui abritait les bureaux de la firme. L’édifice, tout en longueur, comportant déjà une bibliothèque pour adultes au rez-de-chaussée, est totalement restructuré et étendu à l’extrémité sud par un nouveau volume de 500 mètres carrés. Décalé en bordure est de la parcelle, ce dernier délimite un espace public piétonnier qui longe le bâtiment d’origine. La restructuration de celui-ci est simple : outre une mise aux normes, il accueille désormais de larges plateaux, tandis qu’au rez-de-chaussée sa façade suivant le parvis public est équipée de bow-windows qui permettent de mettre en contact direct les activités de l’espace culturel avec l’extérieur.
L’extension, divisée en deux parties, abrite d’un côté un théâtre et une salle polyvalente. L’autre moitié, directement connectée à la bâtisse de brique, héberge la bibliothèque pour enfants. Rappelant l’histoire industrielle du site, le nouvel édifice d’un seul niveau est un simple parallélépipède, mais il présente une toiture à sheds dont les bénéfices sont multiples. Ce type d’ouverture zénithale permet un éclairage naturel indirect très confortable pour la lecture, il offre des hauteurs sous plafond d’amplitudes variées qui permettent de créer des sous-espaces sans cloisonner. De plus, les pans inclinés offrent une bonne acoustique et une rentabilité optimale des panneaux solaires intégrés en couverture. À la demande de la municipalité, commanditaire du projet, le plan et le traitement intérieur sont le plus générique possible. Les parois sont uniformément blanches, et un simple cloisonnement entre les deux programmes permettrait dans le futur l’extension de la bibliothèque des enfants si besoin était. Pour donner au volume sa silhouette en dents de scie, le bâtiment est structuré par un squelette en profilés IPN. Quant au reste de la construction, il est réalisé entièrement en bois : de larges panneaux préfabriqués en pin, isolés et livrés par camion en état fini, constituent le remplissage de la structure métallique. La vêture est du même matériau, mais à la différence de la neutralité intérieure, celle-ci fait l’objet d’un traitement plastique sophistiqué. Cet habillage est constitué de plaques de bois de 57 centimètres de largeur se chevauchant selon des bandes verticales successives. L’agencement reste discret mais il apporte une belle vibration à l’édifice.
Quant à la façade d’entrée du centre culturel, qui constitue la butée du parvis public, elle reprend le même système constructif mais l’inclinaison donnée aux panneaux permet d’y intégrer au-dessous un système d’éclairage de type LED. Dès la nuit tombée, le bâtiment se transforme en une véritable installation cinétique, et la tour-ascenseur, visible de loin, est devenue un repère dans la ville. Cet aménagement sophistiqué, loin d’être anecdotique, trouve pleinement sa raison d’être dans cette région de Scandinavie où les journées sont très courtes d’octobre à avril, avec un coucher de soleil arrivant parfois dès 16 h 30.
David Bülow-Jacobsen, fondateur de l’agence Primus, explique que « les panneaux ont été choisis pour apporter une échelle humaine et une matérialité au bâtiment, et [que] le fait d’habiller également la tour-ascenseur ajoutée dans les années 1980 a permis de créer un tout cohérent ».
Singulière et remarquable, cette enveloppe parvient aussi à faire corps avec le paysage grâce à sa peinture noire et matte. Cette couleur qu’affectionne particulièrement l’agence Primus relève ici d’une utilisation largement justifiée : le noir mat s’accorde parfaitement avec les tonalités foncées d’un bois voisin qui n’est en rien perturbé par la nouvelle construction. Cette teinte se combine élégamment avec la brique. D’un point de vue plus imagé, le noir montre finalement que la couleur est donnée par la vie qui se déroule dans le bâtiment. À propos du traitement chromatique, David Bülow-Jacobsen ajoute : « Le noir unifie les volumes bâtis vers un tout sculptural et il est une toile de fond parfaite pour les autres couleurs. Dans le contexte de Allerød, il apporte un arrière-plan neutre parfait pour la nature et la vie présentes autour et dans le bâtiment. » Inaugurés en juillet 2015, l’équipement et sa place attenante se sont rapidement imposés comme un nouvel espace public de la ville en mutation.