En novembre 2014, la Capitale lançait ce grand concours innovant, mettant au défi des concepteurs d’ici et d’ailleurs sur vingt-trois sites petits et grands, hôtels particuliers ou dents creuses, friches industrielles ou bâtiments désaffectés, pour un appel à l’aide international. À l’époque, l’annonce fait le tour du monde. Il est vrai que l’agglomération francilienne n’a pas lésiné sur les parcelles en compétition : avec ses 50 mètres de haut et l’une des plus belles vues sur Paris, les 40 000 mètres carrés de l’immeuble Morland, dans le 4e arrondissement, font figure de graal architectural, tandis que dans le 17e, le secteur Pershing appelle au spectaculaire grâce à sa visibilité exceptionnelle et l’importance des flux qui le traversent. Relayée par les médias du monde entier, l’annonce de la compétition, sa programmation ouverte, deviennent très vite le teaser de la mutation annoncée de la Ville Lumière. Mais au final, que révèle le palmarès ? Jusqu’au 8 mai, les projets lauréats sont à voir au Pavillon de l’Arsenal. Des propositions des divers postulants reste… le vert, sous toutes ses formes. Des toitures végétalisées classiques aux capteurs solaires à base de micro-algues, la verdure durable semble en effet sortir grande gagnante de la compétition. Parmi les heureux lauréats, le projet Edison lite, signé Manuelle Gautrand Architecture, immeuble fleuri de 400 mètres carrés, jardinières privatives aux fenêtres et potager communautaire sur le toit, ou Réalimenter Masséna de Lina Ghotmeh Tane Architects, tour de Babel écolo avec évidemment verdure au balcon, annonce la couleur de la future skyline. Sur le podium, et sans grande surprise, suivent charpentes en bois et participation au sens large.
Bronca
Quant à la réinvention, elle se niche souvent dans les détails, à l’image du dortoir-capsule aux 880 oreillers que le projet NOC42 par AR architectures envisage de créer en détournant… le lit-armoire breton. De jolies idées, exprimées, le plus souvent, dans une nouvelle langue écolo, puisque l’opération semble en tout cas avoir incité chaque équipe à produire des mots inédits, des vainqueurs du « philantro-lab » au déçus du « wikibuilding »… Les déçus, justement parlons-en, puisque l’expo permet de comparer les projets. Alors que les immeubles en bois s’implantent de plus en plus dans Paris, regrettons que la tour Urbem Masséna de l’agence Joly & Loiret, qui mise sur le pisé pour ses 14 étages, n’ait pas convaincu le jury. De même, alors qu’il est question partout de participation, la question du financement participatif a, elle, été déboutée : Paris par Nous, Paris pour Nous par Périphériques / Marin + Trottin Architectes, immeuble cofinancé à 30 % par WiSeed (une plate-forme de crowdfunding), arrive au pied du podium, alors, qu’à quelques salles de là, les mouvements de coopératives d’habitants parisiens se dévoilent dans une autre exposition de l’Arsenal… En 3D et maquettes, bien des concepts restent cependant difficiles à juger sur feuille, pour des édifices à qui il faut désormais laisser le temps de sortir de terre. Finalement, si réinvention il y a, c’est sûrement dans le format de l’opération en elle-même, qui ironie du sort, laisse vert… certains architectes. Gronde du côté de l’Ordre et de sa présidente, Catherine Jacquot, qui déplore le cynisme de l’initiative : en pleine crise, celle-ci aurait obligé de nombreux concepteurs à travailler à l’œil. Le format, lui, est d’ores et déjà reconduit, quelles que soient les protestations : en tout, une quarantaine de nouveaux sites, en bord de fleuve, entre Paris et Le Havre, seront bientôt confiés à l’imagination fertile des maîtres d’œuvre, pour le concours Réinventer… la Seine !