Située dans le Land du Bade-Wurtemberg, à l’est de la Forêt-Noire et au sud de Stuttgart, Ravensburg est une vieille ville fortifiée typique et étonnante pour qui n’en a pas l’habitude. Parsemée de diverses tours de guet, de trompettes ou d’horloges, elle semble s’élancer vers le ciel avec ses toitures aux pentes très aiguës en tuiles rouges. Et si les pignons crénelés participent du charme indiscutable de ses ruelles, la très large palette de couleurs des enduits de façade, épais et entretenus, n’est pas de tout repos pour les rétines. Alors, face à cette toile de fond médiévale, presque figée dans le temps, les associés de LRO, Arno Lederer, Jórunn Ragnarsdóttir et Marc Oei, prennent parti pour le présent, sans contraste extrême ni mimétisme aberrant.
Le nouvel équipement culturel appartient à une opération globale d’aménagement de la Burgstraβe comprenant également des logements, des commerces, un parking et une école de danse. Partant de l’Obertor, porte construite au XIIe siècle sous la dynastie de Hohenstaufen, la petite artère pavée et sinueuse conduit jusqu’à la Marienplatz, place de l’hôtel de ville qui occupe une bâtisse rouge sang construite entre le XIVe et le XVe siècle. Le programme du concours demandait la conception d’un musée répondant aux normes Passivhaus destiné à l’accueil de la collection de Peter et Gudrun Selinka. Celle-ci mettant principalement à l’honneur l’expressionnisme allemand ainsi que les groupes avant-gardistes Cobra et Spur.
L’objectif consistait donc à agir dans la continuité de la ville ancienne, mais sans pastiche du vieux ni figure contemporaine trop contrastée. Et si celui-ci est brillamment atteint, c’est par l’ambiguïté des choix architecturaux et techniques. Car il n’est pas aisé de comprendre en quoi l’utilisation de la brique de parement, absolument hors contexte en regard des enduits colorés appliqués partout, semble malgré tout en harmonie ici. Car il est tout aussi surprenant de voir comme les voûtes de couverture résonnent clairement avec les toitures élancées voisines. Il semble alors exactement à sa place, tant la rugosité et l’irrégularité de son appareillage rappellent les moellons de l’enceinte ou les pavés de la chaussée, tant sa compacité et son opacité sont autant d’échos aux structures médiévales environnantes. Et malgré la radicalité des lignes qui le constituent, c’est avec discrétion que son statut d’ouvrage public est affirmé. Discrétion d’ensemble qui n’a d’égal que la simplicité de son organisation interne et de ses usages. L’espace d’exposition est développé sur trois niveaux rectangulaires, libres et aveugles, flanqués de deux épaisseurs servantes sur chacun des grands côtés. Tandis que celle au sud contient l’escalier principal, celle au nord accueille l’ascenseur et les locaux techniques. La façade de la première, composée d’éparses fenêtres de dimensions réduites, constitue le faciès public principal de l’édifice qui se retourne en porte-à-faux à l’angle de la Burgstraβe.
Récemment lauréat du prestigieux Deutsche Architekturpreis 2013 décerné par l’Ordre national des architectes et par le ministère de l’Urbanisme, de la Construction et des Transports, le Kunstmuseum de Ravensburg est aussi le premier édifice de ce type à obtenir le label Passivhaus. Au-delà de la mise en œuvre de briques récupérées sur les ruines d’un couvent du XIVe siècle en Wallonie, les architectes ont conçu et réalisé un bâtiment compact et économe cohérent avec sa fonction. Les parois doubles sont composées d’une épaisseur de brique, de 24 centimètres d’isolation et d’un voile béton intérieur. Les baies sont limitées, mais cadrent parfaitement le paysage alentour. Les dalles béton sont actives et alimentées par une pompe à chaleur à absorption de gaz, tandis que le système géothermique plonge jusqu’à 180 mètres dans le sol. La gageure était certaine dans le sens où les œuvres accueillies ici ne supportant que l’éclairage artificiel, il était quasiment impossible de profiter des calories naturelles du soleil.
► Projet paru dans exé 14 : Façade vitrée (octobre/novembre/décembre 2013)
FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Ravensbourg, allemagne
♦ ANNÉE 2013
♦ MAÎTRISE D’ŒUVRE LRO - Lederer Ragnarsdóttir Oei
♦ MAÎTRISE D’OUVRAGE Reisch Bau GbR
♦ PROGRAMME Construction d’un musée d’art aux standards passifs
♦ SURFACE BRUTE 1900 m²
♦ DURÉE DE CONSTRUCTION 2010-1012
♦ PHOTOGRAPHIES Roland Halbe
BUREAUX D’ÉTUDES
♦ STRUCTURE Ingenieurbüro Schneider & Partner, Planungsgesellschaft mbH
♦ ÉLECTRICITÉ Sulzer GmbH & Co. KG
♦ ÉNERGIE CVC Herz und Lang et Vogt und Feist