ENTRETIEN AVEC ANGEL MENENDEZ
Architecte associé d'Atelier Lâme Architecture
Choix des éléments, assemblage, dimensionnement… construire en bois est complexe ; cela demande-t-il de nouvelles compétences aux architectes ? Ou une collaboration plus en amont du projet avec le bureau d'études structure ?
C'était notre premier projet en structure bois apparente, nous avions déjà construit quelques ouvrages en bois mais pas avec une telle charpente visible. Donc il est vrai qu'au démarrage, nous n'étions pas au fait des charges supportées par les poteaux ou les poutres. Nous avons eu beaucoup d'échanges avec notre bureau d'études au sujet de la section des poteaux, de la hauteur des poutres. Et de même pour le matériau en soi, nous souhaitions tout faire en massif, mais pour les éléments en traction par exemple, nous sommes rapidement passés en lamellé-collé. Effectivement nous avons donc eu plus d'échanges ; habituellement, nous envoyons les plans et les ingénieurs élargissent légèrement un voile ou augmentent la section d'un poteau. Pour ce projet nous avons davantage travaillé avec eux pour l'APD, puis en phase PRO, où nous avons approfondi la question de la résistance au vent. Le bois pose aussi plus de questions, notamment en termes de fixation au sol et de traitement, auxquelles nous avons aussi répondu avec notre bureau d'études. Une autre particularité de la construction en bois est la flexibilité du projet suite à l'appel d'offre. En effet, il faut tenir compte du savoir faire de l'artisan et travailler en étroite collaboration avec lui lors de la phase d'exécution. En France, si la mise en œuvre du béton est plus généralisée et harmonisée, ce n'est pas le cas du bois.
Selon vous, le bois peut-il être prescrit sur tout type de projet ?
Le bois a effectivement quelques limites, même si son utilisation peut être élargie à beaucoup de types de projets différents. Actuellement, nous préparons un concours pour un conservatoire, et les propriétés acoustiques du bois sont inférieures à celles du béton, cela demande donc une épaisseur plus conséquente qui n'est pas toujours cohérente avec le projet. Néanmoins, c'est un matériau que nous apprécions autant pour ses qualités environnementales que pour sa rapidité de mise en œuvre ; pour ce projet de halle, toute la structure a été montée en deux semaines et demi. C'est aussi un matériau plus léger très agréable à travailler, plus doux, plus chaleureux dans le ressenti.
Pourquoi avez-vous fait le choix du bois pour ce projet de halle communale ?
Tout d'abord parce que la mairie de Bouffémont nous avait informés de l'existence d'une filière bois locale. Ensuite parce que nous souhaitions une structure légère, sans la massivité du béton, une structure chaleureuse et accueillante. Et aussi parce que nous pensions que cet espace devait pouvoir évoluer, accueillir plus de commerçants et donc être agrandi. Le bois nous semblait être un matériau plus facile à travailler dans ce sens, plus flexible qu'un voile béton coulé et difficile à modifier sans démolition. Enfin, notre halle est mitoyenne de deux autres bâtiments, nous ne pouvions donc pas prévoir de trop lourdes fondations. Et d'un point de vue esthétique, la place est très minérale, bordée d'opérations de logements des années 1970, nous voulions donc apporter de la chaleur sur cette place.
CLT, BLC, massif ; pour quel type de bois avez-vous opté et comment s'est effectué cet arbitrage ?
Tout d'abord, c'est notre bureau d'études qui nous a conseillé le douglas, une essence aux qualités techniques reconnues et très disponible en France. Ensuite, nous souhaitions travailler avec du bois massif mais nos ingénieurs nous ont rapidement expliqué qu'avec de telles portées, nous devrions mettre en œuvre du lamellé-collé. Le coût du massif est aussi plus élevé et c'est un projet assez modeste. Pour plus de cohérence nous avons donc également opté pour le douglas en bardage, qui est naturellement classe 3, donc sans traitement.
Quels étaient les objectifs d'un dessin aussi sobre ?
Initialement, nous avions la contrainte de ces deux bâtiments mitoyens dont nous souhaitions rattraper le gabarit ; la volumétrie devait s'inscrire dans la continuité de celle du supermarché existant et de la dalle du bâtiment de logements. Il y avait ensuite l'idée d'avoir un ouvrage très aérien, un objet flottant lorsque les volets papillon sont ouverts, face à la nouvelle place Vauban. Quant au dessin de ces derniers, il répondait à l'objectif d'abriter des commerces temporaires. L'idée était d'avoir une boîte fermée mais chaleureuse qui puisse être très largement ouverte sur l'extérieur et perméable.
Donc le dimensionnement des éléments n'est pas qu'une question de résistance ?
Bien entendu et la question s'est posée dès les premières études. Nous avons des expériences de bâtiments en structure métallique et avec notre bureau d'études nous étions presque passés au métal pour ce projet, car les sections étaient bien évidemment plus légères. Mais malgré la hauteur conséquente du projet à 4,50 mètres nous avons pu obtenir des sections en bois relativement légères ; les poteaux par exemple ne font que 200 × 200 millimètres, ce qui est assez élancé. Et en façade, la section descend à 11 centimètres, ce qui est encore plus fin et ténu. Nous avons donc préféré opter pour une trame plus dense et une multiplication des poteaux afin de diminuer leur section.
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FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Bouffémont (95), France
♦ MAÎTRISE D'OUVRAGE Commune de Bouffémont
♦ PROGRAMME Construction d'une halle de marché de 200 m²
♦ BUREAUX D'ÉTUDES Seine Ingénierie (structure), WOR ingénierie (fluides)
♦ ENTREPRISES Bonnevie & Fils (gros œuvre), Driollet (charpente bois), S3M (menuiserie et ouvrage bois), Poulingue (couverture, étanchéité), Aveline Frères (sols et murs), Meuleman (plomberie, CVC), GED EMV (électricité)
♦ CHARPENTE ET BARDAGE BOIS Douglas français naturellement classe 3 sans traitement Acerbois-Glulam
♦ PHOTOGRAPHE Michalina Malec