En Seine-et-Marne, dont la superficie représente près de la moitié de l'Île-de-France, il y a l'aéroport Paris-Charles-de-Gaulle, le parc Disneyland, 56 % de terres cultivées, le coulommiers et 510 communes. Comptant parmi celles de moins de 10 kilomètres carrés, Dammartin-en-Goële s'étend inexorablement, coupée de son centre ancien dominé par les ruines d'un château du XVe siècle. Une première ZAC en 1960, puis quelques grands ensembles, puis d'autres ZAC, toutes sur le même modèle avec leurs lotissements insipides aux pavillons standards en enduit crème et fausses tuiles. C'est avec cet environnement anonyme, qui nie un paysage naturel existant aimable, que l'agence Lankry Architectes a dû composer pour la conception de l'internat du lycée Charlotte Delbo (1913-1985, femme de lettres, résistante et survivante d'Auschwitz) conçu par Phine Dottelonde et inauguré en 2013. Sobre et élégant avec son bardage noir à claire-voie, l'établissement général et professionnel occupe un terrain de 33 260 mètres carrés à la frange de la ZAC La Folle Emprince, bordé par des rangées de pignons aveugles et de façades ineptes. Le terrain dévolu à l'internat longe la limite ouest du site, sans rapport direct avec la rue mais de front avec les bâtiments d'enseignement à l'est et le fond de parcelle d'une artère pavillonnaire à l'ouest.
Pour Philippe Lankry, tout l'enjeu se situait donc dans les distances et les limites. Entre le territoire des études et le territoire de vie ; permettre à l'élève interne de pouvoir dire « je rentre » et « je vais en cours. »
Entre cet environnement anonyme et ce lieu de vie qui doit offrir tout le confort, l'intimité et la personnalité nécessaires à de jeunes adolescents éloignés de leurs familles. Entre la ville que l'architecture permet et celle que bâtissent les lotisseurs et les promoteurs. Mais sans jamais rejeter ce tissu constitué ; l'interroger, le contredire et s'en écarter mais sans jamais l'ignorer, au risque de produire pire encore. Parfaitement inscrit dans la géométrie du site, le volume est unitaire et compact car l'enjeu était avant tout de faire « un bâtiment simple et fonctionnel » comme nous l'explique Philippe Lankry, même si « la dimension subversive de cette architecture était recherchée, celles pratique et rigoureuse l'étaient tout autant, si ce n'est plus. »
En regard d'un programme demandant 80 chambres, des salles d'études et de loisirs, des espaces servants et un logement de fonction, les dimensions minimales de la parcelle ont semblé bien étouffantes aux architectes. D'autant plus en considérant la promiscuité importante d'avec le lotissement voisin. Alors, au cœur de cet environnement plat ne dépassant que rarement le niveau R+2 « la décision de monter à R+4 a été radicale mais a tout libéré » commente Philippe Lankry. Le sol était à nouveau exploitable pour l'agrément et l'espace, les plateaux ne distribuant plus que 20 chambres retrouvaient une dimension humaine et confortable et un joli paysage lointain était enfin accessible. Et cette verticalité sans esbroufe de servir aussi la distanciation d'avec les locaux d'enseignements, volumes tout en longueur et ne dépassant pas R+1.
C'est une image ; un bâtiment-image dont la forêt pixellisée, imprimée numériquement sur des cassettes métalliques de 34,5 centimètres de côté, est un fantasme de paysage, une fiction de nature.
D'autant plus fictionnelle qu'elle lévite au-dessus d'un socle immatériel d'inox poli miroir, reflétant les voisins immédiats. Camouflage dédié au bien-être des internes, elle est aussi particulièrement intrusive et charismatique. Mais ce choix purement ornemental de prime abord « a amené une exigence accrue à tous les points de vue ; conception, mise en œuvre et chantier » nous raconte Philippe Lankry. Car pour éviter l'écueil du panneau d'affichage il fallait une réalisation absolument précise et maîtrisée, tant du point de vue de l'échelle des pixels, des couleurs que du dessin des joints, des raccords, des angles, des appuis de fenêtres, des volets… Et cette rigueur a guidé tous les corps de métiers intervenus sur le chantier.
In fine, plus qu'un ornement léger et éphémère, cette enveloppe végétale est un lieu, aussi poétique que brutal, fabriqué pour son usage et ses occupants.
La verticalité du projet a donc permis de libérer le sol au maximum et de pouvoir concevoir un socle confortable, intime et fonctionnel. Glissé vers la limite ouest sous les niveaux supérieurs en porte-à-faux, le volume du rez-de-chaussée est accessible via un porche, à la fois seuil et protection, dont il faut franchir les portes réfléchissantes pour pénétrer à l'intérieur, « telle Alice qui passe de l'autre côté du miroir » nous conte l'architecte, dans cet autre territoire qui n'appartient qu'aux internes et non à tous les élèves du lycée. Très simples dans leur finition, les espaces du rez-de-chaussée donnent tous sur une terrasse et un jardin qui les mettent à distance des pavillons auxquels ils font face.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Dammartin-en-Goële (77), France
ANNÉE 2017
ARCHITECTE Lankry Architectes
MAÎTRISE D'OUVRAGE Région Île-de-France
MANDATAIRE SAERP
PROGRAMME Construction d'un internat de 80 places pour le lycée Charlotte Delbo
SURFACE DE PLANCHER 1 980 m²
COÛT DES TRAVAUX 3,6 millions d'euros HT
CONCOURS Avril 2 014
ÉTUDES Juillet 2016 à août 2017
CHANTIER Juillet 2016 à août 2017
LIVRAISON Septembre 2017
BUREAU D'ÉTUDES ET CONSULTANT
TCE Facea
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