Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 17/11/2015
Il y a quelques années encore, les hauts-fourneaux de la vallée de la Fensch crachaient leur lot quotidien de fumées. De promesses économiques en déconvenues politiques, le paysage s’est peu à peu figé et les grands fours se sont définitivement éteints. Karine Chartier et Thomas Corbasson ont assisté à cette lente agonie alors qu’ils dessinaient la nouvelle salle de musiques actuelles sur les hauteurs de Nilvange. Ce nouvel équipement culturel devait occuper un ancien collège préfabriqué érigé dans les années 1970 et récemment reconverti pour accueillir une école de musique et quelques associations. Le tohu-bohu des mélodies contemporaines méritait, en sus de cette adresse, une scène pour s’exprimer. La Ville a donc pensé installer en lieu et place de la piscine, creusée sous les salles de classes, un espace de représentation.
Après une étude de définition, Chartier et Corbasson ont été retenus. Jeté dans le grand bain, le duo parisien a décidé de réutiliser la fosse et les plages pour y installer une salle digne de ce nom. Ce parti pris s’est rapidement imposé par l’impossibilité de creuser davantage le sol au risque de déstabiliser la construction originale. Aussi, pour obtenir une hauteur sous plafond confortable de cinq mètres, la seule solution était d’imaginer un nouvel usage à ce trou laissé béant. Aujourd’hui près de quatre cents mélomanes peuvent applaudir quelque artiste en concert, qu’ils soient dans la fosse ou bien, en haut, sur les pourtours, avec vue plongeante sur la scène. Il restait à trouver quelques mètres carrés supplémentaires pour placer les trois studios d’enregistrement, les loges et autres lieux de stockage prévus dans le programme. Les anciens vestiaires de la piscine ont alors été transformés et légèrement surélevés.
En plus de la médiocrité des aciers présents et de l’impossibilité d’obtenir un diagnostic complet de la structure, la grande difficulté du projet était d’offrir qualité acoustique et absence de nuisances aux quartiers alentour. La contrainte : ne jamais dépasser les 115 décibels qui avaient conduit une salle de la ville, Le Gueulard, à baisser le rideau quelques années plus tôt.
Dans l’interstice et dans la pente
La mission confiée à Chartier-Corbasson était de se faufiler dans une construction existante et de se positionner sur un site à flanc de colline, soit, in fine, de transformer un ancien collège installé dans la pente en une salle avenante. Certes, il se trouve des contextes architecturaux plus qualitatifs. Mais, sans restructurer l’équipement scolaire de pied en cap, les architectes ont imaginé une nouvelle vêture posée sur une ossature métallique, avec, dans son épaisseur, vide d’air et isolant, transmuant ainsi un édifice un peu rude en équipement chatoyant. Restait alors à ouvrir l’ensemble sur la ville et à jouer, par conséquent, de la topographie. Passerelle et parvis amènent le visiteur vers une entrée dont la présence est marquée par un mouvement de façade, un délicieux froufrou doré. Depuis ces cheminements extérieurs et à l’ombre de l’auvent, la vue est imprenable sur la vallée. La Smac embrasse Nilvange.
Façade
« Notre référence est le monde de la sidérurgie. Nous avons choisi une tôle dorée pour évoquer le métal en fusion et assurer ainsi la mémoire de l’acier. Nous avons également travaillé, pour cette peau isolante, une musicalité, voire le rythme mouvant et oscillant d’un équaliseur », indique Karine Chartier. Si les atours semblent sophistiqués, les produits n’en sont pas moins standardisés. Les panneaux se superposent sur une structure métallique, et l’ensemble du dispositif mesure à peine trente centimètres d’épaisseur. Au droit des ouvertures, le métal est perforé afin d’assurer l’éclairage naturel des salles de classe. Enfin, la géométrie complexe de ce dessin est la résultante d’un algorithme finement étudié.
Fosse sur écoute
À l’origine, le bassin mesurait vingt-cinq mètres sur dix. Autour, les plages de circulation faisaient trois mètres de large. Chartier-Corbasson avait initialement envisagé de garder jusqu’aux mosaïques de la piscine. Toutefois, considérant les impératifs acoustiques, ce parti esthétique n’a pu être possible. Aussi, en lieu et place d’une boîte dans la boîte, le duo parisien a-t-il conçu une boîte dans le bassin. Le tout est alors désolidarisé de la construction originale. En l’absence de note de calcul et d’éléments techniques sur la structure existante, une solution légère a été mise en œuvre : au mur, BA13 et laine ; au sol, une dalle légère flottante faite de bandes de Sylodyn®.