Lauréat du concours pour le réaménagement sur un même site d’un centre de logistique de la ville de Paris, le TAM (service des transports automobiles municipaux), d’une annexe de la caserne de pompiers de Champerret et d’un terrain de sport, Bruno Mader conjugue mixité et ordonnance dans le secteur en pleine requalification de la porte Pouchet. Les activités techniques du programme, principalement parking, centre de maintenance et stockage, sont placées dans un vaste sous-sol, dont la toiture forme un plateau où vient se réinstaller le terrain de sport préexistant, qu’il fallait restituer. Un réglage rigoureux des altimétries, contraintes par le passage de galeries EDF en sous-sol et par l’emprise des voies souterraines du RER A à l’ouest, permet d’insérer ce centre, qui a tout du monstrueux – tout de même 10 000 mètres carrés de parking pour 70 véhicules lourds et véhicules d’intervention nécessitant 6 mètres de hauteur sous poutre –, sans avoir l’air de saturer le site. L’emploi d’un complexe de toiture drainant, avec dalles à nid d’abeilles, a limité l’épaisseur totale de la dalle, et en fin de compte le niveau du gazon artificiel du terrain de football dépasse d’à peine un mètre le sol du mail planté jouxtant le centre. Des sheds posés sur une bande étroite à l’est de l’aire de sport et le vitrage des parois ouest apportent éclairage naturel et désenfumage aux ateliers du sous-sol.
Au nord, barrant l’horizon d’un triple trait, un bâtiment linéaire de 90 mètres de long fait écran aux nuisances du périphérique. Une maille métallique tendue sur les nez de dalle sert autant de filet de récupération des ballons perdus que de séparation entre les sportifs, les bureaux du centre de maintenance en rez-de-chaussée et les chambrées d’une caserne de pompiers occupant les niveaux supérieurs. Les programmes fonctionnent de façon autonome. Les bureaux sont insérés entre deux parties de la caserne, un escalier encloisonné conduit des hébergements aux locaux opérationnels sans aucun contact direct, et la caserne possède une entrée séparée. Les deux remises à véhicules sont isolées l’une de l’autre, la voie d’accès au périphérique restant finalement le seul élément partagé par ces entités indépendantes.
« Si le bâtiment s’implante pour faire barrage aux nuisances routières, explique Aurélien Veyssier, chargé du projet à l’agence de Mader, nous n’avons pas voulu pour autant masquer l’infrastructure. » Des transparences vitrées laissent effectivement entrevoir la circulation, offrant un spectacle que l’on pourrait comparer à celui d’un fleuve et suscitant une certaine forme de fascination. L’inscription au programme d’une salle de sport double hauteur, à la fin transformée en salle de réunion, a été mise à profit pour ménager les vues depuis le terrain de foot vers le Grand Paris. La façade tournée du côté de l’autoroute urbaine est complètement fermée par une peau plissée alternant parties vitrées et parties opaques. Le relief contribue au jeu cinétique offert à l’automobiliste, qui verra selon son sens de circulation un bâtiment totalement clos ou totalement transparent. Cette façade ne comporte aucun ouvrant, hormis ceux des pompiers : pour des raisons de pollution, elle est totalement étanche. L’air ventilant les locaux est pris du côté de Paris, pour être rejeté en toiture vers le côté du périphérique.
« Comme les planchers sud, les planchers nord sont en porte à faux, souligne l’architecte. L’incompatibilité des contraintes de flèche de cette mise en œuvre avec les tolérances millimétriques de la menuiserie métallique a finalement conduit à suspendre tout le mur-rideau. » De grands cadres hauts de 11 mètres et larges d’un peu plus de un mètre, la trame de la façade, sont portés par des potences dissimulées au sommet du bâtiment. Les parties verticales de la menuiserie sont réalisées d’un seul tenant, sans recoupement. Une filière spéciale a été créée pour l’extrusion de ces profilés triangulaires en aluminium présentant trois ruptures de pont thermique, d’autant plus complexes que la position de la pointe s’inverse à chaque inflexion du pli. Lorsque l’insertion de grandes baies formant vitrine sur cet âpre paysage urbain vient interrompre les profilés verticaux, les fragments de cadres de moindre dimension peuvent être alors rattachés aux planchers. Les vitrages toute hauteur répondent aux contraintes de garde-corps, les vides entre les nez de planchers et les menuiseries sont comblés par des platines triangulaires en acier, laissées visibles ou fondues dans le sol.
Pensé dès la phase concours, le plissé ne devait présenter aucune arête ou aspérité sensible à l’encrassement par les gaz d’échappement des automobiles. La solution utilisée détourne un système de mur-rideau VEC placé sous avis technique européen, ce qui a évité une procédure d’ATEX. Les verres sont fixés au cadre par une série de claveaux venant se loger dans une rainure pratiquée entre les deux faces du double vitrage. Les cadres, qui devaient être préfabriqués en atelier, ont finalement été montés sur le chantier, pour des raisons de poids.