Nous le savons, d'ici 2050, il faudrait diviser par quatre nos émissions de gaz à effet de serre. Cette inéluctable transition écologique impose, plus que jamais, une transformation de la ville sur la ville ainsi qu'une réhabilitation écologique du bâti existant. L'opération de rénovation thermique de 106 logements dans le 12e arrondissement parisien est pleinement inscrite dans ce débat contemporain. Contigus, les deux immeubles à transformer (en R+10 et R+4) sont implantés en équerre sur une parcelle d'angle. Le plus haut d'entre eux s'adresse aux maréchaux du boulevard Soult, juste à côté du cours de Vincennes. Nous sommes ici dans un contexte bien éloigné du décorum haussmannien, sur un territoire marqué par de larges artères où glissent les tramways ainsi que par une succession de barres de logements : les habitations à bon marché des années 1950 à 1970. Scandées par d'importants vides, elles se maintiennent à distance les unes des autres.
François Brugel et Marc Dujon - associés à l'occasion de ce projet - ont saisi à bras-le-corps les épaisseurs du lieu dans ses dimensions historique, géographique aussi bien que sociale. Lauréats en 2018 du concours de conception-réalisation remporté avec l'entreprise Genere, il s'agissait pour eux de questionner la place donnée à l'architecte dans le cadre d'un projet d'amélioration du confort thermique d'un bâtiment, alors que ce type de programme est souvent laissé aux mains des seuls BET. Plus précisément encore, ils interrogeaient les possibilités d'actions pour améliorer les conditions d'habiter des gens vivant dans cet immeuble, parfois de très longue date. Un regard bienveillant porté sur l'architecture a été le fil d'Ariane du projet : « Notre méthode a été la même que lorsque nous procédons à une réhabilitation, explique François Brugel. Notre intervention s’est déployée à partir des qualités du lieu, des usages qui fonctionnent bien et des éléments pérennes que nous souhaitions conserver, comme les sols en bois ou en terrazzo. Bien qu’élégamment distribués, les appartements souffraient d’un déficit de surface dans les séjours. » La réhabilitation thermique, qui est passée par le remplacement des fenêtres et par la réalisation d'une isolation par l'extérieur, fut l'occasion de compléter le programme en proposant par exemple d'intégrer les anciennes loggias - condamnées lors de transformations en 2018 -dans le volume des habitations. Ces dernières sont, de plus, augmentées par la prolongation des espaces vers l'extérieur grâce à la création », telles que revendiquées par les architectes, ces derniers sont totalement intégrés à l'enveloppe recouverte d'un fin enduit blanc accentuant le caractère moderne de la construction d'origine. Ils génèrent des angles nets au droit des pignons de la barre principale ou sur l'enfilade de plis caractérisant le plus petit volume. Le graphisme horizontal du dessin des façades d'origine est préservé, d'autant plus que les nouvelles menuiseries en bois et aluminium reprennent des proportions identiques. Les détails sur les tableaux de fenêtres et la manière de poser les stores - qui apportent une tonalité safran bienvenue - relèvent d'un travail précis tant sur les proportions que sur la mise en œuvre. L'ensemble bâti est isolé par la pose d'une laine minérale vissée sur les anciennes façades.
« NOTRE MÉTHODE A ÉTÉ LA MÊME QUE LORSQUE NOUS PROCÉDONS À UNE RÉHABILITATION. NOTRE INTERVENTION S'EST DÉPLOYÉE À PARTIR DES QUALITÉS DU LIEU, DES USAGES QUI FONCTIONNENT BIEN ET DES ÉLÉMENTS PÉRENNES QUE NOUS SOUHAITIONS CONSERVER. »
Le registre bas des deux immeubles renforce la nouvelle place de l'édifice dans l'espace public : citation revendiquée au travail de l'architecte Perret, le soubassement est un socle épais et protecteur. Fait de mignonnettes de béton, il présente des effets de grain à la surface qui ont été finement travaillés et testés avec l'entreprise. Certaines parties se prolongent dans les halls, lesquels réparés, repérables, repeints voire agrandis, transforment l'entrée dans les lieux, rappelant les très beaux halls d'immeubles bourgeois et cossus. À l'articulation des deux immeubles, un volume de circulations a été totalement ouvert pour se transformer en de confortables passerelles d'accès privés dans les logements d'angle de la petite barre. Celle-ci se voit d'ailleurs désormais équipée de deux ascenseurs.
L'architecture s'enrichit de petites interventions aux conséquences non négligeables, comme la pose d'éléments en cuivre en couverture d'un hall ou d'une colonne, un matériau symbole de beauté et de durabilité et qui diffuse une touche de préciosité bienvenue dans le cadre du logement social. Les interventions, plus ou moins visibles, sont autant de gestes et d'attentions portés aux habitants, sans oublier la ville, celle de l'échelle du piéton tout comme celle de l'infrastructure à laquelle se confronte le bâti. Esquivant l'écueil de l'effacement ou de la surexpression d'une signature, l'intervention hisse haut et fort l'idée de « faire à la suite de » et de poursuivre l'histoire de l'édifice en renfonçant sa plasticité rigoureuse et géométrique.
Dans la barre en R+4, les cages d'escalier sont redessinées pour accueillir de petits ascenseurs. Les plans des logements présentent des enfilades de pièces qui génèrent de beaux espaces. Dans ces bâtiments anciens, il existe encore des celliers, repérables en façade par le rythme horizontal des brise-soleil protégeant leurs ouvertures.
De nouvelles poutres en béton permettent des reprises en œuvre sur la structure existante mais ne perturbent pas la volumétrie des logements. Les allèges sont en béton mais les sols ajourés sont en caillebotis métalliques, une mise en œuvre qui génère un creux en sous-face, participant au graphisme de l'ensemble.
La réhabilitation thermique a aussi été l'occasion de retravailler le dessin des sols extérieurs et des plantations en cœur d'îlot. Le repérage vers les accès aux différentes cages de distribution des logements a également été revu, toujours dans l'état d'esprit d'origine, notamment avec le remplacement des fenêtres qui reprennent les partitions existantes.
FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Paris (75), France
ARCHITECTES FBAA - François Brugel Architectes Associés et Marc Dujon Architecture
www.fb-architectes.fr, marcdujon.com
MAÎTRISE D'OUVRAGE Paris-Habitat
ASSISTANT MAÎTRISE D'OUVRAGE PIBA
PROGRAMME Marché de conception-réalisation en site occupé (106 logements). Travaux d'amélioration énergétiques de deux bâtiments, avec création de 38 balcons et de 2 ascenseurs, requalification des parties communes et des espaces extérieurs.
SURFACE DE PLANCHER 6 602 m²
COÛT DES TRAVAUX 6,5 millions d'euros HT
CONCOURS 2018
CHANTIER 2020-2022
LIVRAISON Mars 2022
BUREAU D'ÉTUDES
BET THERMIQUE ET FLUIDES Cadence
ENTREPRISE
ENTREPRISE GÉNÉRALE GENERE SA