Lorsqu'en 2012 la Régie immobilière de la Ville de Paris (RIVP) lance un appel d'offres restreint pour la construction d'un immeuble de 17 logements avec un commerce en rez-de-chaussée, l'agence Barrault Pressacco ose la proposition d'une construction en pierre porteuse, se posant alors la question de savoir comment l'utiliser pour répondre aux exigences thermiques. Au projet initial, aucune modification n'est apportée, si ce n'est le choix du plancher bois. Coup d'essai mais coup de maître, la pierre version contemporaine retrouve ses lettres de noblesse, quelque peu oubliée depuis Fernand Pouillon pendant la période de l'après-guerre, ravivée plus récemment par Gilles Perraudin. « ls ne revendiquent pas de paternité mais il y a eu un moment pierre qui s'est estompé », constate l'architecte Cyril Pressacco. Construire dans Paris a un prix, le confort des habitants aussi. Le bailleur social, qui ne rechigne pas à la dépense, octroie une enveloppe généreuse qui permet d'avoir recours à des matériaux nobles et de qualité. Les 2 800 euros du mètre carré autorisent le surcoût de la pierre, compensé par sa durabilité et ses vertus thermiques.
Si l'audace de la pierre marque l'esprit de RIVP, la qualité d'insertion du projet et le dessin des logements plaisent tout autant. Une fois l'hôtel en piteux état démoli demeure une dent creuse, voisinant avec un bâtiment typiquement faubourien avec enduit et fenêtres sans modénatures et un immeuble post-hauss-mannien avec modénatures en ajout. « La tectonique de la façade était déjà présente au moment de l'appel d'offres, cette forme de la baie par soustraction de la matière » se souvient Cyril Pressacco. Comme un prolongement naturel, le passage d'une époque à une autre s'opère sans heurt. Évitant « les tendances pastiches et nostalgiques », l'immeuble qui s'élève en R+6 semble toujours avoir été là. Côté insertion, il se glisse en n'occupant pas l'intégralité de la parcelle de 420 mètres carrés. L'image de l'immeuble livré en 1912 et signé Henri Sauvage surgit. En ces temps les préoccupations étaient sanitaires, la lumière naturelle et la circulation de l'air étaient privilégiées. L'actualité pandémique les a rendues tout à fait contemporaines. Par ailleurs, la maîtrise d'œuvre est aussi attentive à l'organisation des logements. « Dans le corps de bâtiment sur rue, le plan se partage entre un grand logement traversant qui prolonge ses pièces de vie par un balcon au sud et un studio sur la rue. Dans le corps de bâtiment sur cour, un seul logement par niveau s'ouvre sur une large terrasse orientée au sud-ouest », décrivent les architectes. La structure assurée par une charpente métallique en permet la réversibilité, l'évolutivité. Elle s'ajoute à la palette réduite de matériaux, pour certains biosourcés comme le béton de chanvre, pour assurer l'isolation thermique.
« L'USAGE DE MATÉRIAUX BIOSOURCÉS AMÈNE À RECONSIDÉRER LA RELATION AVEC LES BUREAUX D'ÉTUDES, DISPARUE AVEC L'AVÈNEMENT DU BÉTON. »
Dans un premier temps, le choix s'était porté sur une pierre du Bassin parisien, le calcaire de Saint-Maximin, abondamment utilisé pendant les travaux haussmanniens. Le sous-traitant propose une pierre à la couleur et aux caractéristiques techniques identiques, provenant de la région d'Angoulême. Une fois le choix sur catalogue fait, les architectes s'en remettent au savoir-faire du carrier qui, avec toute sa connaissance du terroir, sait où creuser pour trouver la veine qui conviendra le mieux. C'est le premier projet en pierre de l'agence qui découvre alors que « l'énergie embarquée ou consommée pour extraire, découper et mettre en œuvre la pierre est faible. Pendant ces opérations, elle ne subit que peu de transformations et conserve toutes ses propriétés intrinsèques ». Un argument qui pèse dans la balance pour la reconnaissance de cet édifice bas carbone et qui permet aux concepteurs d'évaluer combien « l'usage de ces matériaux biosourcés […] amène à reconsidérer [la] relation avec les bureaux d'études, disparue avec l'avènement du béton. Nous avons une appétence pour la construction mais on ne sait pas le faire seuls ». Ils vont plus loin en expliquant que « lorsqu'on s'attache à la question de la ressource, on fait entrer son représentant dans le triptyque architecte/maîtrise d'œuvre/ constructeur. Le carrier, la chanvrière, le producteur de bois deviennent ce quatrième acteur ». En période de pénurie comme celle dans laquelle nous entrons de plain-pied, et en regard du « bon sens », l'agence met en avant « une hybridation de la construction pour trouver des matériaux adéquats pour des questions thermiques et esthétiques ». Si dans ce projet, la pierre est efficace en termes de compression, elle ne l'est pas en termes de portées ou de flexion.
Dès sa conception en 2021, le bâtiment était avant-coureur des préoccupations relatives au bilan énergétique de la construction. Bien avant le décret du 29 juillet 2021, l'agence Barrault Pressacco avait su proposer un projet à l'impact carbone limité. Elle poursuit ses expérimentations avec le développement pour les JO 2024 de quatre bâtiments de 25 logements prévus pour le village olympique réalisés avec des murs à ossature bois préfabriqués et isolés en béton de chanvre.
LOCALISATION Paris 11, France
ARCHITECTES Barrault Pressacco
MAÎTRISE D'OUVRAGE RIVP Régie immobilière de la ville de Paris
PROGRAMME Construction d'un immeuble de logements en pierre massive
SURFACE HABITABLE 1 085 m²
SURFACE DE PLANCHER 1 222 m²
CONCOURS Novembre 2011
LIVRAISON Décembre 2017
BUREAUX D'ÉTUDES
STRUCTURE ET THERMIQUE LM Ingénieurs
FLUIDES Atelux
ÉCONOMIE ALP Ingénierie
ACOUSTIQUE QCS Services
ENTREPRISES
GÉNÉRALE Tempere Construction
MISE EN ŒUVRE DE LA PIERRE Bonnel
TRANSFORMATION DE LA PIERRE Atelier Lithias
EXTRACTION DE LA PIERRE France Pierre