Sourire malicieux, yeux pétillants et pleins d’humilité, Sou Fujimoto a un tempérament effacé qui surprend au vu de sa production audacieuse et pertinente. L’an passé, à l’âge de 41 ans, il était le plus jeune architecte à réaliser le célèbre pavillon annuel de la Serpentine Gallery de Londres, fin nuage métallique flottant sur les jardins de Kensington. Car Sou Fujimoto est de ceux qui s’affranchissent de la contrainte du sol, à l’image de la House N2 ou de la House NA, palais de verre de 21 niveaux construit sur une minuscule parcelle tokyoïte de 55 mètres carrés. Dans cette maison presque entièrement décloisonnée et transparente, la notion de pièces s’efface au profit de celle de fonctions. Les différents plateaux font ainsi office de plancher, de plafond, de table, de chaise, de bureau et de sommier. Avant de construire cette habitation qui tranche radicalement avec son environnement, un quartier de pavillons individuels et de petits logements collectifs plus traditionnels, Sou Fujimoto a préféré la proposer, avec deux autres options, à ses commanditaires qui ont choisi parmi les maquettes présentées, plus claires que des plans. Car c’est en volume que le maître aime travailler : touchant, sentant, expérimentant, dessinant ; des dizaines de miniatures peuplent son atelier de Tokyo.
À Montpellier, l’élaboration de la deuxième Folie architecturale, avec Nicolas Laisné Associés et Manal Rachdi Oxo Architects, n’échappe pas à la règle. Les associés ont réalisé de nombreux modèles réduits : ensemble, lors de leur rencontre à Tokyo, puis séparément mais en échangeant sur leurs recherches respectives via Skype. « Avec le décalage horaire, nous travaillons 24 heures sur 24 », explique Nicolas Laisné. Le résultat final s’intitule L’Arbre blanc, une tour arborescente de 17 étages dont le chantier s’achèvera en 2017. Pour la réalisation de sa première résidence française, à Arromanches en Normandie, Sou Fujimoto opte pour le même procédé d’expérimentation en maquette, avec un concept simple : évider la moitié de la villa traditionnelle existante pour y aménager un espace vert et installer la chambre des propriétaires… dehors, dans le jardin ! Toujours repousser les limites entre intérieur et extérieur, « réinterroger l’habituel », comme l’explique ce créateur qui considère que bâtir son propre logis serait au-delà de son imagination et préférerait pour cela faire appel à Frank Gehry dont il aime l’expression « inhabituelle ». Après l’agence SANAA pour la réhabilitation de la Samaritaine, Kengo Kuma pour le Frac de la région Paca et Shigeru Ban pour le Centre Pompidou-Metz, serait-ce au tour de Sou Fujimoto de marquer de son empreinte singulière la scène architecturale hexagonale ?
1. Si ce terme désigne à la base les élégantes demeures bourgeoises du XVIIIe siècle construites en périphérie de Montpellier, il fait aussi
référence aux douze projets de bâtiments qui s’insèreront bientôt dans la ville.
2. Voir Architectures à vivre n° 69