C’est à deux pas de la perspective Nevski et de la Cathédrale de Saint-Isaac que le premier projet contemporain du centre-ville voit le jour, de surcroît le premier projet étranger depuis la fin de l’Union soviétique. En ce sens, la ville ne fait que se réconcilier avec la grande histoire pétersbourgeoise. Alors, parmi les architectures italiennes du palais de Catherine et du musée de l’Ermitage il faut désormais ajouter le centre d’affaires Quattro Corti. Sa modernité, timide, se cache derrière la réhabilitation de deux immeubles historiques, réalisée par l’agence italienne Piuarch pour le client Galaxy LLC. La compagnie pétrolière Gazprom, qui n’a pu construire sa tour rêvée de 400 mètres, s’y installe finalement, y décelant un véritable écrin.
Sur la rue donc, les deux bâtiments du XVIIIe ont été restaurés, leurs fondations renforcées et les poutres en bois remplacées par des poutres en béton. Sur la partie arrière, une extension vient compléter la parcelle, un nouveau bâtiment de six étages a été érigé sous forme de planchers libres, idéaux pour les aménagements de bureaux, supportés par une trame de poteaux de huit mètres et simplement contreventés par les circulations verticales. Vue de haut, une toiture sombre en zinc-titane enveloppe les bâtiments anciens et modernes. C’est un pliage complexe qui permet à la fois d’unifier l’ensemble et de résister aux rudes hivers russes. Juste au-dessous, le restaurant panoramique, programme qui sied si bien aux projets de cette stature, profite de vues traversantes sur les paysages de toiture et au loin la coupole de Saint-Isaac.
Donc, de l’extérieur rien ne laisse présager l’éclat des façades intérieures. Pour apporter un éclairage satisfaisant dans cette large parcelle (60 × 70 mètres), l’extension est percée de quatre cours, qui composent le dispositif magistral du centre d’affaires imaginé par Piuarch. À chaque cour une couleur qui reprend la palette des immeubles du centre-ville, et installe son ambiance ; la cour dorée pavée de travertin, la cour bleue et son bassin, la cour verte plantée et la cour blanche, occupée par la salle de réunion, qui sera couverte de cuivre en 2014. Mais la clé de ce dispositif, ce sont les panneaux autoportants (75 × 400 centimètres) composés d’un vitrage complexe teinté et incliné sur l’angle, telle une facette de diamant. Cet élément technique est le module de base, qui, décliné selon plusieurs types d’orientations génère une démultiplication d’effets surprenante ; chaque panneau renvoie son reflet, qui sera lui-même renvoyé plusieurs fois, tissant ainsi un système de relations entre le ciel, l’enveloppe et le sol. Jouant sur la perception, les patios font plonger le ciel par morceaux dans la cour et dans une progression kaléidoscopique entremêlent le ciel à la façade, la façade au sol, jusqu’aux taches de soleil qui viennent éclater sur le travertin. L’œil en mouvement s’y perd à démêler le vrai du faux, le reflet de la transparence. L’étendue infinie du ciel se replie dans l’intériorité d’une cour, par un mouvement ouvertement baroque… Le clin d’œil à Deleuze se rouvre, Gazprom Neft s’installe.