Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 05/03/2020
Recyclable, transformable, participatif… et conçu à partir d'une nouvelle économie circulaire. Bingo ! Toutes les cases ont été cochées par les agences néerlandaises bureau SLA et Overtreders W pour la réalisation, à Eindhoven, d'une structure éphémère : le People's Pavilion.
Élaboré en 2017 dans le cadre du World Design Event, il devait pouvoir abriter 200 personnes assises ou 600 debout, toutes réunies pour assister à des soirées, des exposés TEDx, des conférences ou encore à des débats sur les enjeux climatiques actuels. Le programme ne stipulait rien d'autre quant à la forme ou la distribution. bureau SLA et Overtreders W ont donc osé, à travers une opération frugale, aller bien au-delà de ces maigres données pour tenter une démonstration « radicale » : ériger un bâtiment temporaire, certes, mais à base de matériaux « empruntés ». Il s'agissait, de la sorte, de ne pas ajouter de gaspillage au gaspillage. .. « Tous les éléments intégrant ce projet ont été rendus, après déconstruction, à leurs propriétaires et dans le même état qu'à l'origine », retracent Peter van Assche, fondateur de bureau SLA, et Reinder Bakker et Hester van Dijk, associés d'Overtreders W. De fait, « ni clou, ni vis ». L'assertion a des allures de slogan publicitaire, mais, pour restituer intacts tous les éléments constitutifs du projet, il ne fallait ni clou, ni vis… « ni colle », précisent les architectes.
L'ambition confinait à un véritable défi, y compris pour les meilleurs ingénieurs. Le bureau londonien Arup, questionné pour l'occasion, s'est saisi de cette opportunité pour aller au-delà de ses réflexes habituels. En effet, aux fins de répondre à la demande, des montages singuliers ont été inventés. Ceci étant écrit, faire appel à des sangles et des courroies de tension ne fait aucunement partie des programmes de calcul… et l'initiative s'est avérée, en ce sens, bien plus complexe que prévu en bousculant les us et coutumes des intervenants. In fine, les études terminées, le Pavillon du Peuple devait reposer sur douze pieux en béton, capables de supporter 19 « cadres » en bois, constitués de poutres non rabotées de dimensions standard, maintenues ensemble par des câbles d'acier. Pieux et cadres ont, quant à eux, été reliés par 350 sangles et tendeurs. Cet assemblage pouvait alors faire office de « structure primaire » de 8 mètres de haut, abritant un espace généreux de 250 mètres carrés.
« ÉRIGER UN BÂTIMENT TEMPORAIRE, CERTES, MAIS À BASE DE MATÉRIAUX EMPRUNTÉS . »
En tout et pour tout, quatre semaines ont été nécessaires pour ériger mais aussi habiller ce pavillon. La toiture en verre a été réalisée à l'aide d'un système couramment employé dans la création de serres. Les baies vitrées mises en œuvre le long du bâtiment sont issues d'un chantier de rénovation de bureaux à Utrecht, à 90 kilomètres. Enfin, des tuiles de plastique coloré parachèvent l'ensemble. « Elles ont été fabriquées à partir de déchets ménagers en plastique recyclé, collectés principalement par les habitants d'Eindhoven », détaillent les architectes. bureau SLA et Overtreders W ont, d'ores et déjà, à leur actif quelques expériences en la matière. « Nous avons en effet commencé deux ans plus tôt par la construction de notre propre usine de recyclage. Nous souhaitions traiter les déchets plastique pour les transformer en ardoises. Grâce à nos machines mobiles, nous avons pu trier les déchets par type, pour ensuite les laver, puis les classer par couleur, les déchiqueter et, enfin, les mouler par injection à basse pression afin d'obtenir des ardoises. Bouteilles de shampoing, pots de yaourt, bouchons de bouteilles ou chaises de jardin ont ainsi pu trouver une seconde vie, plus belle encore ! », décrivent-ils. La procédure a été observée à la lettre en vue, notamment, de parvenir à « différentes couleurs prononcées » et ne pas souffrir d'une teinte uniformément grise, propre au plastique recyclé. La composition, à terme, semble pour beaucoup rappeler une autre opération provisoire, traitée celle-ci par Assemble Studio à Londres, Yardhouse ; les « écailles » étaient alors de béton.
Peu importe la parenté ou l'inspiration ; l'enjeu était bel et bien à la démonstration. Pour modeler autant d'« ardoises » - 9 500 en tout et pour tout -, un industriel fut associé à l'équipe. « Nous travaillons désormais avec lui pour que ces ardoises soient résistantes au feu afin d'être conformes à toutes les réglementations, mais essayer de rendre le pétrole incombustible… voilà qui n'est pas facile », sourient-ils.
Face au succès de la démarche, le Pavillon est resté, in situ, une semaine supplémentaire. Pour ses architectes, cet ouvrage a produit « un nouveau langage ». Plus encore, il marque un « nouvel avenir pour la construction durable » puisqu'il a fait « la part belle aux nouvelles formes de collaboration, ainsi qu'aux méthodes de construction intelligente ». En somme, il est un beau concept. .. à « réemployer ».
► Retrouver l'article complet avec plans, coupes, axonométries et détails dans exé 38 : espaces culturels
FICHE TECHNIQUE
PROGRAMME Construction d'un pavillon éphémère pour le World Design Event
LOCALISATION Eindhoven, Pays-Bas
ANNÉE 2017
ARCHITECTE bureau SLA & Overtreders W
COLLABORATEURS Hester van Dijk, Peter van Assche, Reinder Bakker
MAÎTRISE D'OUVRAGE Dutch Design Foundation
PROGRAMME Construction d'un pavillon éphémère pour le World Design Event
SURFACE DE PLANCHER 250 m²
LIVRAISON DÉMONTAGE 2017
BUREAUX D'ÉTUDES
STRUCTURE Arup
URBANISME New Horizon
ENTREPRISE
GÉNÉRALE Ham & Sybesma
PRÊTEURS
POTEAU BÉTON IJB Groep
STRUCTURE BOIS De Stiho Groep
BARDAGE Govaerts
MUR-RIDEAU Tetris
ÉLECTRICITÉ ÉCLAIRAGE ElektroNed
VERRIÈRE Dego
SOL BÉTON Heezen
SANGLE DE TENSION Logistiekconcurrent.nl
CONTAINER DÉCHETS Van Happen
PLASTIQUE RECYCLÉ Morssinkhof Rymoplast
BANC D'ÉGLISE Keizersgrachtkerk