Étrange destin que celui de la maison du directeur de l’ancienne usine de la SUDAC édifiée en 1905, promise à la démolition, sauvée par quelques amoureux du patrimoine, entretenue par la SEMAPA et pourtant inutilisée depuis fort longtemps. Située en dehors du périmètre de l’ébullition constructive qui anime Paris Rive Gauche, elle faisait figure d’intruse, mais résistait néanmoins aux bulldozers. La transformation de la SUDAC par Frédéric Borel en 2007 pour accueillir l’école nationale supérieure d’architecture de Paris-Val de Seine n’eut pas raison de sa présence, mais n’enclencha pas non plus sa seconde vie.
La SEMAPA a donc décidé d’investir cette maison pour y installer son nouveau centre d’information et de concertation. Ce positionnement marque une double volonté. Celle d’abord d’offrir un lieu plus confortable pour les visiteurs et les différents acteurs du projet, mais aussi celle de se recentrer par rapport au territoire global, notamment celui d’Ivry-sur-Seine actuellement en chantier.
Quand l’agence DATA, lauréate du concours, découvre les lieux, elle trouve un bâtiment à l’enveloppe intacte, mais il suffit de pousser la porte pour constater le champ de ruines qu’est devenu l’espace intérieur. De plus, les premiers sondages révèlent que les planchers ne peuvent supporter aucune charge. Cet état des lieux va dicter la stratégie du projet à mettre en place.
CONSERVER L’ENVELOPPE
En très bon état, murs périphériques et toiture sont conservés. Seules les menuiseries sont remplacées et quelques allèges supprimées pour optimiser l’apport de lumière naturelle. Les briques sont quant à elles simplement nettoyées et sablées. À l’intérieur, la stratégie s’inverse et la maison est entièrement évidée. « À partir de cette grande coque vide, notre volonté était de créer un bâtiment-outil suffisamment souple pour accueillir toutes les activités et programmes envisagés par la SEMAPA, tout en intervenant de la façon la plus simple possible », expliquent Léonard Lassagne et Colin Reynier de DATA. Contrainte majeure du cahier des charges : les grandes dimensions de la maquette du quartier (2,1 x 4,7 mètres) qu’il fallait installer au rez-de-chaussée du bâtiment. Les architectes ont créé un dispositif pour la suspendre par des câbles. Par un système de poulies, elle vient s’encastrer dans le plafond du premier niveau et libère le rez-de-chaussée pour permettre la tenue d’événements.
RÉINVENTER L’ESPACE INTÉRIEUR
La surface au sol limitée à 120 mètres carrés a conduit DATA à travailler dans la verticalité. Seul volume contrôlé thermiquement, un cylindre transparent en porte à faux loge sur deux niveaux les différentes fonctions (concertation et exposition) et concentre toute la technique du projet. Les parois galbées de 5,5 mètres de hauteur enserrent l’espace qui profite de la lumière naturelle généreusement dispensée par les baies vitrées existantes. Un mur en béton extrêmement ferraillé définit côté rue une bande servante (double escalier façon Chambord, ascenseur et sanitaires). Le volume cylindrique s’y accroche pour réaliser le porte-à-faux de 6 mètres, rendu possible par la mise en œuvre de deux grandes poutres plates PRS à chaque niveau. Traversant le mur, elles sont reprises par des tirants sur l’enveloppe. Malgré la modestie du programme, ce projet a pris des allures de défi architectural. Techniquement complexe, mais trop petit pour attirer une entreprise chevronnée, ce chantier complet a été mené à bien par les jeunes architectes. Car ils n’ont pas seulement ressuscité le lieu mais aussi conçu la scénographie, le contenu thématique et l’essentiel du mobilier.
Article publié dans exé 26 spécial versants de toit (déc-janv-fév 2016-2017)