ENTRETIEN AVEC GIOVANNI BELLAVITI
Architecte associé de B+C Architectes
Quelle est votre définition de la cinquième façade ?
Il me semble qu'avec le développement de l'informatique et des vues satellitaires, la cinquième façade est devenue un élément très actuel, qui relève de la communication du bâtiment. Alors qu'avant, sa carte de visite et son identité dépendaient des façades traditionnelles. Un autre aspect important dépasse l'esthétique : les toitures tiennent un véritable rôle quant à la rétention d'eau, donc dans la nécessité de réduire au maximum la surchauffe due aux toitures minéralisées et peu poreuses. Que le toit soit imperméable, qu'il absorbe beaucoup de chaleur, cela me semble être un autre élément majeur. Enfin, et surtout compte tenu du milieu dense dans lequel on construit, celui des années 1960-1970 où beaucoup de tours ont une vue plongeante sur la toiture de notre bâtiment. D'où la décision de lui donner un décor et une image, et par conséquent de gérer les canalisations et toutes les problématiques liées au traitement de la toiture. Il faut donc aborder cela d'un point de vue urbain et technique.
Qu'est-ce qui prévaut dans le choix de mettre en œuvre un toit-terrasse plutôt qu'un toit en pente ?
Généralement, on a une approche libre, sans avoir de préférence pour l'un ou pour l'autre. Il est fréquent que ce soit le contexte, essentiellement la réglementation du PLU, qui nous oriente dans une direction plutôt qu'une autre. Par contre, on part du principe qu'en général, c'est une architecture de toit plat car c'est celle que l'on trouve la plus contemporaine. Mais, souvent, si l'on travaille dans l'autre direction, c'est en particulier pour des raisons de contexte, car il est, la plupart du temps, déjà traduit dans une réglementation à laquelle il faut se tenir.
L'effet d'empilement de ces volumes colorés simplifie grandement la lecture du bâtiment ; était-ce une volonté ?
Oui, tout à fait. Le projet rentre dans une opération d'urbanisme ANRU qui a duré sept ans, pour laquelle nous étions consultants en urbanisme et avons édicté certaines règles. Une d'entre elles était de suivre un alignement sur la rue et de marquer l'angle de la parcelle. À chaque fois qu'il y avait un carrefour ou une place, il fallait une émergence, un signal architectural. Chaque architecte a interprété ce signal de manière différente. Notre bâtiment allait au-delà de la traditionnelle distribution, c'est un immeuble qui a une skyline en escalier dont le point culminant est à l'angle. L'autre idée était de concevoir le bâtiment comme un millefeuille, d'où la présence de tous ces planchers de couleur blanche. Ce sont quand même des programmes avec des budgets serrés. L'enjeu était de casser la matérialité du bâtiment avec l'utilisation de la couleur, d'avoir cette stratification, cette superposition de boîtes de couleurs différentes. Et, ainsi, dialoguer avec cet environnement dépourvu de couleur, presque en opposition. Nous le souhaitions avec un caractère et une identité très forts. Juste en face se trouve une barre dont la façade est grise et uniforme, et nous imaginions que, pour ses habitants, il devait être difficile d'identifier son logement depuis l'extérieur. Alors, nous avons fait exactement le contraire. Vous savez, dans les villes situées au bord de la mer, comme en Italie, les pêcheurs peignaient les façades de manières différentes afin de pouvoir repérer leur maison au retour de la pêche, de loin. C'était un peu cette idée que nous voulions mettre en place. D'autant plus face à un ressenti très français à ce sujet, où l'identification entre la couleur et les logements sociaux est mal perçue. Nous pensons qu'il s'agit d'un préjudice qu'il faut absolument combattre. Nous ne comprenons pas pour quelles raisons nous ne pourrions pas utiliser la couleur - comme le font toute une série d'artistes et même d'urbanistes d'Amérique latine.
Les casquettes en béton blanc dotent l'ensemble d'un dynamisme certain ; pourquoi ce choix ?
Nous voulions vraiment d'un bâtiment offrant un profil montant depuis les extrémités vers le centre. Ainsi, la présence de ces casquettes joue un rôle et produit de l'ombre sur la façade. L'objectif était d'obtenir cette superposition des strates et de l'horizon. Ces planchers ont une fonction essentielle et très dynamique, bien entendu.
Les terrasses accessibles ne sont pas à niveau avec les planchers intérieurs ; qu'en est-il des réglementations PMR ?
L'immeuble est conforme à la réglementation PMR, du moins à celle qui s'appliquait à l'époque de sa construction. Dans le cas de terrasses qui se superposent à des logements, c'est un problème qu'il est très difficile de résoudre sauf en ayant recours à des hauteurs supérieures à 2,50 mètres dans certaines parties des logements. Nous aimerions bien avoir la possibilité de tout avoir au même niveau, mais vous savez qu'aujourd'hui, avec les budgets consacrés au bâtiment, cela reste un rêve difficile à atteindre. Sans compter toutes les problématiques du traitement des ponts thermiques.
La végétalisation entre-t-elle dans le calcul des performances thermiques du bâtiment ?
Pour ce bâtiment, d'un point de vue de l'isolation thermique, que ce soit en hiver ou en été, elle n'a pas été prise en compte dans les calculs. Il est clair que l'été, les terrasses créent quand même un microclimat humide autour de l'immeuble. L'hiver, la végétalisation protège d'une certaine manière, jouant aussi un petit rôle d'isolant thermique. Ce qui compte également, c'est que la présence du végétal implique une pédagogie à destination des habitants et du maître d'ouvrage. Ce type d'aménagement nécessite de prévoir en amont la possibilité de disposer d'un système d'arrosage minimum lors des plantations, surtout s'il est achevé au printemps. Cela demande un peu d'entretien, au moins une ou deux fois par an. Un certain engagement est indispensable, et il est important que tout le monde le comprenne.
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FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Tremblay-en-France (93), France
♦ MAÎTRE D'OUVRAGE SCI Tremblay-République - Vilogia, Préférence Home et Les Nouveaux Constructeurs
♦ MAÎTRE D'OEUVRE B+C Architectes
♦ PROGRAMME Construction de 108 logements avec commerces à rez-de-chaussée, performance BBC-Effinergie®
♦ BUREAU D'ÉTUDES Laurent Mouly (structure), Atelux (fluides), Fabrice Bougon (économie)
♦ ENTREPRISES K Entreprise (étanchéité, couverture), S. A. C. (gros œuvre)
♦ ÉTANCHÉITÉ ISOLATION Soprema
♦ VÉGÉTALISATION Hortimontils
♦ PHOTOGRAPHE Michel Denancé