Rédigé par Jean-François Pousse | Publié le 06/05/2020
Pour comprendre les composantes de l'hôtel Radisson Blu, il est essentiel de bien écouter les murmures du temps et mesurer les longues racines des lieux. Même le tout jeune Bordelais discerne bien qu'aux Bassins à flot, hier et aujourd'hui se mêlent, se télescopent, que les mémoires anciennes encore vivaces ici s'estompent, là inspirent la transformation générale de toute cette partie de la cité. Mais qu'est-ce au juste qu'un bassin à flot ? Tout simplement un port - fluvial parfois - soumis aux marées, dont les écluses évitent l'échouement des bateaux aux basses eaux. Toujours un univers à part, quels que soient les rades et les océans et, à Bordeaux, un drôle de monde en pleine réécriture, palimpseste sur palimpseste. Creusé sur la rive gauche de la Garonne à partir de 1869 grâce au décret impérial de Napoléon III, le premier bassin à flot, avec ses deux écluses, est inauguré en 1879. Impressionnant : 1 700 mètres de quais, de quoi accueillir 70 bateaux, avec bientôt deux formes de radoub. Un second bassin s'ajoute en 1911. Le tout s'étend sur plus d'1,5 kilomètre de profondeur. Une échelle hors d'échelle, un territoire de terres plates impossible à saisir d'un seul regard. Pour ne retenir qu'un autre fait majeur de son histoire, en 1941-1942, l'organisation Todt (groupe militaire de génie civil du Troisième Reich) dirige l'édification, sur le flanc nord, du deuxième bassin d'une base sous-marine, semblable à celles de La Rochelle, Saint-Nazaire, Lorient et Brest : un monstre tapi, toujours présent. Autour, avant et après sa construction, tout ce qui sert l'activité du port s'y presse, se renouvèle : entrepôts, raffinerie de sucre Béghin-Say, par exemple, ateliers, hangars, silos à grains, forges, grues... En 1982, la messe est dite : les Bassins à flot sont déclassés, les activités migrent à Bassens, en aval. Friches abandons, vandalisme, déréliction. Le temps file. En 2003, une pré-étude de réaménagement est confiée à Antoine Grumbach. Un futur s'esquisse. Puis, des principes fondamentaux s'élaborent, ficelés fin 2008. Divers opérateurs à l'oreille aiguisée achètent les terrains. La maîtrise du foncier leur échappant, la Ville et la CUB - Communauté urbaine de Bordeaux, devenue Bordeaux Métropole - désignent l'Agence Nicolas Michelin & Associés pour élaborer un plan guide des 162 hectares du site. Il est adopté en 2010 avec le programme d'aménagement d'ensemble - PAE -, en grande partie réalisé aujourd'hui. Des objectifs fixés - densité soutenue, mixité, respect de la mémoire des lieux, parkings invisibles… - frappe surtout aujourd'hui la mise en valeur des Bassins, vers lesquels le nouveau quartier se tourne grâce à un système de traverses, couvertes ou non et très réussies, bien plus que les architectures aux toits en shed, reprises sans grâce des hangars de l'univers portuaire. Parmi les premiers investisseurs, Alain Dhersin, avant de vendre ses activités à Redman, travaille avec King Kong sur le projet de l'hôtel Seeko'o tout proche, puis en envisage un deuxième avec cette même agence : le futur Radisson Blu, baptisé aussi Dock G6, du nom de sa parcelle. Programme, surface et principes architecturaux définis avant le PAE, l'opération se développe pourtant en intelligence avec lui ; son esprit est respecté malgré une forme et une hauteur hors système.
« PLUS ÉMOUVANT, TOUT LE BÂTIMENT S'INGÉNIE À OFFRIR DES VUES SUR LES BASSINS, LEURS EAUX BOUEUSES ET, PLUS LOIN, LA VILLE. »
Une machine efficace, maligne, multifonction. Évocation du passé industriel du port, l'ossature extérieure de poteaux acier (emplis de béton) cadre, implacable, la résille torsadée de métal couleur bronze, souvenir des ancres mouillées, des rails luisants, des chaînes et des ferrailles d'hier. Plus émouvant, tout le bâtiment s'ingénie à offrir des vues sur les Bassins, leurs eaux boueuses et, plus loin, la ville. De quelle manière ? Grâce au principe d'exosquelette qui réduit les refends porteurs, dégage de vastes plateaux aux fonctions réversibles, toutes ouvertes sur l'extérieur, sauf le parking intégré au cœur du bâti (deuxième et troisième niveaux), dont le plenum dissimule les fluides et leurs édicules. À rez-de-chaussée, une rue traversante, réception/salon, offre même, dès l'entrée, une vue sur l'eau et, bienvenu à main gauche, le bar. Au-dessus, enveloppant le parking silo, les chambres sur trois étages, vitrage toute hauteur, regardent les quatre points cardinaux, certes protégées par la maille de métal, mais un zeste emprisonnées. Le cinquième, en retrait, accueille le centre de séminaires, les salles de conférences et les restaurants ouverts sur un balcon/ belvédère périphérique façon pont de transatlantique, propice aux palabres et apéritifs. Enfin, là-haut, une boîte dénommée le Sucre, sertie de cassettes blanches, ceint les suites avec, pour le R+6, d'un côté les terrasses privatives et, de l'autre, une sorte de mini-golf sous le ciel.
L'exosquelette, le béton, le métal ne font pas dans la fioriture ni la douceur de l'ornement. D'où, sans doute pour tempérer, l'aménagement ultra-coloré des chambres signé Marie-Claude Sourd. Machine bien huilée, l'hôtel est de plus accessible non pas à ses seuls clients, mais à tous ceux attirés par la variété des prestations, des services et des fonctions de ce couteau suisse aimable, sous ses airs un peu cabots de bâtiment industriel.
[ VILLE SUR LE TOIT ]
Inspirés par la skyline portuaire du site, les architectes ont prolongé l'histoire de ce dernier en toiture. Accueillant une réelle mixité de programme, c'est un petit morceau de ville avec vues sur ce grand paysage en mutation.
⇒ Retrouvez l'article complet avec plans, coupes et détails dans exé 39 : Hôtels
FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Bordeaux (33), France
ANNÉE 2018
ARCHITECTE Atelier d'architecture King Kong
ÉQUIPE Jean-Christophe Masnada (chargé d'affaire), Flora Beth (chef de projet)
MAÎTRISE D'OUVRAGE Redman
PROGRAMME Construction d'un complexe accueillant un hôtel 4 étoiles Radisson Blu de 125 chambres, un espace bien-être, un centre de conférences, un parking suspendu et un plateau sportif
SURFACE DE PLANCHER 9 900 m²
INVESTISSEMENT GLOBAL 26 000 000 d'euros HT
ATTRIBUTION DU MARCHÉ 2011
DÉBUT DU CHANTIER Décembre 2016
LIVRAISON Septembre 2018
BUREAUX D'ÉTUDES
STRUCTURE Terre ll
FLUIDES Sinteo
LUMIÈRE Les Éclaireurs
ACOUSTIQUE Gamba Acoustique
OPC 4AC
ENTREPRISES
FONDATION GROS ŒUVRE CHARPENTE MÉTALLIQUE GCC
CFO CFA ÉCLAIRAGE Eiffage Énergie et Altec
PLOMBERIE CVC DÉSENFUMAGE Hervé Thermique
ÉTANCHÉITÉ BARDAGE Sarec
SERRURERIE Constructions Saint-Éloi
MENUISERIE EXTÉRIEURE Labastère 64
MENUISERIE INTÉRIEURE EMA AS Bois
PLÂTRERIE DOUBLAGE Navellier et Bruneteau
SOL DUR FAÏENCE MHD
SOL SOUPLE Plamursol
MUR PEINTURE David Davitec
ASCENSEUR Otis
MUR MOBILE Algaflex
CLOISONNEMENT ISOTHERME SIPHON CANIVEAU Bonnet Thirode
PUTTING GREEN Green Art
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
FONDATION GROS ŒUVRE CHARPENTE MÉTALLIQUE
ArcelorMittal, Axalta, Isoweck, Point P, Promat, Sogemap, SPPM
CFO CFA ÉCLAIRAGE Arnould, Castaldi Lighting, Def, Led3, Legrand, Sylvania - Concord, Ura
PLOMBERIE CVC DÉSENFUMAGE Allia, Bette, Dinak, Duravit, France Air, Hansgrohe, Jacob Delafon, Mitsubishi, Tece, Villeroy & Boch
ÉTANCHÉITÉ BARDAGE Arval, Bluetek, Eternit, Isover Saint-Gobain, Meple, Stacbond
SERRURERIE Carl Stahl, JK Technic, VD Industry
MENUISERIE EXTÉRIEURE AGC, EA façade, Geze, Illbruck, Isover Saint-Gobain, Jansen, Record, Souchier, Saint-Gobain Glass,Technal
MENUISERIE INTÉRIEURE
Bricard, Comec, Polytech, Vachette
PLÂTRERIE DOUBLAGE Hunter Douglas, Isover Saint-Gobain, Knauf, Promat, Siniat, Rockfon
SOL DUR FAÏENCE 41Zero42, Ceramiche Cæsar, Iris Ceramica, PRB, Schlüter-Systems, Trend
SOL SOUPLE Cegecol, Ege
MUR PEINTURE Gauthier, Koroseal, Seigneurie®, Tollens
ASCENSEUR Otis
MUR MOBILE Algaflex