Pour appréhender l'histoire des Ateliers des Capucins, il faut remonter le temps. Dès 1631, Brest est dotée d'un port militaire sur ordre du cardinal de Richelieu. Le succès maritime de la ville entraîne alors l'édification de nombreux bâtiments, dont le couvent des Capucins, à l'emplacement des futurs ateliers. Transformés par la Marine impériale en 1841, ils abriteront la première usine de production et réparation de navires. Puis, l'activité s'intensifie - 1 800 ouvriers sont employés au début du XXe siècle - au rythme des constructions : les bâtisses en moellons, briques, pierres de taille et métal s'étendent sur trois halles parallèles de 164 mètres de long et 19 mètres de haut au faîtage, reliées par des bâtiments perpendiculaires plus bas. Mais la Seconde Guerre mondiale détruira 90 % de la ville et, dans l'arsenal, seuls les murs de pierre résisteront. La reconstruction permet de relancer le chantier naval, jusqu'à ce que, en 2004, les ateliers ferment définitivement.
La même année, la Communauté urbaine de Brest (CUB) décide d'une consultation auprès de trois équipes de maîtrise d'œuvre pour le traitement de 16 hectares, comprenant les Ateliers des Capucins : Philippe Madec, Reichen et Robert & Associés, et Bruno Fortier, avec l'agence brestoise l'Atelier de l'île, remportent le projet en 2005. Il faudra attendre quatre ans avant que la Marine ne vende ses terrains à la CUB, autorisant ainsi l'ouverture au public de ce morceau de ville autrefois militarisé. Pour Bruno Fortier, c'est la topographie qui dicte les règles du plan guide du nouveau quartier : « Le dénivelé entre le haut du site et les ateliers fait 18 mètres, quand celui des ateliers à la rivière de la Penfeld près de 30. Nous avons donc créé des plateaux successifs, liés par des escaliers. » Au nord, les opérations achevées et à l'étude s'accordent à l'« hyper-densité » demandée par les élus. Afin de rejoindre les ateliers, une esplanade au-dessus des parkings se divise en passerelles, pour « accéder au milieu des nefs et les survoler », expose l'urbaniste. Cependant, comment atteindre facilement le plateau des Capucins ? La municipalité répond par un tramway vers les immeubles résidentiels et un téléphérique des Ateliers au centre-ville. Pourtant, même quand la programmation du quartier se précise, les Ateliers restent dans le brouillard. La Ville envisage un complexe tourné vers la recherche océanographique, mais préfère l'imaginer en lieu ouvert. Bruno Fortier travaille alors avec son équipe sur une enveloppe formée de trois nefs parallèles pouvant accueillir les futures fonctions. Et, dans la nef centrale, la place des Machines, un espace public couvert de 6 000 mètres carrés, intégrant un pont roulant et des machines d'époque. En réalité, à part les murs de pierre, tout est neuf : les 382 menuiseries de fenêtres - certaines hautes de 15 mètres - ont été remplacées en 2014, la structure en acier ayant été entièrement reconstruite aux normes actuelles.
« DES HALLES PERPENDICULAIRES, QUE CANAL ARCHITECTURE A RÉORIENTÉES POUR RETROUVER LA DISPOSITION, PLUS LUMINEUSE, D'AVANT 1930. »
Après les élections municipales de 2008, sont finalement planifiés une médiathèque, un cinéma, des commerces et restaurants, un Centre National des Arts de la Rue, ainsi qu'un Pôle des Excellences Maritimes. Attenante à la place des Machines, la médiathèque signée Canal Architecture - Patrick Rubin et Annie Le Bot - est la première à voir le jour. Le visiteur débarque dans la « nef de pierre », une halle de 19 mètres de haut, dont les murs en moellons de près d'1 mètre d'épaisseur ont été conservés. Là, « des pièces d'échiquier géantes » de 9 mètres, en bois massif contrecollé structurant de 128 mm d'épaisseur, et ancrées au sol magnifient le volume. Dans la continuité, les divers départements de la médiathèque se glissent dans des halles perpendiculaires, que Canal Architecture a réorientées pour retrouver la disposition, plus lumineuse, d'avant 1930. Et ici - le même tour de passe-passe que celui de Bruno Fortier -, la structure métallique est neuve : « Ce n'est pas un pastiche, se défend Patrick Rubin, le bureau de contrôle a estimé que la présence de plomb sur les peintures et l'absence de connaissance des calculs des poteaux et charpentes n'autorisaient pas leur conservation. » Par conséquent, tout a été déconstruit, à l'exception des maçonneries en moellons enduits et encadrements en granit local. Des poteaux d'origine en métal ont été remanufacturés, mais, pour des raisons de sécurité, ne pouvaient soutenir que la nouvelle toiture. Une structure indépendante supporte donc les différents étages. « À l'ère des métalliers du XIXe siècle nous répondons avec des planchers en béton du XXe siècle », explique Patrick Rubin. « La fierté des ouvriers aujourd'hui a été le béton planchettes en sous-face de dalles, coulé dans des coffrages habillés de morceaux de bois pour révéler une texture de parquet. » Par ailleurs, les architectes ont joué avec la réglementation, qui impose deux étages au maximum en liaison feu, en ajoutant une mezzanine - moins de 50 % de la surface de plancher - entre le rez-de-chaussée et le premier niveau, dont la vaste trémie d'escalier décuple la volumétrie en mettant en relation visuelle tous les plateaux.
Au départ, la médiathèque devait prendre place dans quatre grandes halles parallèles, héritées des années 30. Afin de retrouver l'orientation d'origine, vers la ville en contrebas, Canal Architecture en a déposé trois pour en reconstruire six plus étroites, perpendiculaires à la première conservée, suivant le gabarit des halles originelles ; retrouvant ainsi le front urbain historique.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Brest (29), France
ARCHITECTE Canal Architecture, Patrick Rubin et Annie Le Bot
ANNÉE 2017
COLLABORATEURS Clément Vulliez, Élise Ruelle, Anaïs Fernon
MAÎTRISE D'OUVRAGE Ville de Brest
PLAN URBAIN Bruno Fortier
PROGRAMMATION Aubry et Guiguet
PROGRAMME Construction d'une médiathèque au sein des Ateliers des Capucins, anciens arsenaux
SURFACE NETTE 9 700 m²
COÛT DES TRAVAUX 15 millions d'euros HT (bâtiment hors agencement, mobilier et signalétique)
CHANTIER Février 2014
LIVRAISON Janvier 2017
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
TCE Ingérop
ACOUSTIQUE Itac
BOIS Yves-Marie Ligot (grand meuble)
SIGNALÉTIQUE Thanh-Phong Lê
ENTREPRISES
MANDATAIRE Bouygues Construction
DÉMOLITION Kerleroux
CHARPENTE MÉTAL Baume
COUVERTURE Le Mestre
VERRIÈRE Raub Verrière
MENUISERIE EXTÉRIEURE Pyrometal, MMT
CLOISON Kerdreux et Garlatti
MENUISERIE INTÉRIEURE SMB
ASCENSEUR Thyssenkrupp
ÉLECTRICITÉ Dourmap, Cegelec
SANITAIRE CVC CSO
PLAFOND SUSPENDU Le Gall Plafonds
MUR PLAFOND TEXTILE Sizorn
SERRURERIE Lobligeois
SOL Raub Peinture
PHOTOVOLTAÏQUE Sotraval
AGENCEMENT Sogea CMA (mandataire)
BOIS Cruard Charpente
ÉLECTRICITÉ Cegelec
AUDIO-VIDÉO Transelec
MOBILIER RBC, IDM, Silvera, Figueras, Bruynzeel, Ateliers Saint-Jacques, La Bureauthèque
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
MENUISERIE EXTÉRIEURE Forster, Technal
BOIS KLH
ÉCLAIRAGE Sammode, Erco, Lightyears, Bega, Cardelum, Hager, Modular, Louis Poulsen
ÉLECTRICITÉ Obo Bettermann
CLOISON ISOLATION Knauf, Texaa®, Rockfon
SERRURERIE Rimex Metals, Métal Déployé®
REVÊTEMENT ZINC VMZinc, NedZinc
ACIER Aperam, Hoba Steel
TEXTILE Kvadrat
SOL Artigo, Atlantic Sols, Rosa Gres
PANNEAU STRATIFIÉ Abet Laminati
PEINTURE AkzoNobel
MOBILIER Alki, Fritz Hansen, Vitra, Paola Lenti, Alea, Sofa kid's, Harper