Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 13/04/2018
Des Chinois, des Japonais, des Brésiliens, des Indiens, des Ukrainiens… tout le monde se presse, aux Pays-Bas, à Wageningen ! Du moins le monde de la recherche, plus précisément celui observant, analysant et étudiant biologie, sylviculture et agriculture. Le campus est même, dit-on, en la matière, le plus réputé de la planète. Aussi, les projets s'y multiplient et l'architecture participe de l'attrait sinon du prestige de l'université. Claus en Kaan architecten ou encore Rafael Viñoly y ont d'ailleurs récemment officié.
Au milieu de cet ensemble en pleine expansion, d'aucuns remarquent un nouveau cube en bois à la trame régulière. Il porte, sur son entrée, les lettres PLVS VLTRA, la devise de Charles Quint qui invitait, de la sorte, au surpassement de chacun. Le bâtiment ne dit toutefois rien d'autre quant à sa fonction, alors même qu'il se situe au sein d'un vaste campus réputé. Cette rigoureuse géométrie est, selon l'un de ses concepteurs membres de Wiegerinck architectuur, Bert Muijres, « rigide », voire « masculine ».
L'architecte explique volontiers ce parti simple : « Ce projet a ceci de spécifique qu'il a été conçu en un temps record. Nous avons réalisé, en à peine six semaines, un livret comprenant tous les plans et dessins du bâtiment. »
Toutefois, l'agence Wiegerinck avait conscience de ne pas présenter un édifice parfaitement adapté, en seulement un mois et demi, aussi la simplicité du plan garantissait-elle la possibilité « d'affiner » la proposition, y compris lors du chantier.
Cette répétitivité, voire cette neutralité, devait également servir une fonction. « Nous avions d'abord répondu à un concours pour la création d'un ensemble de laboratoires au sein du campus d'Utrecht. Nous n'avons pas été retenus mais avons été, par chance, remarqués par un investisseur, Kadans Science Partner, qui souhaitait réaliser à Wageningen un incubateur d'entreprises. La haute flexibilité que nous avions proposée pour le bâtiment universitaire l'avait particulièrement séduit ; il souhaitait la même chose pour son projet », explique Bert Muijres. Bref, selon des proportions « harmonieuses » et « musicales », la trame, en étant gage de souplesse, s'est rapidement imposée, autant qu'une écriture neutre. « De petites entreprises sont amenées à prendre possession des lieux, chacune avec son identité visuelle, ses affaires, son mobilier… Nous ne connaissons aucune de ces spécificités, voilà pourquoi nous avons privilégié une écriture sobre », dit-il.
« DES PALIERS COMME AUTANT DE PAUSES OU DE STATIONS PROPICES À CONVERSATIONS ET BAVARDAGES. »
À cela s'ajoute l'efficacité du plan. Les plateaux sont tous libres. Aucun n'est entravé par des circulations ou des services, pas même par les noyaux structurels. Et pour cause, ceux-ci ont été, avec les sanitaires, les escaliers et les ascenseurs, déportés au cœur du bâtiment, aux quatre coins d'un vaste vide central que les architectes ont très vite aménagé en spectaculaire atrium. À l'origine, cet espace devait être moins important ; mais la volonté de répondre aux critères du BREEAM l'a, pour une question de luminosité des bureaux, considérablement élargi. « Nous voulions dans ce volume quelque chose de différent », assure Bert Muijres. De plus féminin ? Sans doute. « Nous avons imaginé un escalier permettant de relier entre elles les salles de réunion », débute-t-il. Encore fallait-il dessiner cette ascension.
« Nous avons conçu un escalier étroit pour que les usagers se croisent, se parlent et échangent. L'innovation passe aussi par ces moments de rencontre », affirme-t-il.
Le dispositif propose des paliers comme autant de pauses ou de stations propices à conversations et bavardages. Il se déhanche aussi pour assurer un spectacle architectural. « Nous ne voulions pas de lignes droites ou de parcours trop directs. Nous désirions un espace plus organique, nous espérions même un système magique. Il fallait également ce mouvement pour créer les distances les plus courtes, mais aussi pour apporter plus de lumière zénithale au centre de l'atrium. » D'un point de vue structurel, l'escalier est, lui aussi, simple : en acier, il est habillé de bois pour rendre plus « chaleureux » un espace dominé par le béton. Aux yeux des concepteurs, il s'agissait d'être le plus efficace possible étant donné le temps imparti pour la réalisation du projet - en tout et pour tout, à peine deux ans. « Toute la construction a été pensée à partir d'un usage élémentaire de matériaux simples : du béton, du métal, du bois et du verre sans aucune autre forme d'habillage. J'aime particulièrement cette manière de travailler. Il fallait être simple et vrai pour être attractif », précise Bert Muijres.
Aujourd'hui, les start-up se pressent vers cet incubateur pour, en plus d'une adresse stratégique au sein du campus, bénéficier d'un cadre de travail agréable. Tant et si bien que l'atrium sert même de décor pour les plus belles cérémonies de mariage !
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FICHE TECHNIQUE
PROGRAMME Construction d'un incubateur pour l'université et le centre de recherche
LOCALISATION Wageningen, Pays-Bas
ANNÉE 2016
ARCHITECTE Wiegerinck architectuur
CHEFS DE PROJET Bert Muijres, Roy Pype, Tim Loeters
MAÎTRISE D'OUVRAGE Kadans Science Partner
SURFACE BRUTE 7 600 m²
LIVRAISON 2 016
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE Archimedes, Goudstikker de Vries
FLUIDES Van Looy Group
RÉSEAU Schrijvers Elektrotechniek
HQE C2N
ACOUSTIQUE Peutz, ZRI
ENTREPRISE
GÉNÉRALE Hendriks Bouwbedrijf