Le Corbusier, un dessinateur de bandes dessinées ? Peut-être pas, mais lorsqu’en 1925, il envoie une lettre illustrée à Madame Meyer pour lui expliquer un projet de villa, il ne manque finalement que quelques bulles pour que cette missive se transforme en comic strip. Dès le début du XXe siècle, les architectes s’intéressent en effet à la BD, qui progressivement, met ses techniques de représentation et de narration au service de la conception des édifices. À Oslo, le National Museum – Architecture de Norvège explore ces liaisons heureuses, des premières tentatives telles que la missive corbuséenne, aux exemples plus récents, puisant par exemple dans l’œuvre d’Alexandre Doucin, Wes Jones ou même Jean Nouvel. « L’architecture a besoin du dessin, qu’elle utilise pour visualiser les solutions, apporter des précisions concrètes, explique Anne Marit Lunde, commissaire de la manifestation. Cependant, il reste difficile à interpréter, tandis que la BD permet de combiner le texte et l’image, en suggérant l’atmosphère, les mouvements, les sons, les émotions, et même l’introspection, ce qui permet de communiquer avec un public plus large. » À une époque où chacun se trouve en quête de visibilité, l’attractivité de cette astucieuse combinaison entre stylo et pinceau a évidemment de quoi plaire. Reste que si la BD aide à construire une narration, elle participe parfois purement et simplement à la construction d’un édifice : ainsi, à Hong-Kong, The Factory, collaboration entre le maître d’œuvre Alberto Cipriani et l’illustrateur Mauro Marchesi, inscrit son récit et ses studios d’artiste au creux d’une ancienne usine. Les douze étages se retrouvent ainsi reliés par un fil à la fois fictif et bien réel puisque peint à même les murs. Les parpaings, et non plus les pages, deviennent dès lors support d’une aventure qui se lit au détour d’un escalier ou à la sortie d’un ascenseur : « La BD et l’architecture y sont devenus inséparables, le storytelling débute au rez-de-chaussée du bâtiment pour finir sur son toit-terrasse : entre, chaque visiteur peut expérimenter une aventure différente, qui dépend du parcours emprunté dans l’édifice. » Une belle histoire, de la case à la maison.