ENTRETIEN AVEC AURÉLIA NEVEUX
Architecte associée de ANAA Architectes
Le programme visait les certifications Bepos Effinergie, Passivhaus, NF HQE et Bim ND6 ; n'avez-vous pas eu le tournis ?
C'est enthousiasmant évidemment mais le Passivhaus est en fait une proposition de notre groupement. Le programme prévoyait les certifications Bepos Effinergie et NF HQE et notre projet en était tellement proche que nous avons proposé à la MOA d'ajouter la labellisation Passivhaus. Cette performance nous intéressait véritablement car si le Bepos est atteignable en ajoutant beaucoup de production d'énergies, le passif nécessite un bâtiment performant par sa conception. Et nous avons eu la chance que cette proposition séduise la MOA.
Concernant le Bim, j'étais un peu dubitative au début, mais vu la complexité des réseaux et du sous-sol qui en découle, nous n'aurions jamais pu y parvenir sans cette modélisation. C'est extrêmement précis et optimisé, il n'y a pas deux centimètres non utilisés dans le passage des gaines, c'est impressionnant.
Étiez-vous familière de la construction passive avant ce projet ? Si oui, quels qualités et défauts y voyez-vous ? Si non, comment l'avez-vous abordée ?
Non, nous avions l'habitude de la RT évidemment, mais nous n'avions jamais fait de bâtiment passif, et c'est très plaisant à faire, si l'on est bien entouré. Mais il faut être attentif au confort des usagers, au fait que le bâtiment soit agréable à vivre ; vivre dans un thermos n'est pas souhaitable donc il faut autoriser les courants d'air. Une boîte fermée sans aucune déperdition est aussi dépourvue de confort de vie.
N'y a-t-il pas une contradiction entre les objectifs passifs et les moyens mis en œuvre pour les atteindre ?
Je ne pense pas, je pense qu'il faut changer notre façon de voir les choses à ce sujet. À partir du moment où le bâtiment est bien conçu, et que l'objectif est intégré dès le départ, il n'y a pas de contradiction. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le bureau d'études Energelio qui nous a fait voir et penser le bâtiment autrement. En termes de conception, cela ne demande pas plus ; en termes de matériaux, il faut réfléchir en coût global, le surinvestissement est réel mais amorti en cinq ans. Nous avons eu la chance d'avoir un maître d'ouvrage pour qui la notion de coût global était plus importante que l'investissement à un instant T.
Sur quels points Energelio vous a fait voir les choses différemment ?
Il y a eu pas mal de points, et dès le départ. À l'origine nous n'avions pas pensé un bâtiment compact avec l'atrium au centre, nous avions des volumes plus découpés, et c'est Energelio qui nous a conseillé de nous mettre à l'alignement de la parcelle. L'implantation des bureaux également ; le programme en demandait à chaque niveau, Energelio nous a tout de suite conseillé de les implanter au sud car une personne seule dans son bureau produit moins d'énergie que 30 étudiants dans une salle de cours, donc la logique nous guidait vers la façade ayant le plus d'apport calorifique. Nous avons ainsi construit le projet ensemble, nous nous sommes mutuellement enrichis, le travail collectif est primordial.
Quel lien de cause à effet, ou quel degré de subordination entre la compacité, l'épaisseur, la distribution et l'atrium, au regard des performances thermiques visées ?
La fiche urbaine du lot demandait un bâtiment en U, mais suite aux échanges avec Energélio, nous l'avons dessiné autour d'un atrium qui devenait le cœur du projet, amenant beaucoup de confort et des lieux de rencontre pour les usagers. Et je pense vraiment qu'un atrium devrait être présent dans tous les projets ! Cela peut paraître évident dit ainsi mais la lumière naturelle est primordiale dans un programme, parce qu'elle fait du bien, parce qu'elle est une énergie naturelle et que l'énergie la moins chère est bien celle que l'on ne consomme pas. Donc avoir un atrium est particulièrement vertueux car il nous permet d'éclairer naturellement le cœur du bâtiment et toutes les circulations. Ensuite, il a des bénéfices techniques : faire du passif aujourd'hui demande une surventilation, et avec un atrium on a pu faire la reprise d'air en vrac, ce qui nous a permis d'économiser la moitié des réseaux des gaines, et donc des pertes de charges. On souffle dans les classes et on reprend par l'atrium via des impostes entre les salles et la circulation. Et il nous a aussi permis le free cooling. En un mot, il est bénéfique sur tous les plans.
Un bâtiment passif est souvent en bois ; quelles différences fondamentales avec le béton ?
Chaque projet est différent. Sur un bâtiment compact en R+5 comme celui-ci avec pas mal d'éléments enterrés comme les amphithéâtres, c'était plus simple pour amener l'inertie nécessaire. L'avantage du bois se situe surtout dans sa facilité de construction en termes de préfabrication, cela donne des chantiers plus simples avec moins d'allers-retours de bétonneuse. Mais tous les matériaux ont leurs avantages et leurs inconvénients, selon le projet.