Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 29/11/2017
Bleu, blanc, rouge ! Derrière les vitres de la salle des mariages de plain-pied sur le parc engazonné, d'aucuns devinent la présence des trois couleurs nationales. De lourds et nobles rideaux viennent reproduire le long d'un mur le drapeau tricolore. Rien d'autre ne trahit la fonction publique et républicaine de cette imposante extension de l'hôtel de ville des Herbiers. Tout semble donner dans l'abstraction, voire dans l'effacement.
La mairie occupait jusqu'alors l'une des plus bourgeoises demeures de la ville, celle qui, au milieu de son jardin arboré, avait des allures de petit château. Son nom ? « Mon désir ». La construction était, par ses atours aussi pompeux que pompiers, désignée pour devenir l'adresse à même d'incarner l'État et son pouvoir. Chambres et salons finirent toutefois par être insuffisants pour loger l'ensemble des services administratifs. Des travaux étaient donc inévitables. Atelier du Pont, lauréat du concours lancé en 2013, a livré, depuis, un étonnant édifice jouant du paysage en plus de renouveler l'image d'une institution locale.
Sur papier, la promesse était un « bâtiment proche du land art ».
Quelques photographies accompagnaient alors l'argumentaire des architectes parisiens. En guise de références, ils citaient volontiers « C-Curve » d'Anish Kapoor ou encore « Follow me » de Jeppe Hein. Point commun ? L'évanescence et la disparition. Trois ans plus tard, à la livraison, le pari semble tenu. « La difficulté de ce projet était de devoir réaliser, accolée à l'ancienne mairie, une construction relativement importante, qui plus est dans un parc présentant de remarquables sujets », indiquent Anne-Cécile Comar et Philippe Croisier, architectes associés. Il ne fallait donc, par une présence contemporaine assumée, ni écraser le bourgeois hôtel particulier - pire encore, le rendre anecdotique - ni ruiner l'harmonie d'un espace vert dominé par de hauts cèdres centenaires.
Pour ce faire, il a fallu jouer des formes, mais aussi de la lumière et des reflets. « Nous ne voulions jamais offrir de vision frontale, mais au contraire un paysage qui change par l'intermédiaire de courbes », expliquent les deux architectes. La construction se veut, selon leurs mots, « souple et athlétique » afin de « slalomer » entre les arbres. De ce parti pris contorsionniste est né un « travail plastique ».
« Ses dimensions imposantes ont conduit les architectes à fragmenter l'ensemble pour que jamais il n'apparaisse dans sa totalité. »
Une œuvre d'art ? Presque ! Plus qu'un simple bâtiment administratif, l'Atelier du Pont a pensé « une installation ». Encore fallait-il gérer la masse du programme. Le morcellement en plusieurs entités ne s'avérait pas assez fonctionnel. Un bâtiment unitaire a donc été privilégié. Ses dimensions imposantes ont conduit les architectes à fragmenter l'ensemble pour que jamais il n'apparaisse dans sa totalité. Les façades, dans cette composition, jouent un rôle primordial.
« Nous voulions que le bâtiment dialogue avec le parc, mais aussi propose un dispositif efficace d'un point de vue thermique et solaire », expliquent les architectes.
L'équation, au-delà de questions esthétiques, était particulièrement complexe : d'un côté, le désir de « projeter » les usagers vers l'extérieur, vers la cime des arbres ou les vertes pelouses du parc, par l'intermédiaire de larges baies vitrées. De l'autre, préserver un tant soit peu d'intimité, mais aussi protéger les espaces de la chaleur et en assurer le meilleur confort thermique et visuel. « Nous avons créé des coursives en caillebotis qui permettent, autant que les allèges pleines, de lutter contre les rayons du soleil au zénith. Pour compléter ce dispositif, nous avons imaginé des brise-soleil verticaux », poursuivent-ils. Ces lames d'aluminium anodisé, évasées, et toutes orientées nord-sud, habillent la façade et subliment l'ensemble. Leur nombre et leur rythme ont été, par ailleurs, finement étudiés pour refléter le paysage mais aussi préserver les vues depuis l'intérieur. Pour échapper à un sentiment d'enfermement, une perforation a même été prévue. Le raffinement de la proposition pourrait sembler dispendieux. Le tout, pourtant, a été réalisé selon un budget contraint et limité. « Nous avons trouvé la solution avec une entreprise de charpente métallique. Celle-ci avait développé un procédé de poutre en tôle pliée que nous avons décidé de reprendre. In fine, nous avons détourné un produit industriel pour en venir à nos fins », précisent Anne-Cécile Comar et Philippe Croisier. Enfin, contrairement à bien des chantiers, la structure et notamment les planchers en béton n'ont pas dicté la manière de poser cette vêture. « Notre métallier avait prévu, en rive de dalle, un profil en métal qui intègre les réservations à même de fixer les éléments de façade et les consoles pour les coursives », soulignent les architectes. Il résulte de ce travail la plus grande finesse mise au service de la disparition. Remarquable absence ? Atelier du Pont finit par jouer, dans ce projet institutionnel, de l'oxymore. Au lieu d'affirmer la République, il l'efface pour mieux la donner à voir !
LIMPIDITÉ
Tout en préservant les arbres existants sur le site, la forme du plan a également permis de minimiser l'impact des noyaux de circulation. En lien constant avec le paysage, c'est la fluidité et la continuité qui caractérisent les espaces intérieurs, bureaux modulaires et circulations jouissant ainsi d'apports de lumière naturelle directs tout au long de la journée. Apports garantis par la mise en œuvre d'une enveloppe simple peau qui glisse devant les nez de dalle et les poteaux en acier à remplissage béton.
Article paru dans exé 29 : Éclairage architectural (sept-oct-nov 2017)
Ce projet a reçu le Prix Spécial des Trophées Eiffel 2017
FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Les Herbiers (85), France
♦ ARCHITECTE Atelier du Pont
♦ COLLABORATEURS Julie-Laure Anthonioz (chef de projet), Aline Defert (architecte d'intérieur), Quentin Perchet
♦ ARCHITECTE ASSOCIÉ Michel Joyau
♦ MAÎTRISE D'OUVRAGE Communauté de communes du Pays des Herbiers
♦ PROGRAMME Construction d'un immeuble de bureaux
♦ SURFACE DE PLANCHER 2 880 m²
♦ COÛT DES TRAVAUX 6,26 millions d'euros HT
♦ LIVRAISON Juin 2016
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
♦ STRUCTURE Arest
♦ FLUIDES Area
♦ ÉCONOMIE ECB
♦ ACOUSTIQUE SerdB
♦ PAYSAGE Paula Paysage
♦ INGÉNIERIE ENVIRONNEMENTALE Plan02
ENTREPRISES
♦ TERRASSEMENT VRD Arnaud TP
♦ ESPACE VERT Evp
♦ GROS ŒUVRE Maudet
♦ ÉTANCHÉITÉ Batitech
♦ MENUISERIE EXTÉRIEURE CHARPENTE SERRURERIE Briand
♦ MENUISERIE INTÉRIEURE Arcobois
♦ CLOISON SÈCHE Martineau
♦ CLOISON MODULAIRE CHM International
♦ FAUX PLAFOND Plafisol
♦ CARRELAGE FAÏENCE Rautureau
♦ SOL Calendreau
♦ PEINTURE REVÊTEMENT Baudon
♦ ASCENSEUR Kone
♦ PLOMBERIE SANITAIRE Bregeon Maudet
♦ CVC Gaillard
♦ ÉLECTRICITÉ Eiffage
♦ PERMÉABILITÉ À L'AIR Evalys
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
♦ LAME ALU ANODISÉ Entreprise Briand
♦ BAFFLE ACOUSTIQUE SUSPENDU Ecophon
♦ LUMINAIRE BUREAU ET CIRCULATION Sylvania
♦ SUSPENSION ACCUEIL Tom Dixon
♦ RADIATEUR CIRCULATION Meinertz
♦ RADIATEUR BUREAU Zehnder