Depuis le regroupement des Forces armées françaises sur l'unique site de l'Hexagone, à Balard, à Paris, bon nombre de locaux militaires parisiens ont été mis en vente, faisant l'objet d'appels d'offres auprès d'investisseurs. C'est le cas de cette caserne construite au XVIIIe siècle, en plein cœur de la capitale, selon un plan en U ouvert vers la place Saint-Augustin : une position privilégiée dans la ville, à l'image de la puissance qu'elle devait incarner. Un statut perdu au cours du XX siècle avec les nombreux travaux opérés sur l'îlot : la construction du Cercle National des Armées en 1925 bouche la perspective vers la place, puis la démolition et reconstruction de tout le bâtiment - hormis l'aile sur rue - dans les années 1960 rend l'ensemble peu harmonieux et difficilement exploitable.
Eurosic/ACM, la société foncière qui a remporté l'appel d'offre, et l'agence d'architecture PCA-Stream se lancent alors dans le projet colossal de transformer cette caserne classique à l'agencement disparate en immeuble de bureaux contemporain, fluide et confortable, avec une inconnue de taille : le futur exploitant n'est pas encore identifié. Les architectes entament donc le dessin d'un projet polyvalent, dans une logique d'immeuble « en blanc » pouvant satisfaire n'importe quels locataires.
Dès le début, les ambitions de Philippe Chiambaretta et son équipe sont claires : conserver le bâtiment haussmannien, rénover la partie construite dans les années 1960, et trouver une solution pour créer de la valeur en ajoutant des mètres carrés.
Cette dernière condition va se résoudre en fouillant dans les archives, lesquelles révèleront l'existence d'un pavillon trônant au milieu de la longue cour et démoli en 1924. En ressuscitant le fantôme de cet édicule disparu, les architectes rendent à la cour des proportions agréables, en l'agrémentant d'un jardin planté à l'ouest et d'un parvis minéral carrossable à l'est.
Un chantier « pharaonique » commence alors, selon les mots d'Antonin Lacomme, l'architecte en charge du projet. Si les concepteurs laissent les façades de l'édifice haussmannien intactes, ils ne seront pas aussi cléments avec le reste du bâtiment… Souhaitant exploiter toute la surface disponible, ils choisissent de maintenir son gabarit. Pour cela, il faut que l'intervention soit considérée comme une réhabilitation, ce qui équivaut à conserver au moins 50 % de la structure béton existante. Qu'à cela ne tienne ! Les neuf niveaux de l'aile sud, trop étroite, sont littéralement coupés en deux dans la longueur avant que les plateaux soient reconstruits avec une emprise plus profonde.
Le NoPa, pour « nouveau pavillon », seule construction entièrement neuve, se libère des contraintes liées à l'existant et arbore ainsi une volumétrie inattendue qui s'affine dans les étages pour laisser entrevoir le ciel.
La force du projet réside dans la capacité des architectes à lier l'ensemble du bâtiment par la façade, qui suit le même principe partout : la structure béton est reléguée au second plan derrière le vitrage, lui-même soutenu par des huisseries aluminium ou acier qui évoquent au choix les verrières des ateliers d'artistes parisiens du XIX siècle, ou les immeubles « miesiens » du New York du XX siècle. L'apport de lumière permis par ces grandes surfaces vitrées, agréable au nord, est atténué sur les façades est et ouest du NoPa grâce aux immenses épines creuses qui les parcourent de haut en bas, assurant ainsi la fonction de brise-soleil.
C'est alors que le cabinet d'avocats Gide, Loyrette et Nouel entre dans l'équation : à la recherche de nouveaux locaux pour réunir ses 600 employés, il s'engage à louer l'ensemble des 18 000 mètres carrés du projet. Avec son arrivée, peu de choses changent, si ce n'est l'organisation du rez-de-chaussée où le grand restaurant prévu par les architectes se transforme en une cafétéria et une bibliothèque, et où le petit auditorium à l'origine prévu dans le NoPa voit sa surface doubler et se déplacer dans le bâtiment sur rue pour en faciliter l'évacuation. L'organisation des étages, elle, convient parfaitement aux futurs occupants : les salles de réunion et de signature occupent tout le bâtiment historique, tandis que les bureaux des collaborateurs, aménagés par l'agence Archimage, se déploient sur l'ensemble des parties neuves. Cantonnés dans l'aile sur rue, les clients ne pénètrent donc pas dans l'enceinte confidentielle des bureaux, une séparation programmatique qui permet une plus grande liberté dans le dessin des façades, notamment. Libérés de la nécessité de discrétion qui aurait été de rigueur si tout le monde évoluait dans le même espace, les vis-à-vis sont acceptés et les transparences bienvenues. Partout, des coursives extérieures d'environ 60 centimètres de large permettent de sortir le temps d'une courte pause, une alternative aux nombreux autres espaces extérieurs aménagés en toiture et dans les cours.
« Je suis très fier de ce bâtiment : il incarne tout ce à quoi je crois vraiment pour un programme de bureaux. Tout le monde se voit, chacun sort sur son balcon, il y a un potager sur le toit… Le dessin sert le dessein », résume élégamment Philippe Chiambaretta.
Après la dépose de l'ancienne façade, les planchers du bâtiment existant sur cour ont été prolongés afin d'atteindre les 12 mètres nécessaires aux espaces de bureaux. Passant devant les nez des nouvelles dalles, la façade est totalement vitrée, seulement interrompue par les linteaux revêtus de glace émaillée sombre et opaque.
Faisant le lien entre le bâtiment classique sur rue et l'aile des bureaux, le nouveau pavillon central voit sa structure béton et son enveloppe s'incliner légèrement pour éviter une trop forte densité à l'intérieur de la cour. Pour souligner cette légèreté, des brise-soleil en aluminium laqué glissent sur toute la hauteur et forment l'acrotère.
► Retrouvez l'ensemble des plans et des coupes dans exé 35 : bureaux actuellement en kiosque et disponible sur la boutique en ligne
FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Paris 8, France
ARCHITECTE PCA-STREAM
COLLABORATEURS Antonin Lacomme
MAÎTRISE D'OUVRAGE ACM
ASSISTANT MAÎTRISE D'OUVRAGE Arc
PROGRAMME Réhabilitation et extension d'une ancienne caserne militaire en ensemble de bureaux
SURFACE NETTE 18 879 m²
COÛT DES TRAVAUX 47,8 millions d'euros HT
CONCOURS 2 015
LIVRAISON Octobre 2018
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
MOE Artelia
STRUCTURE Kephren
FAÇADE Vs-A
HQE Green Affair
FLUIDES Barbanel
ACOUSTIQUE A&C
ÉCONOMIE Delporte
COORDINATEUR SPS LM3C
SSI SECURITÉ CSD Faces
PAYSAGE Topager, La Superstructure
ÉCLAIRAGE EXTÉRIEURLumière Studio
AMÉNAGEMENT BUREAUX Archimage
ENTREPRISES
ENTREPRISE GÉNÉRALE Eiffage
FAÇADE MÉTAL Goyer
FAÇADE BOIS Faure
MENUISERIE INTÉRIEURE Brard
SERRURERIE AGM
CLIMATISATION Lefort
ÉLECTRICITÉ Fibor
PAYSAGE Topager, Les Jardins de l'Orangerie
RAVALEMENT Pradeau Morin
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
PIERRE Rocamat (Buxy, Charmot)
GRÈS CÉRAME Mosa, Cotto d'Este
HABILLAGE BOIS Oberflex (auditorium)
CLOISON AMOVIBLE Algaflex (auditorium)
GARDE-CORPS Jakob
BAC ACTIF Linder
ENDUIT ACOUSTIQUE Baswa
MOQUETTE Ege
ROBINETTERIE Duten
LUMINAIRE Vibia, Sammode (zones nobles), Philipps (bureaux)
MOBILIER Silvera
RIDEAU Kvadrat
TAPIS Tai Ping, Bougainville