Presque 45 hectares dont un parc de dix hectares, 3 400 logements, 140 000 mètres carrés de bureaux, 31 000 mètres carrés de commerces et encore 38 000 autres d'équipements ; la ZAC Clichy-Batignolles, récemment labélisée Écoquartier, est une des plus grandioses opérations franciliennes de ces deux dernières décennies, en plein cœur du 17e arrondissement parisien. Conduite par l'urbaniste François Guther et la paysagiste Jacqueline Osty, elle résulte de la réhabilitation d'une ancienne friche de la SNCF et de la couverture d'une partie des faisceaux ferrés de la gare Saint-Lazare. Parmi les artères nouvellement ouvertes pour irriguer le nouveau quartier, la rue Mstislav-Rostropovitch relie d'est en ouest la rue Cardinet au boulevard Berthier.
C'est ici, à l'aplomb des rails, que les agences ChartierDalix et Brenac & Gonzalez ont livré un immeuble capable de « proposer la densité demandée sans créer un bloc trop compact et massif » comme nous l'explique l'architecte Stefan Tuchila.
« Les architectes attributaires des différents lots ont travaillé ensemble afin de définir les éléments d'une unité et d'un dialogue entre les bâtiments » poursuit-il, à chacun d'entre eux ensuite de concevoir des volumes qui tiennent compte des vis-à-vis, des ombres portées et des flux. Mais ce qui les a surtout guidés ici c'est l'absence de sol et donc un irrépressible besoin de bien l'assoir, de bien l'ancrer. Construit sur la couverture des voies de remisage SNCF, l'immeuble de 24 500 mètres carrés est en effet élevé sur un vide et des flux, face au grand paysage au sud-ouest et à un front en train de se constituer au nord-est. Faisant référence aux voies de chemin de fer, les architectes ont alors empilé des lignes telles des strates minces et horizontales, signifiant la sédimentation géologique des sols. En plan, cela se traduit par une superposition de plateaux aux largueurs variant de 6 à 19 mètres, pliés tels des rubans afin de créer des vues multiples, de gérer les vis-à-vis et de générer des respirations, des espaces extérieurs accessibles ; coursives, patios, terrasses et escaliers.
« FAISANT RÉFÉRENCE AUX VOIES DE CHEMIN DE FER, LES ARCHITECTES ONT ALORS EMPILÉ DES LIGNES TELLES DES STRATES MINCES ET HORIZONTALES. »
En élévation, la linéarité de l'ensemble s'enrichit alors d'accidents morphologiques utiles ; côté rue le bâtiment s'abaisse progressivement jusqu'à l'espace public, tandis que côté voies ferrées, deux immenses nus à l'aplomb du vide se rencontrent et génèrent un escalier suspendu, sorte de folie à l'échelle du grand paysage. Et pour terminer de filer la métaphore tellurique, les architectes ont fait le choix de la terre cuite émaillée « qui prend la lumière de façon exceptionnelle et dont la couleur sombre souligne la massivité de l'ensemble » nous conte monsieur Tuchila. Partis d'un profil existant de chez NBK, ils ont conçu trois moules différents, sans perdre l'avis technique existant bien évidemment, ornés de crans d'épaisseurs variables. Fixés sur les allèges préfabriquées béton ou sur ossature métallique, ils alternent avec les bandeaux vitrés dont la hauteur diminue au fur et à mesure de l'élévation. Rainurage vertical, angles variables et nature de l'émail font alors constamment varier les teintes et la perception même de sa matérialité que d'aucuns prennent parfois pour du métal.
Métal qui est lui employé en structure porteuse dont les poteaux et poutres sont laissés apparents dans les espaces intérieurs et peints en noir pour faire écho à la sombre enveloppe. L'acier a été élu pour sa légèreté bien entendu mais aussi pour l'histoire de sa mise en œuvre, très liée aux infrastructures ferroviaires. Et si ce type de structure traditionnelle parait simple, elle a été ici d'une complexité exceptionnelle due aux contraintes de la construction sur dalle. La SNCF impose en effet non seulement la position des points d'appuis mais également les charges minimales et maximales à descendre sur ses piliers de fondation. Et le sujet devient draconien quand s'y ajoutent les contraintes du programme et les règles d'évacuation et d'accessibilité. Mais finalement, toute cette complexité disparaît et c'est la cohérence de l'ensemble qui l'emporte ; les plateaux de bureaux sont flexibles et baignés de lumière, la régularité de la trame structurelle fait écho à la continuité de l'enveloppe, la distribution fluide entremêle les intérieurs et les extérieurs, tandis que les vues proches et lointaines s'ouvrent dans toutes les directions. Depuis la rue, la massivité de l'ensemble est palpable mais allégée par les transparences et les décalages entre niveaux.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION ZAC Clichy-Batignolles, Paris 17, France
ARCHITECTE MANDATAIRE Agence ChartierDalix
ARCHITECTE ASSOCIÉ Brenac & Gonzalez & Associés
MAÎTRISE D'OUVRAGE Emerige (promoteur), BNP Paribas Cardif (investisseur)
PROGRAMME Construction d'un immeuble de bureaux dans la ZAC Clichy-Batignolles
SURFACE NETTE 24 200 m²
COÛT DES TRAVAUX 51 millions d'euros HT
CONCOURS 2 013
LIVRAISON Octobre 2017
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE Khephren
FAÇADE Ceef
FLUIDES Barbanel
HQE Alto Ingénierie
ÉCONOMIE Dal
CUISINE Ceres, HACS Restauration
PAYSAGE Olm
ACOUSTIQUE Acoustique & Conseil
DÉCORATION Builders & Partners
ENTREPRISE
ENTREPRISE GÉNÉRALE Bouygues Île-de-France Construction Privée
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
BARDAGE NBK
SOL MUR Pierre de Vals (hall)
FAÏENCE Émaux de Briare, GranitiFiandre
BRASSEUR D'AIR Hélios
BOULES DE VERRE Verrerie de Bréhat
LUMINAIRE Régent (auditorium et foyer)
RIE SOL VINYLE 2tec2
FAUTEUIL AUDITORIUM Poltrona Frau
LATTIS BOIS Laudescher (hall)