En avril 2007, à l’annonce du lauréat, le milieu de l’architecture s’est ému de la victoire de Jean Nouvel. Célèbre pour de grandes réalisations à travers le monde, il est adulé par certains, abhorré par d’autres. Rarement consensuel, il fait partie des architectes français qui osent, qui alimentent le débat. Et sa Philharmonie n’a pas dérogé à la règle, devenant, au fur et à mesure, un animal médiatique national. Projet complexe et donc plus cher que prévu, mésentente avec la maîtrise d’ouvrage, retards de chantier et autres couacs réglementaires ont émaillé l’aube de son histoire. Résultat : une inauguration en grande pompe avant même l’achèvement du bâtiment – prévu pour le printemps 2015 –, et à laquelle son auteur n’a pas souhaité assister. Mais alors, outre le chaos politico-économique, le paradis sensoriel prédit est-il véritable ? Au nord-est de Paris, face à la commune de Pantin dont elle est séparée par le boulevard périphérique et les Maréchaux, la Philharmonie de Paris est située au sein du parc de La Villette. Dans la continuité de ce grand paysage hétérogène, le volume, immense et radical, est une colline revêtue d’aluminium mat que l’on pourra gravir jusqu’à un belvédère culminant à 37 mètres, panorama fantastique sur la Capitale et sa banlieue.
Complétant l’offre de la Cité de la Musique conçue par Christian de Portzamparc en 1995, elle ne sera pas qu’une enceinte à l’acoustique parfaite dédiée aux mélomanes avertis. Également ouverte à tous, toute la journée, avec salles de répétitions, de pratique musicale, de conférences, ateliers éducatifs, studios, bibliothèque, galerie d’expositions et autres restaurants qui occupent le rez-de-chaussée et forment une promenade en continuité avec l’espace public. Aux niveaux supérieurs, sa géométrie sensée, déconstruite et oblique, enserre une forme énigmatique, un peu trop molle, revêtue d’inox réfléchissant. C’est la grande salle de concert, dont la jauge, variant de 2 400 à 3 650 places, devrait offrir un son remarquable à tous, où que soit son siège. Cette démocratie sonore, graal ultime, a nécessité la mise en oeuvre d’un concept architectural et acoustique complexe qui consiste à créer de l’intimité au sein d’un grand volume. L’enceinte, les balcons en porteà- faux qui en sont désolidarisés et les réflecteurs convexes en forme de nuages composent un environnement qui suspend physiquement les auditeurs entre les notes et l’espace, au plus près de la scène centrale. L’immersion sensorielle est sereine, l’ambiance contemporaine et désuète en même temps, et l’expérience véritablement singulière, tant les sons semblent occuper tout l’espace. Ainsi, même s’il est certain que la Philharmonie de Paris continuera à alimenter le débat, nos oreilles, elles, feront consensus.