ENTRETIEN AVEC BRUNO RESSOUCHE
Architecte associé de RMR
Diriez-vous que l'ITE jouit aujourd'hui d'un quasi-monopole ?
Dans notre région, l'ITE est souvent réduite à une isolation extérieure enduite, remise en cause depuis quelque temps maintenant, surtout dans le logement social. Nous avons en effet constaté qu'elle induisait des problèmes de coûts, d'étanchéité des menuiseries extérieures et de finitions intérieures. Du point de vue de la RT 2012, jusqu'à R+2, la maçonnerie traditionnelle est efficiente ; nous avons donc beaucoup de projets aujourd'hui en brique avec ITI. Cependant, surtout dans des régions sismiques comme la nôtre, on ne peut pas monter au-delà de R+2 ; par conséquent, ce constat ne s'applique qu'à ces petites opérations. Voici deux ou trois ans encore, nous avions l'impression que l'ITE devenait systématique, que le modèle allait s'imposer. Nous avions ainsi modifié tous nos détails, au niveau des seuils, des isolation enterrées… Mais, aujourd'hui, nous ressortons nos anciens détails.
Le rôle de l'architecte se résume-t-il alors au choix d'un matériau sur catalogue ?
Pas forcément, dans le sens où l'ITE ne se justifie pas sur tous les projets, comme ceux à ossature bois, par exemple. Au sujet du logement, le point de départ est l'approche économique de l'interface structure/isolation. Pour l'opération Kessler-Rabanesse, et dans le but de répondre à la question de la masse et de l'inertie thermique, la répartition de l'isolation est de deux tiers extérieure et un tiers intérieure. Mais cela a un coût ; c'est la raison pour laquelle il est plus judicieux de se contenter d'une ITI quand c'est possible. Étant donné que la loi Macron a engendré une diminution des investissements, les bailleurs sociaux demandent à ce que les coûts au mètre carré soient réduits de 100 à 150 euros. De ce fait, pour que le programme voie le jour - car certains sont parfois annulés -, le choix structure/isolation est primordial, devant aller au-delà du contexte. Pour Kessler-Rabanesse, l'ITE non enduite était prescrite. Il ne s'agit là pas que d'un choix sur catalogue mais d'une approche globale - économique et thermique - du bâtiment dans son ensemble.
Comment l'évolution des réglementations thermiques influe-t-elle sur vos processus de conception ?
Elles sont contraignantes mais n'ont pas diminué notre liberté. Ce qui la restreint fortement, c'est la perte d'investissements dans le logement social. Mais il est vrai que les performances thermiques nous guident ; par exemple, l'époque du logement mono-orienté est révolue. Nous concevons des logements traversants disposant d'au moins deux orientations, ce qui produit des bâtiments moins épais. Cette compacité s'accompagne d'une volumétrie simplifiée, mais cela nous autorise à travailler sur la double peau avec des balcons et des terrasses. La spécifié de nos projets n'est plus une question de volumétrie mais d'éléments extérieurs. Les exigences thermiques nous donnent aussi la possibilité de justifier des dimensions de baies vitrées plus importantes et de dépasser la règle du un sixième afin d'augmenter l'apport de lumière naturelle. Et l'ITE offre également l'opportunité de travailler les menuiseries au même nu extérieur que le bardage, ce qui renouvelle l'image du bâtiment de logements ; l'écriture se rapproche de celle des programmes tertiaires, qui, eux, ne sont pas concernés par la règle du un sixième.
Quelle est la liberté créative face aux performances thermiques attendues de l'enveloppe ?
C'e s t une question de cohérence. Je ne comprends, par exemple, pas les projets de bardage bois sur maçonnerie. Le bois n'est pas une décoration. Le dessin de façade doit être corrélé aux systèmes mis en œuvre pour répondre aux exigences thermiques. Il vieillit très mal car nos volumétries sont de plus en plus épurées, sans débord de toiture ; le moindre élément extérieur, comme un volet coulissant, rendra le vieillissement hétérogène. Ce ne sont pas des erreurs de conception, mais on peut se faire piéger par cette incohérence entre architecture et matériau. Les bardages métalliques et composites sont intéressants car porteurs d'une nouvelle liberté architecturale. Ils nous donnent le loisir d'explorer d'autres domaines, par opposition au traditionnel enduit sur maçonnerie. Nous avons pu expérimenter et questionner les façades par rapport à ces nouvelles mises en œuvre.
Le bardage de cette réalisation est composé de panneaux composites de ciment, cellulose et minéraux ; lors de quelle phase et comment s'est fait ce choix ?
Dès le premier croquis au crayon. Comme la volumétrie 30 et 20 mètres par 10 mètres de large nous était imposée, j'ai fait remarquer que ce rapport un/deux/ trois était celui de 2001 : l'odyssée de l'espace . Donc nous avons cherché cet aspect monolithique dès le départ, avec les façades nord et un tiers des façades est et ouest en panneaux Equitone, et du métal en panneaux perforés pour les autres. Notamment parce que les prescriptions architecturales demandaient une double peau au sud pour protéger une galerie et des balcons, avec un retour sur deux tiers des côtés. Les matériaux se sont tout de suite imposés et nous avons ensuite travaillé ton sur ton.
Les nus de façade sont parfaitement lisses et droits ; quels étaient les objectifs de ce dessin ?
Toujours dans cette idée de générer un monolithe, nous avons travaillé les volets repliables au même nu que le bardage, tandis que les menuiseries sont en applique classique. Sur la façade sud et les deux tiers des façades latérales, les coursives et les balcons sont donc protégés par une double peau composée de volets fixes et repliables en aluminium perforé, devant la peau arrière en tôle ondulée orange, très économe. Ce contraste entre le gris et le rouge ou l'orange fait référence aux volcans d'Auvergne évidemment, aux étapes de fusion de la lave, dont la cathédrale de Clermont-Ferrand représente la dernière étape avec cette pierre de Volvic, matériau ancestral de la région.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Clermont-Ferrand (63), France
MAÎTRE D'OUVRAGE Logidôme
MAÎTRES D'OEUVRE RMR Architecture et FR Architectes
PROGRAMME Construction de 75 logements sociaux et de commerces
BUREAUX D'ÉTUDES IFTC (économie), Artelia (fluides et structure), Orfea (acoustique)
ENTREPRISE CDR Construction (générale)
BARDAGE PANNEAUX Equitone Tectiva d'Eternit, tôle perforée et tôle ondulée Bacacier, volet coulissant Ehret
PHOTOGRAPHE Céline Frassetto (RMR)