Tate St Ives, musée d'art moderne britannique, a été réalisée en 1993 par les architectes londoniens Eldred Evans et David Shalev, sur le site d'une ancienne usine à gaz. Elle fait partie du Groupe Tate, avec la Tate Britain (Londres, 1897), la Tate Liverpool (1988) et la Tate Modern (Londres, 2000, extension en 2016). L'histoire veut qu'en 1889, Henry Tate, un industriel ayant fait fortune dans la raffinerie du sucre, propose sa collection d'art britannique du XIXe siècle à la nation et finance la première galerie Tate. Mais, après Londres et Liverpool, pourquoi s'implanter dans une modeste commune des lointaines Cornouailles ? Parce qu'une ligne de chemin de fer, installée dès 1877, y a attiré de nombreux artistes. St Yves est alors devenue un repaire artistique, rendu célèbre par la création de l'École de St Ives, un groupe de peintres formé en 1928 par Ben Nicholson, Alfred Wallis et Christopher Wood. Leurs œuvres, exposées au sein de la Tate, profitent du rayonnement international du musée. Vingt ans après son ouverture, dégradé par l'environnement marin et fort de ses 240 000 visiteurs par an, le bâtiment devait être à la fois restauré et agrandi.
« La rénovation de l'existant a été réalisée par Eldred Evans et David Shalev, alors que l'agence Jamie Fobert Architects a été choisie pour concevoir une vaste extension permettant davantage d'expositions d'art et facilitant la gestion des œuvres », explique Laura Sweeney, qui collabore avec Jamie Fobert.
Pour ce dernier, « il était devenu impératif que le musée introduise des artistes internationaux, élargisse son programme de formation et puisse ouvrir le soir. » Loin d'être simple, le projet a été un parcours du combattant pour les architectes, dès sa phase concours, face au rejet de la population. Laura Sweeney raconte qu'en 2004, « le site de l'extension était un parking derrière le musée. Le Groupe Tate venait de terminer la Tate Modern de Londres et, bien que considérée par le monde de l'art comme bienfaitrice, elle était perçue à St Ives comme une institution désengagée de la vie en Cornouailles et responsable de nombreuses difficultés : problèmes de circulation, de stationnement et hausse du prix des logements. » Alors, quand la Tate annonça sa volonté de doubler la surface du musée en supprimant un parking et en masquant des vues sur la mer, les habitants s'y opposèrent vigoureusement. Les consultations publiques qui s'ensuivirent se soldèrent par l'arrêt du projet. Ce n'est que plusieurs années après que le Groupe Tate réunira des militants de Stop the Tate, journalistes locaux, membres de la police et partisans du projet : l'association locale en charge du logement acceptera finalement de vendre la moitié de ses terrains - mitoyens au musée - en échange du remplacement d'immeubles délabrés par de nouvelles habitations sur le front de mer, financées par la vente. En définitive, après sept ans d'attente, un changement de site et de maître d'ouvrage - la Tate a succédé au conseil des Cornouailles -, un nouveau concours d'architecture est organisé. « En mars 2012, nous avons remporté notre deuxième concours d'architecture pour le même projet ! », annonce Laura Sweeney. L'esquisse de 1 320 mètres carrés abrite des espaces de formation et des bureaux en surface, tandis que la galerie contemporaine est désormais intégrée à la colline afin de limiter son impact sur le front de mer. Sa toiture est devenue un jardin public avec un accès à la plage - un cadeau de la Tate à la ville -, faisant grimper le coût initial de 12 millions à 20 millions de livres (environ 23 millions d'euros).
« LOIN D'ÊTRE SIMPLE, LE PROJET A ÉTÉ UN PARCOURS DU COMBATTANT POUR LES ARCHITECTES, DÈS SA PHASE CONCOURS. »
Bordé de logements, d'un parking et d'un cimetière, le site ne pouvait être dynamité ; les architectes ont dû faire excaver le terrain sur 12 mètres de profondeur, en présence d'une roche magmatique particulièrement dure appelée blue elvan. Il aura fallu huit mois de chantier pour fragmenter ce granit à l'aide d'une tige métallique pointue placée au bout d'une excavatrice. Sous terre, la galerie est une boîte en béton coulé sur place d'une surface de 500 mètres carrés, tenue par des murs de 5,4 mètres de haut sans artifice, surmontée de six grandes « chambres à lumière » offrant des ouvertures de 3,5 par 4,4 mètres et s'élevant sur 3,5 mètres. Recouvertes de granit local en accord avec l'architecture vernaculaire de St Ives, elles ponctuent l'espace public situé au-dessus de la galerie tout en permettant un éclairage naturel, même lorsque les espaces d'expositions sont configurés en six petites salles. La toiture, soutenue par d'imposantes poutres précontraintes en béton de 80 par 20 centimètres de section sur 16,5 mètres de long, fait écho aux solives apparentes en bois des entrepôts de pêche investis par les artistes locaux. Dans le même esprit, Jamie Fobert a tenu à faire référence à l'histoire des céramistes de St Ives, tels que Bernard Leach, en bardant les quelques volumes émergés de la colline - bureaux du personnel et stocks d'œuvres - de carreaux de terre cuite fabriqués à la main par l'atelier Froyle Tiles. L'argile jaune pâle, couleur des plages des Cornouailles, est alors dissimulée derrière des émaux bleu et vert, qui reflètent les nuances de lumière dues au temps changeant de la région et se fondent dans les teintes de la mer. Un projet qui s'intègre dans son environnement, au sens propre comme au figuré.
[ MULTIPLES SOLS ]
Parce que son emprise devait être la plus réduite possible, le bâtiment est absolument compacté et enterré en majeure partie. Depuis la rue haute, le nouvel édicule revêtu de céramiques compte quatre niveaux presque imperceptibles depuis l'extérieur, pour atteindre la nouvelle galerie d'exposition. Celle-ci offre ensuite un cheminent sur sa couverture jusqu'à la rue basse et la plage.
[ BOÎTES DE LUMIÈRE ]
En partie végétalisée, la couverture de la nouvelle galerie d'exposition se compose de six lanterneaux qui la baignent de lumière naturelle et ont été disposés afin de pouvoir la segmenter en deux, quatre ou six sous-espaces. Bardé de granit local, l'imposant volume se fait malgré tout discret et offre un nouveau belvédère face à l'océan.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION St Ives, Cornouailles, Royaume-Uni
ARCHITECTE Jamie Fobert Architects
MAÎTRISE D'OUVRAGE Tate St Ives
PROGRAMME Extension de la Tate St Ives, comprenant une galerie d'exposition principale, des espaces éducatifs et des bureaux
ANNÉE 2017
SURFACE 1 325 m² (extension)
CONCOURS 2012
LIVRAISON 2017
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE Price & Myers
FLUIDES RÉSEAU Max Fordham
PAYSAGE Jamie Fobert Architects, Rathbone Partnership
ÉCONOMIE Currie & Brown
ENTREPRISE
GÉNÉRALE BAM Construct
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
FAÏENCE Froyle Tiles
GRANIT De Lank Quarry
BÉTON Thames Valley Construction