Dans les bibliothèques, leur collaboration à quatre mains occupe une place à part, au rayon anticipation : depuis deux décennies, François Schuiten et Benoît Peeters construisent des villes imaginaires, au fil des planches de leurs bandes dessinées. Heureux les BDvores : cette fin d’année leur fournit une nouvelle occasion de plonger dans les bulles du duo, non pas avec un album, mais grâce à une exposition.
Au musée des Arts et Métiers, les deux raconteurs d’histoires – comme ils se définissent – présentent en effet Machines à dessiner, curieuse immersion dans leurs aventures futuristes, qui débute… avec un scaphandrier vieux de 134 ans. Jusqu’au 26 février 2017, ils font en effet dialoguer leurs illustrations avec des objets techniques centenaires, piochés au gré des collections du conservatoire industriel. Le trait d’union entre outils anciens et BD fantastique est ici le dessin, technique de représentation visuelle si essentielle aux sociétés humaines qu’elle en a traversé le temps, des peintures rupestres jusqu’aux tablettes modernes. De la machine de Conté, destinée à la gravure mécanisée des ciels sans nuage lors des campagnes napoléoniennes, à l’appareil que Chrétien Pomper crée pour étudier la perspective en 1800, ces instruments baladent le visiteur de salle en salle, la dernière lui offrant par ailleurs la possibilité d’exercer ses talents – un crayon à papier est glissé dans votre main avec le ticket d’entrée. Une fantastique continuité d’univers qui fonctionne grâce à des mises en abyme successives : dans les dessins présentés par le binôme, on retrouve en effet… les machines du musée. La boucle est bouclée entre les deux mondes, où architecture et sciences appliquées s’enchevêtrent étrangement, pour le meilleur de l’imaginaire.
Article paru dans Architectures à vivre 93 (janvier-février 2016)