Associant un programme d’école élémentaire, maternelle, centre de loisirs, gymnase, ainsi qu’une résidence pour étudiants et chercheurs, le bâtiment prend place sur un terrain rectangulaire suivant la forme d’un E. Brisant avec habileté la rigueur de cette implantation en peigne, les architectes ont introduit un système de retraits dans les étages, tandis que chaque linéaire de façade subit un léger biais, selon des orientations multiples. L’orthogonalité ainsi perturbée ouvre un champ de possibles à l’équipement, notamment celui de perspectives variées sur la ville et au sein du bâtiment lui-même.
Dans ce procédé de lignes brisées, l’insertion des différentes entités programmatiques témoigne d’une grande compréhension du territoire : occupant l’angle nord-est, la résidence est compactée dans un volume de neuf étages afin de laisser la lumière pénétrer dans l’école, qui la suit au sud sur le reste de la parcelle. De même, les deux cours de récréation glissées entre les branches du peigne bénéficient d’un ensoleillement maximal. Pour conforter les logements de petite taille, les architectes ont fait le choix de les ouvrir largement sur un balcon pouvant être abrité par de légers rideaux métalliques plissés et perforés. Contigu à ce bloc d’habitations, le gymnase avec entrée indépendante occupe l’angle sud-est. Cette première bande bâtie le long de la rue principale desservant l’ilot forme un écran protecteur vis-à-vis de l’école.
Cette dernière cultive une transparence poussée à l’extrême, tant dans les salles de classe que dans les circulations où l’ensemble des façades est vitré toute hauteur. Seules quelques surfaces sont habillées de verre opaque lorsque la fonction abritée le demande. De fait, pour protéger l’édifice des surchauffes, un auvent métallique épouse le périmètre des volumes au sud. Si la dominance forte du métal dans l’école étonne, l’aspect le plus novateur reste l’utilisation du végétal qui s’envisage pour Frédéric Chartier et Pascale Dalix comme un matériau à part entière. À terme, glycines, vigne et vigne vierge viendront coloniser auvents et treilles, tandis que les terrasses aux étages supérieurs, recouvertes d’une couche de 35 centimètres de terre, sont autant de prairies accessibles, ouvertes à la pédagogie. Ces espaces verts profitent à tous, aux résidents et passants pour les vues de même qu’aux enfants occupant les salles de cours très joliment plongées dans les minichamps.
Végétal
Pour Frédéric Chartier et Pascale Dalix, l’introduction de végétaux exige certaines précautions afin que l’implantation ne vire pas au fiasco. Ici, le duo a mis en place les aménagements nécessaires pour que les surfaces plantées fassent partie du patrimoine de la ville. Les terrasses couvertes de hautes herbes sont toutes reliées entre elles et sont desservies par des monte-charges. Ainsi, ces espaces verts seront-ils entretenus régulièrement par les jardiniers municipaux d’Ivry-sur-Seine. De même, pour assurer la bonne évolution des plantations, de solides contrats de maintenance d’une durée de trois années ont été établis en vue de remplacer très vite les végétaux qui ne pousseraient pas.
Porosités
Outre le gain en termes de qualité de vie dans des espaces bien éclairés, les larges surfaces vitrées offrent des porosités entre les programmes. Les élèves de maternelle seront un jour à l’école élémentaire avec laquelle ils sont en relation visuelle. Depuis le sas d’entrée, les cloisons et portes vitrées permettent un repérage immédiat dans l’établissement.
Quant à la partie consacrée aux logements, les baies transparentes sont protégées par des panneaux perforés, tantôt fixes ou coulissants. Clôturant les balcons filants, ces rideaux plissés offrent des vues poreuses sur la rue et l’école, tout en faisant office de brise-soleil.
Appropriation
Béton et métal bruts, menuiseries en pin, linoléums gris, tous les intérieurs et extérieurs sont traités avec la plus grande sobriété possible. « Ce n’est pas parce que c’est une école qu’il faut introduire un étalage de couleurs », expliquent les architectes, qui préfèrent « stimuler les enfants par la qualité et la variété des espaces ». Aussi cette neutralité est-elle une invitation pour les usagers à s’approprier les murs par l’accrochage de travaux et de dessins. De même les recoins et lignes brisées sont autant d’espaces pour des parties de cache-cache ou des rencontres. Chartier-Dalix aiment à créer des lieux où se poser dans leurs réalisations, souvent en toitures, lesquelles dans ce projet d’école sont incontestablement source de bien-être.