EXTRAIT DE L'INTERVIEW DE GEORGES-HENRI FLORETIN, DIRECTEUR GÉNÉRAL DU FCBA
Le FCBA est l’un des quatre Centre techniques industriels français de la construction ; une structure de recherche technologique liée à une filière spécifique à laquelle prennent part de nombreuses entreprises. C’est donc l’outil technique et stratégique de le filière bois dans sa globalité ; de la graine à l’ameublement, en passant par la sylviculture et le bois construction donc. Promouvoir l’habitat durable, améliorer la productivité des domaines forestiers, valoriser la ressource nationale, répondre aux attentes des usagers et renforcer l’apport du numérique sont ses principales ambitions. En partenariat avec ses homologues canadien et japonais, il organise Woodrise, congrès mondial dédié aux immeubles bois de moyenne et grande hauteur.
Le bois est d’abord une ressource naturelle dont la gestion est complexifiée par la diversité et le nombre de propriétaires. Comment est-elle organisée en France ?
G.-H. F. : La forêt de l’Hexagone représente 17 millions d’hectares, environ un tiers du territoire, comme à l’époque des Gaulois, sauf qu’aujourd’hui elle est gérée et cultivée. C’est la quatrième forêt européenne après celles de la Finlande, la Suède et l’Espagne. Elle est aujourd’hui très productive avec quelque 100 millions de mètres cubes par an dont la moitié seulement est récoltée ; nous observons une réelle sous-consommation de la ressource, hormis les zones inaccessibles, et si nous voulons la transmettre aux générations futures, il faut la récolter pour qu’elle se régénère. Ensuite, il est vrai que cette forêt est très diversifiée concernant ses propriétaires ; un tiers est possédé par des organismes publics, les deux tiers restants sont donc gérés par des propriétaires privés avec des attitudes variées. Certains la gère et mettent leur bois sur le marché, c’est très souvent le cas des détenteurs des domaines les plus importants qui, lorsque leur forêt atteint les 25 hectares, ont l’obligation de présenter un plan de gestion. À l’inverse, il y a beaucoup de Français propriétaires, parfois même sans le savoir, d’une moyenne de 1 à 2 hectares dont ils ne savent pas quoi faire, et ce ne sont donc pas des acteurs du marché.
Cela explique-t-il la sous-exploitation de la ressource ?
G.-H. F. : En partie oui. Il y a tout d’abord une part des domaines dont l’exploitation serait trop coûteuse ; au FCBA, des équipes travaillent sur de nouveaux systèmes de récolte en montagne, avec des mâts ou des ballons par exemple, mais il existe tout de même des zones difficiles d’accès où le coût de la récolte reste prohibitif. Il y a aussi des zones trop pauvres où la production est vraiment minime. Mais majoritairement, dans ces fameux 50 millions de mètres cubes qui restent, une bonne partie pourrait être exploitée. Nous avons d’ailleurs mené une étude avec l’IGN qui prouve que le potentiel d’accroissement de récolte existe jusqu’en 2035, il n’est pas question de pillage de la ressource. Mais j’émettrais deux réserves. Tout d’abord, elle est constituée d’une majorité de feuillus, alors que le bois d’œuvre consomme majoritairement du résineux. Ainsi, nous travaillons sur des innovations dans l’usage du feuillu. Ensuite, nous avons observé un fléchissement sur les plantations de résineux, il n’est donc pas impossible que d’ici à 2035, la demande rattrape l’offre. Mais la forêt française est bien évidemment gérée de façon durable, il n’y a aucune inquiétude à avoir, sachant de plus qu’une meilleure exploitation de nos ressources diminuerait les exportations et améliorerait ainsi la balance commerciale.
Comment expliquez-vous le retard français en matière de construction primaire en bois vis-à-vis de nos voisins européens, alors que notre patrimoine témoigne d’une réelle et ancienne culture constructive bois ; alors que notre massif forestier est un des plus importants d’Europe ?
G.-H. F. : Si l’on regarde plus largement, dans l’espace développé au-delà de l’Europe, le bois a conquis des parts de marché plus importantes qu’en France, partout on est allé au-delà de la maison sur un ou deux niveaux. Alors je pense
tout d’abord à la formidable réussite française des matériaux concurrents, qu’il s’agisse d’acier ou de béton, qui a donné une image sûre de la hauteur, qui a ensuite créé une mode puis des réflexes et des traditions. Les habitudes se sont ensuite installées, au détriment du bois. Il est donc important pour nous de rappeler que c’est possible aujourd’hui de construire des immeubles et des ponts autrement.
Intégralité de cette interview dans exé 28 spécial escaliers (juin / juillet / août 2017)