Chargé de l’aménagement d’un campus à Ixelles en 1968, l’architecte français Noël Le Maresquier choisit une structure organique pour ce qui est alors, ironiquement, un ancien champ de manœuvres militaires. Le site se partage aujourd’hui entre l’ULB, le campus francophone au sud, et son pendant néerlandophone au nord, la VUB, chacun centré sur lui-même. Très contraint, le terrain, proposé au concours en 2006, est enserré entre la piste d’athlétisme du campus de la VUB et le boulevard Général-Jacques, sur la ceinture moyenne de la capitale. Un défi relevé par les architectes de Bogdan & Van Broeck, grâce à un tracé fait de biais et de parallélismes.
Avec sa forme brisée, le bâtiment, large de moins de 17 mètres, parvient ainsi à se frayer un chemin, tout en conservant les alignements d’arbres existants. Assumant sa fonction de porte d’entrée du campus, il se décompose en un volume haut monolithique et une base jouant de la transparence. La transition entre le boulevard et les cheminements intérieurs est en effet assurée par un passage couvert sous la proue de l’édifice, où le piéton est guidé par la trame de pilotis, ponctuée de bornes. Le centre des congrès adjacent, entièrement vitré, fait office une fois éclairé de signal dans la nuit.
La masse des étages, débordant la trame, contraste ainsi avec tout le rez-de-chaussée, le parement sombre de l’une venant encore accentuer la légèreté du second. La brique a été préférée au Corten, initialement prévu, en accord avec la commission de concertation qui accompagne les demandes de permis de construire. Bien que le bâtiment ait été conçu comme une entité indépendante, les matériaux choisis font étonnamment écho, autant aux anciennes casernes de l’autre côté du boulevard qu’au brutalisme de l’architecture du campus.
Mais la volonté première de l’université était de renforcer l’exploitation de ses infrastructures sportives. Pour cela, une programmation mixte est planifiée, associant un hôtel et des bureaux. Le permis de construire obtenu en 2010 pose comme condition un usage exclusivement académique des lieux, ce qui remit en cause le PPP établi et impliqua le changement de développeur. Un centre des congrès et deux centres de recherche sont notamment intégrés au projet. Il s’agit alors de modifier l’affectation sans avoir recours à un nouveau plan d’exécution qui allongerait encore les délais. En effet, l’université souhaite pouvoir louer les chambres dès la rentrée 2013. Le chantier doit donc être court, un an au maximum.
Les principes structurels et d’enveloppe sont ainsi conservés et la modularité privilégiée, afin d’optimiser l’efficacité du chantier. Les colonnes, basées sur la trame du parking, et les planchers champignons permettent un positionnement flexible des parois sur chaque niveau. Le coffrage est standardisé, les joints de reprise laissés apparents. Le béton est livré nu pour des raisons de coût, mais aussi de résistance à l’usage et d’entretien. La façade est composée d’un mur-rideau en rez-de-chaussée et de panneaux sandwich préfabriqués dans les étages. L’efficacité a été privilégiée jusque dans les détails. Des demi-briques sont encastrées dans les panneaux de béton. Le coût de la brique d’origine, façonnée à la main, est ainsi optimisé. Une note de préciosité est ajoutée dans les espaces de circulation et de représentation comme le centre de congrès par un habillage de bouleau multiplis. À l’intérieur des chambres, un meuble standardisé unique « tout-en-un » combine les fonctions. Il inclut bureau, cuisine, salle de bains ou encore vestiaire, tout en intégrant les flux techniques.
Autour d’une même typologie de fenêtre, d’infinies variantes sont imaginées dès l’esquisse, mais réduites à quelques-unes, du fait de la standardisation, tout en maintenant l’illusion de la multiplicité. Dans les chambres et les bureaux, l’oriel est ainsi réinventé à travers trois gabarits de baies distincts. Ils sont complétés par deux petites fenêtres, déclinées dans les espaces de circulation, et par une vaste fenêtre paysagère, modèle unique conçu pour la salle de thérapie par le mouvement. Ce sont autant de notes aléatoires distillées sur une façade au dessin rigoureux, dont le système d’assemblage est volontairement affiché.
Le châssis préfabriqué de la baie en saillie est composé d’une structure en bois recouverte de plaques d’aluminium anodisé teinté bronze. S’élançant plus ou moins de la façade, de biais ou perpendiculaire à cette dernière, il est parachevé de profils en L permettant d’affiner visuellement le cadre et de casser l’effet « boîte ». Chaque module s’imbrique sur la face intérieure des panneaux. Après la pose du pare-vapeur, puis du vitrage, un encadrement en multiplis vient renforcer l’étanchéité, au-delà de l’aspect visuel.
La menuiserie se décompose en trois parties, répondant aux fonctions d’aération, de vue, de lumière, à la manière d’une œuvre de Louis Kahn. Selon la hauteur – d’assise, de table ou de lit –, le rebord offre de multiples usages. Les effets d’angles permettent d’aller chercher de nouvelles perspectives. Enfin, les modules se dédoublent en fonction de l’orientation. Côté sud, les vitres sont situées dans le plan de la façade et l’encadrement fait office de protection solaire. Côté nord, elles sont déplacées vers l’extérieur. La loggia devient balcon. Ni tout à fait la même, ni tout à fait une autre.