C’est d’abord l’histoire d’une ville, Rotterdam, en grande partie détruite par les bombardements de la Luftwaffe, en mai 1940. C’est aussi celle d’une politique d’aménagement du territoire frénétique et audacieuse initiée dans les années 1980, qui amena la métropole à se reconstruire dans les airs et sur l’eau, multipliant les gratte-ciel et les structures flottantes. La réalisation d’un tout nouvel ensemble regroupant services municipaux, bureaux, appartements, commerces et même un musée, le tout signé par l’agence de Rem Koolhaas, s’inscrit dans le prolongement de cette démarche donnant à Rotterdam depuis presque quarante ans un visage radicalement différent de celui de sa rivale, Amsterdam la traditionnelle.
Pixels sur patrimoine
Livré à la toute fin de l’année 2015, le bâtiment, composé d’une multitude de dés superposés les uns sur les autres, évoque une construction tout droit sortie de Minecraft – jeu-vidéo ultra-populaire chez les adolescents faisant du cube l’unité de base. Installés en partie haute, les bureaux et logements couronnent musée et commerces qui se partagent un rez-de-chaussée spacieux. Cette volumétrie facilite son implantation directe sur l’ancien bureau des services municipaux d’urbanisme, le Stadstimmerhuis, érigé en 1953. Grâce à une ossature métallique et l’usage prépondérant du verre – la façade principale composée de panneaux incurvés reflétant la lumière contre les murs est remarquable ! –, les architectes ont pu établir un dialogue efficace entre le nouvel édifice et l’existant. Ainsi, les motifs sculptés sur les parois du vieux Stadstimmerhuis sont perceptibles depuis un peu partout à l’intérieur. En outre, dans le tout nouveau musée de Rotterdam, le visiteur peut observer les collections, les passants et même les fonctionnaires en plein travail : une totale transparence qui lui rappelle que l’institution représente la métropole.
Par et pour les habitants
Ici, ce n’est pas tant la salle consacrée à l’histoire de la ville et à sa reconstruction, pourtant retracée par le biais d’une scénographie tout en conteneurs métalliques – clin d’œil à son activité portuaire –, qui retient l’attention, que la présence de statues, surprenantes, de citadins choisis au hasard pour représenter la métropole. Accompagnée de vidéos et de bandes sonores, chacune de ces sculptures raconte « son Rotterdam », et devra à terme être remplacée par d’autres représentants : une belle façon d’impliquer les habitants et de leur rendre, stricto sensu, leur musée. Un concept à la fois ludique et original, dont nos institutions, toujours en quête de solutions pour sensibiliser le public, pourraient peut-être s’inspirer…