Rédigé par Jean-Philippe Hugron | Publié le 09/06/2021
Concours avec stars pour projet sans argent. Voilà en résumé les premières heures du renouveau de l'Experimentarium de Copenhague. Face à BIG, Search et Snøhetta, Cebra a remporté la mise pour transformer le plus important musée du pays consacré aux sciences et à la technologie. « À partir du moment où la totalité des fonds n'avait pas, pour la bonne réalisation de l'institution, entièrement été réunie, nous avons pris le parti d'imaginer un projet pouvant être facilement modifiable », explique Kolja Nielsen, associé et fondateur de l'agence danoise Cebra. Faut-il alors comprendre que la promesse des perspectives et des plans pouvait ne pas être tenue ? Pas totalement. « L'organisation mise au point lors du concours a été à 95 % reprise. Seul l'extérieur a changé », précise l'architecte. Sur les premières images, le musée avait des allures d'« insecte ».
« Notre proposition était plus organique. Elle est devenue, avec le temps, plus cubique, mais la peau est restée celle que nous avions envisagée », dit-il.
Exit l'entomologie architecturale ! Les financements - privés - ont décidé que le projet serait plus sobre tout en étant aussi efficace que promis. « Les raisons pour lesquelles nous avons remporté le concours résidaient davantage dans la manière dont nous organisions les flux de visiteurs que dans l'écriture », indique Kolja Nielsen. L'enjeu était, en effet, d'affirmer l'équipement comme un espace public. Outre les expositions scientifiques qu'il se doit d'accueillir, le musée se veut également un lieu ouvert avec restaurant, boutique et auditorium. « Nous avons imaginé qu'à mesure de l'éloignement depuis la porte d'entrée, le visiteur parcourt des lieux qui, progressivement, deviennent privés. Au hall succèdent des espaces d'exposition accessibles au public sans ticket, puis d'autres avec ticket et enfin l'administration du musée, qui lui est interdite », explique-t-il. La proposition est a priori simple, autant d'ailleurs que les salles d'exposition imaginées pour n'être que des white boxes, des salles blanches. Pour compenser cette simplicité, l'agence danoise a consenti un « effort architectural », une pièce maîtresse, un escalier monumental au cœur de l'accueil. Cet escalier ? « Un jeu d'enfant », sourit l'architecte. Le dispositif n'avait pourtant rien d'une évidence et il s'est montré aussi difficile à concevoir qu'à réaliser. Le « jouet » annoncé est, avant tout, celui de l'effet souhaité. « Nous voulions un kaléidoscope », assure l'architecte. Pour ce faire, des courbes mais aussi des reflets. Au cuivre de l'escalier s'ajoute l'inox-miroir des murs alentour et du plafond. Les effets sont alors démultipliés à l'infini.
« Nous souhaitions proposer une expérience architecturale, une turbulence », affirme Kolja Nielsen.
À l'origine, l'inspiration puisait dans des formes organiques, notamment dans la structure même de l'humain, dans l'acide désoxyribonucléique. « L'ADN était encore trop symétrique. Nous avons alors développé une double hélice inspirée par la nature », dit-il. Sous certains angles, l'escalier, dans sa globalité, semble suspendu. Cent soixante tonnes de métal en lévitation ? Impossible ! Même pour un musée des sciences. Il y a donc eu, pour concevoir une telle prouesse, l'aide de logiciels paramétriques, mais d'autres programmes informatiques plus traditionnels ont été, selon l'architecte, tout aussi utiles. Preuve que la solution pouvait être simple. Il n'y a, en effet, pas de réelle performance structurelle : Kolja Nielsen explique que la double hélice n'est en fait que l'assemblage de huit escaliers distincts. « Nous avons toujours repoussé les limites avec nos ingénieurs pour n'avoir aucune colonne. Pour cela, le poids de chaque tronçon autoportant repose sur l'étage qu'il dessert », explique-t-il.
Le cuivre qui habille l'escalier est rapidement arrivé dans la réflexion. Il fallait rendre chaleureuse la lumière naturelle qui, sous ces latitudes fraîches et pluvieuses, peut se montrer un tantinet froide. « L'expression du hall en change considérablement. Il paraît tantôt doré, tantôt illuminé par un soleil couchant », assure l'architecte. Un second escalier vient compléter, à l'opposé du musée, cette spectaculaire circulation. Plutôt que de répéter le même parti pris, Cebra a choisi de distinguer ce dispositif non pas pour se prêter à un exercice de style mais pour faciliter l'orientation au sein des espaces d'exposition. L'antithèse de la double hélice cuivrée a alors été imaginée : un escalier tout en ligne droite habillé d'inox-miroir. « Si l'escalier du hall est inspiré par la biologie, celui-ci l'est par les mathématiques, notamment par la géométrie vectorielle. Un vecteur est la ligne droite la plus courte pour relier deux points », dit-il. Ici, aux courbes s'oppose donc la rectitude.
Ces escaliers aujourd'hui fascinent tout visiteur. Photographies et selfies en attestent sur les réseaux sociaux. Tant et si bien que Cebra finit par sourire d'une situation où « tout le monde connaît l'intérieur du musée, ignorant à quoi il ressemble à l'extérieur ! ». Un sort inédit à l'heure de l'architecture spectacle.
FICHE TECHNIQUE
♦ LOCALISATION Hellerup, Danemark
♦ ARCHITECTE Cebra
♦ MAÎTRISE D'OUVRAGE Experimentarium
♦ ARCHITECTE CONSEIL Elgaard Architecture
♦ MANAGEMENT DE PROJET Rambøll
♦ DIRECTION DE TRAVAUX NCM Project
♦ PROGRAMME Extension et restructuration de la Cité des sciences et des technologies
♦ SURFACE NETTE 26 850 m²
♦ COÛT DES TRAVAUX 4,4 millions d'euros HT
♦ CONCOURS 2 011
♦ ÉTUDES 2014
♦ LIVRAISON 2017
BUREAU D'ÉTUDES
♦ TCE Orbicon
ENTREPRISES
♦ DÉMOLITION DÉPOLLUTION Søndergaard Nedrivning
♦ MENUISERIE EXTÉRIEURE HME
♦ AMÉNAGEMENT INTÉRIEUR Einar Kornerup
♦ FLUIDE RÉSEAU Wicotec Kirkebjerg
♦ SSI GESTION Siemens
♦ ASCENSEUR Kone
♦ ESCALATOR CSK