Cabourg. 3 600 habitants à l'année, 40 000 durant la période estivale. Dans cette localité normande où la population est multipliée par dix aux beaux jours, le centre-bourg s'établit selon un insolite plan en éventail. Structurant ce dispositif urbain atypique, l'artère principale - l'avenue de la Mer - mène à la plage, au casino et au Grand Hôtel, triptyque emblématique de toute station balnéaire. À quelques pas de la mairie et de l'office du tourisme se trouve un terrain cerné par le tissu résidentiel et le centre-ville. Les Cabourgeais ont pris l'habitude d'emprunter cette parcelle vide pour rejoindre les commerces sans détour. Idéalement située, cette dent creuse offre une belle opportunité foncière pour réunir au même endroit des services municipaux jusqu'alors disséminés dans la ville : une médiathèque/ ludothèque et l'entité sociale de la commune. À Cabourg, l'architecture contemporaine est inexistante et n'allait pas de soi quand fut décidée la construction de ce nouveau programme. Sous l'impulsion de Mathilde Bertho, directrice des services techniques, architecte de formation, la municipalité dirigée par Tristan Duval organise, en 2017, un concours de maîtrise d'œuvre à l'issue duquel le projet de Lemoal Lemoal sera retenu. En concurrence avec l'agence mirennaise, mi-parisienne, l'Atelier MIMA et Studio 02 Architectes.
C'est en prenant des libertés avec leur proposition que les deux frères remportent la mise. Premier acte : conserver la vocation de passage urbain du lieu leur semble nécessaire. Le deuxième acte en est la conséquence directe la scission du programme en deux bâtiments distincts et quasi identiques. Et ce alors que le cahier des charges prédisposait à un volume unique.
Face-à-face, la bibliothèque et les services sociaux s'inscrivent en L, délimitant l'espace public nouvellement créé au centre et raccordé au maillage présent.
Les habitants voisins continuent ainsi d'utiliser ce raccourci, qui n'en est plus un. Fermés sur leur façade arrière, les bâtiments ouvrent sur la place centrale. Le cahier des charges du concours enjoignait les architectes à s'inspirer de l'archétype normand. Une donnée qui peut conduire au pire comme au meilleur. Fort heureusement, l'agence Lemoal Lemoal a su composer subtilement avec ce paramètre. Les deux bâtiments sont coiffés de toitures à 45 degrés, rappelant l'architecture locale. La construction en bois n'était pas demandée mais s'est vite imposée comme une évidence pour les architectes. Apparente, la charpente se dresse via une série de portiques en lamellé-collé de 8 mètres de portée. Quant à l'enveloppe, pourquoi aller chercher plus loin ce qui se trouve à proximité ? À quelques kilomètres du site, à Bavent, est installée une usine Terreal : « Nous cherchons toujours à utiliser les savoir-faire locaux, mais aussi à limiter le nombre de matériaux et de techniques mis en œuvre dans nos projets », précise Christophe Lemoal. Conférant une bonne inertie tout en étant pérennes, des tuiles de terre cuite habillent les toitures et se retournent en façade, faisant écho aux bardeaux de bois normands. Ou comment manier les archétypes sans jamais verser dans le pastiche. Les façades principales sont entièrement vitrées et protégées en partie supérieure par des brise-soleil en douglas. À l'image de la vision de l'architecture défendue par l'agence, le pôle social et culturel Gonzague Saint Bris se veut simple et fonctionnel :
« C'est l'usage du bâtiment qui définit la forme et les espaces », explique Christophe Lemoal, fidèle à l'assertion chère à Louis Sullivan.
L'exigence de l'agence, tout comme la qualité de cette opération, s'expriment dans les détails. Les architectes ont fait le choix de travailler en lots séparés qui, s'il est plus complexe, permet de mieux les maîtriser. Des détails, certes, mais qui assoient la cohérence globale de la réalisation, comme l'absence de gouttières par exemple. Les eaux pluviales sont évacuées dans des bandes stériles en pied de façade. À l'intérieur, la grande hauteur sous plafond est conservée, des panneaux en laine de bois habillent élégamment les sous-faces des toitures. L'espace de consultation des ouvrages donne sur l'espace urbain, tout comme les bureaux d'accueil des services sociaux. Un soin particulier a également été porté au travail paysager, signé Octobre office. Les essences ont été sélectionnées pour s'harmoniser avec la tuile, tout comme le béton teinté du sol extérieur. Pour obtenir des finitions aussi soignées et respecter le budget, la surface globale a été légèrement réduite (20 mètres carrés par bâtiment), au profit d'une qualité générale accrue : faire moins mais mieux, le véritable leitmotiv de cette agence prometteuse.
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FICHE TECHNIQUE
LOCALISATION Cabourg (14), France
ANNÉE 2019
ARCHITECTE Lemoal Lemoal architectes
MAÎTRISE D'OUVRAGE Ville de Cabourg
PROGRAMME Construction d'un pôle social et culturel
SURFACE DE PLANCHER 532 m²
COÛT DES TRAVAUX 1,6 million d'euros HT
CONCOURS 2017
LIVRAISON Mai 2019
BUREAUX D'ÉTUDES
STRUCTURE Sicre
FLUIDES ÉCONOMIE THERMIQUE Prisme Ingénierie
VRD Sneta
PAYSAGE Octobre office
ENTREPRISES
DÉMOLITION TTC
GROS ŒUVRE COUVERTURE Quincé Construction
CHARPENTE Deschamps
MENUISERIE La Fraternelle
PLÂTRERIE ISOLATION ENP
CARRELAGE Bonaud
PEINTURE Gilson
ÉLECTRICITÉ Lafosse Électricité
CVC Eiffage Énergie
VRD Toffolutti
FOURNISSEURS PRINCIPAUX
BARDAGE Terreal
PLAFOND Knauf
SOL Gerflor
ÉCLAIRAGE Sfel