Le projet d’aménagement urbain de l’écoquartier Clichy-Batignolles, conçu à l’initiative de la Ville de Paris par l’architecte urbaniste François Grether et la paysagiste Jacqueline Osty, s’étend sur 54 hectares, au nord-est du 17e arrondissement. Il prend place dans le cadre de deux ZAC, aménagées par la société publique locale d’aménagement Paris-Batignolles Aménagement, et d’un lotissement sur le secteur Saussure-Pont-Cardinet, aménagé par Espace Ferroviaire Aménagement, filiale de la SNCF. C’est ainsi sur le lot 4.2 de l’îlot Saussure que les architectes de LAN ont présenté en 2014 un immeuble de logements à rez-de-chaussée commercial pour le compte du bailleur ICF Habitat Novedis. Créée en 2002 par Benoît Jallon et Umberto Napolitano, l’agence explore à travers ses projets une architecture sensible à des questions sociales, urbaines, fonctionnelles et formelles. De fait, la situation de la parcelle fait de l’immeuble Saussure un trait d’union entre deux histoires de l’urbanisation de la capitale avec, au sud, le boulevard Pereire où passait la ligne ferroviaire de la Petite Ceinture, déployée autour de Paris sous le Second Empire, et au nord, le nouveau quartier de Clichy-Batignolles.
Pour mieux exploiter les possibilités foncières du site, l'immeuble que présentent les architectes figure une parfaite extrusion de la parcelle qui lui est allouée, épousant la légère cambrure du boulevard sur le plus long côté du plan triangulaire. Cette volonté de compacité trouve son inspiration dans la typologie de l'immeuble haussmannien, fil rouge de toutes les intentions qui pétrissent et modèlent le projet de LAN. La référence à ces immeubles de la fin du XIXe siècle est justifiée par leur grande flexibilité d’usage qui a permis, selon Umberto Napolitano, « de survivre aux changements, d’évoluer avec la ville et d’offrir la possibilité d’exploiter la même structure à des fins très diverses ». Effectivement, leur destination domestique bourgeoise initiale s’est révélée au fil des époques capable d’accueillir des usages divers : bureaux, commerces, ateliers, écoles… Une adaptabilité qui repose, pour l’architecte, sur plusieurs caractéristiques : « une structure claire, un rez-de-chaussée ouvert sur la rue et extensible à l’entresol, un rythme et une richesse d’ouvertures permettant la construction de tous les plans, des hauteurs d’étages variables, une épaisseur juste et une forte compacité. » Autant d’intentions dont s’imprègne et s’empare le projet de l’îlot Saussure.
La nouvelle façade est dessinée selon une succession de pleins et de vides qui reprend - en négatif - celle de l'immeuble parisien, tandis que la modénature emprunte au vocabulaire haussmannien les bandeaux filants marquant les étages nobles, ici représentés par de fins liserés dorés. Sur le plan de la flexibilité, l'immeuble veut anticiper les possibles mutations urbaines et l'évolution des besoins de ses occupants. Grâce à un système structurel concentré sur les façades et un noyau porteur qui réunit les circulations horizontales et verticales, les appartements sont séparés par des murs maçonnés ; à l'instar des cloisons séparant les pièces, ils pourront être abattus sans peine pour une réversibilité infinie, d'étage de logements à plateau de bureaux. La hauteur entre deux planchers est en outre fixée à 3,2 mètres, médiane entre la hauteur standard des immeubles de logements (2,8 mètres) et celle des immeubles de bureaux (3,5 mètres).
La mutabilité des plans d'étages est avant tout permise par la façade porteuse, épaisse et régulière. Tout le pourtour du bâtiment reprend ainsi les descentes de charges des niveaux supérieurs. Cette façade est constituée de 144 modules préfabriqués en forme de peigne ou de T, composés de prémurs béton, d'isolant et d'un parement en béton poli recouvert d'une lasure noire. « La spécificité du complexe de façade, épais de 30 centimètres, reposait sur la mise en œuvre des prémurs porteurs. Après avoir monté le noyau central en béton, les prémurs étaient posés en périphérie des dalles puis remplis de béton, et ainsi de suite de niveau en niveau », explique Philippe Pelletier, chef de projet en charge du suivi de chantier. « Vu la complexité de l'implantation, le terrassement et les réglages infrastructurels ont duré un certain temps. Ce délai a été mis à profit pour l'élaboration en atelier des éléments de façade finis », ajoute l'architecte. Fabriqués en Belgique par l'entreprise Décomo, les modules sont livrés sur le chantier en fonction de la capacité journalière de pose ; deux à trois camions chargés d'un ou deux éléments approvisionnent ainsi chaque jour le chantier parisien, dont le site ne permet pas de stocker l'ensemble des pièces préfabriquées. Lors des études, les architectes avaient minutieusement calibré et calculé le dimensionnement des modules de façade : « Sans être trop lourds, ils devaient être suffisamment longs pour permettre d'imprimer un effet de cintrage au bâtiment et restituer en façade la courbure du boulevard Pereire », se souvient Philippe Pelletier. Le calage des prémurs, exécuté avec une grande précision, permet de laisser entre chaque module des joints creux de moins d'1,5 centimètre, ultime témoignage d'une exécution délicate et d'une mise en œuvre soignée de ces éléments sur le chantier.
Du studio au T5 en duplex, les appartements de l'immeuble Saussure sont largement vitrés, au-delà du ratio classique réglementaire, et systématiquement organisés autour de loggias de 5 à 12 mètres carrés qui prolongent l'espace à vivre vers l'extérieur. Pour créer une variation en façade, ces dernières ne sont jamais superposées.
Si toutes les baies sont identiquement dimensionnées, elles diffèrent selon leur direction cardinale. Au nord, des garde-corps en verre protègent les vantaux ouvrants sur allège fixe, placés au nu de la façade ; côté sud, derrière un garde-corps en maille inox, les menuiseries des portes-fenêtres toute hauteur sont placées en retrait pour accentuer les ombres portées.
LOCALISATION : Paris 17, France
ARCHITECTES : LAN - Local Architecture Network
MAÎTRISE D'OUVRAGE : ICF Habitat Novedis
PROGRAMME : Construction d'un ensemble de 40 logements et commerces
SURFACE DE PLANCHER : 2900 m2
COÛT TRAVAUX : 5,9 millions d'euros HT
LIVRAISON : 2014
BUREAUX D'ÉTUDES ET CONSULTANTS
STRUCTURE : Bollinger+Grohmann
HQE : Agence Franck Boutté Consultants
ÉLECTRICITÉ, FLUIDES : LBE
ÉCONOMIE :JP Tohier & Associés
ACOUSTIQUE : Lamoureux Acoustics
BUREAU DE CONTRÔLE : APAVE
COORDINATION SPS : Bureau Veritas
ENTREPRISES
GÉNÉRALE : Bouygues Bâtiment
REVÊTEMENT DE FAÇADE : Decomo
ÉCHAFAUDAGE : Layher
MENUISERIES EXTÉRIEURES ALUMINIUM, OCCULTATIONS : Jet Alu
JOINTS, LASURE : Saga Plus
PLOMBERIE : Terrasse Industries
ÉLECTRICITÉ : Plus Elec
APPAREILS ÉLÉVATEURS : Koné