C’est à l’époque du Franquisme que la banlieue barcelonaise s’est développée, mais sans l’accompagnement économique et social adéquat de l’État. Accru par un rapide essor industriel jusqu’en 1975, année du décès de Franco (1892-1975). Aujourd’hui, ce sont les activités tertiaires et de services qui transforment ces quartiers délaissés, avec notamment la construction de nouveaux logements, parcs et équipements.
Au sud-ouest de la capitale de la Catalogne, à la frontière entre les communes de l’Hospitalet de Llobregat et Cornella de Llobregat, surplombée à l’ouest par la Ronda de Dalt, autoroute circulaire majeure, au sein d’une zone d’activités aux enseignes typiques, se tient donc l’école maternelle et élémentaire Martinete. Du héron dont elle tient son nom, elle n’a hélas pas hérité de la liberté de mouvement. Très contrainte par ses dimensions réduites, les prospects et les nuisances routières, la parcelle n’offrait que peu d’alternatives à Humbert Costas, Manuel Gómez, Jaime Blanco, Carlos Durán, Josep M. Estapè de l’agence Mestura Arquitectes. En « U » ouvert vers l’est autour de la cour, dos au flux routier, l’établissement s’organise en trois blocs fonctionnels. De plain-pied, à gauche en entrant, la cantine, les cuisines, le réfectoire, le gymnase, l’administration et les locaux techniques. Sur deux niveaux à droite, la primaire coiffe la maternelle en rez-de-chaussée. Ces deux ailes sont reliées en fond de parcelle par un hall, la réception, la bibliothèque et les locaux de l’association des parents. Les grands volumes de béton armé gris et blanc glissent sur des soubassements en retrait ; totalement coulés en place, ils forment un ensemble compact et introverti malgré tout animé. La référence au voisinage industriel tout proche est assumée, en particulier au niveau de l’échelle du projet qui se fait plus imposant qu’il n’est en réalité. Question de survie et d’affirmation ! Décrochés, auvents et autres saillies définissent de multiples sous-espaces ombragés offrant différents points de vue et alcôves attractives. Tout en lui créant son propre monde intérieur, protégé des nuisances, les architectes l’ont inscrite dans son environnement immédiat notamment au travers de cette façade sud, longue, cinétique et très identifiable.
Il fallait un écran de protection passive face à cette lumière méditerranéenne puissante qui baigne le long corridor de distribution des salles de classe des niveaux 1 et 2 de l’aile nord. Les architectes ont choisi le grès, employé depuis l’Antiquité ; ce matériau céramique d’une très grande dureté offre une excellente résistance aux agressions chimiques et climatiques. Extrudés à chaud, les caissons de 300 × 300 × 200 millimètres biseautés voient leurs faces verticales internes émaillées de couleur en fonction de l’exposition. Une gamme de trois verts « printemps » à l’ouest, une gamme de trois rouges « automne » à l’est. Fixés en saillie vers l’intérieur ou l’extérieur, ils forment une jalousie tridimensionnelle d’une grande élégance. Pour renforcer les joints au mortier de chaux et silicone, ils sont rainurés sur toute leur périphérie afin d’accueillir des tiges d’acier de 6 millimètres de diamètre formant un treillis invisible. D’une nécessaire élasticité, le tout est porté par une ossature secondaire en acier galvanisé. Différemment perçue selon le point de vue, elle est un panneau publicitaire pour les conducteurs ou une surface vibrante de près. Mais c’est de l’intérieur qu’elle produit son effet le plus saisissant ; son jeu de lumières colorées et d’ombres anime les couloirs de l’école de façon multiple selon le mouvement des utilisateurs et selon l’ensoleillement. La céramique, ici érigée au rang d’élément architectural et non plus comme simple revêtement, est un hommage à la tradition espagnole de la production de carreaux, surtout ici en Catalogne.