ENTRETIEN AVEC GUILLAUME BELUS
Architecte associé de Belus & Hénocq Architectes
Quelles différences faites-vous entre la construction en bois et celle en béton ou en acier ?
L'engagement de l'agence pour le développement durable intègre une réflexion sur le mode constructif. Partant du constat que le secteur du bâtiment est le premier responsable d'émissions de carbone, le modèle du tout béton est réinterrogé pour contribuer à l'émergence d'alternatives constructives plus vertueuses. Chaque matériau, chaque mode constructif doit être utilisé à sa juste place dans le projet architectural pour une situation donnée. Cette approche nous a amenés à explorer d'autres modes constructifs incluant l'ossature métallique, la pierre ponce, le béton de chanvre et, plus récemment, la terre crue.
Que pensez-vous de l'industrialisation de plus en plus précise, voire standardisée, des systèmes de construction bois ?
La construction bois s'est longtemps limitée aux maisons individuelles. Les préoccupations environnementales ont permis d'ouvrir de nouveaux horizons pour la filière, qui s'organise depuis plusieurs années pour en élargir l'usage. On évoque désormais la construction de bâtiments de grande hauteur. Cette évolution doit se faire de manière adaptée, en évitant l'écueil du cloisonnement des compétences entre production en atelier et montage sur le chantier. Les entreprises les plus performantes suivent cette évolution en privilégiant le recours à une main-d'œuvre qualifiée qui suit les projets depuis l'atelier jusqu'au chantier.
À quelle phase et pourquoi avez-vous opté pour un mode constructif tout bois pour ce projet ?
Le projet se situe au centre de Saint-Denis, en voisinage directe de la basilique cathédrale, dans le parc classé de la Maison d'éducation de la Légion d'Honneur. Ce haut lieu du patrimoine est depuis 1809, sur décision de Napoléon, un établissement d'enseignement public qui accueille chaque année 500 jeunes filles en internat. Ce contexte particulier nous a incités dès la phase concours à orienter la conception du projet vers des filières sèches, et à systématiser le recours à la préfabrication pour minimiser l'impact du chantier in situ. Dans ce sens, les systèmes constructifs bois se sont imposés comme une évidence.
Est-ce que la préfabrication bois a des incidences sur vos méthodes de conception ?
D'une certaine manière, la préfabrication est une autre façon de construire. L'exécution ne concerne plus uniquement la réalisation sur site mais se décompose en deux temps : la fabrication en atelier et l'assemblage sur chantier. Ce mode opératoire suppose donc d'adapter les méthodes de travail pour anticiper très tôt les interactions et rendre possible et rentable cette partition. La préfabrication en atelier impose, dès la conception, un niveau de détail et une précision élevés : tout doit être maîtrisé avant la mise en œuvre sur chantier. Les conditions de transport, d'accès et de levage s'invitent également dans le processus de conception. Chaque ouvrage de charpente et d'ossature est précédé d'une modélisation ou d'un tracé en atelier, et d'un réglage par le dessin de tous les assemblages. D'une certaine manière, cette étape prolonge la phase de conception sous une forme collaborative avec les entreprises, ce qui est profitable à la qualité des finitions.
Comment concilier sécurité incendie et valorisation du matériau bois ?
Dans bien des cas, la contradiction entre bois et sécurité incendie est une fausse idée largement répandue. L'objectif était d'éviter la classification du bâtiment en troisième famille, il est donc édifié à R+2 avec le plancher le plus haut à moins de huit mètres du terrain naturel. Concernant les façades, rien ne s'opposait à l'usage du bois non revêtu pour qu'il ajoute une touche de noblesse sans chercher à rivaliser avec l'architecture monumentale des édifices voisins. Ce choix de gabarit satisfait également nos objectifs architecturaux en limitant l'impact des constructions pour laisser la part belle aux arbres sous lesquels vient se glisser le projet.
La rationalité certaine du projet est-elle compatible avec le vieillissement naturel du bois ?
Tous les matériaux vieillissent. Qu'il s'agisse d'une façade en pierre, en enduit ou en bois, chaque saillie, appui de baie ou modénature s'accompagne de rejaillissement, de moustaches ou de vieillissement différencié. Dans le cas du bois, ces marques sont plus spectaculaires, il faut donc redoubler de vigilance sur la réalisation des détails pour anticiper au mieux ces vieillissements. Mais n'est-ce pas là un problème culturel ? Même si la filière bois progresse, notre pays reste animé par des réflexes liés au béton. Cette question ne se pose pas vraiment dans une région historiquement ancrée dans une tradition bois comme le Vorarlberg, en Autriche, où ces problèmes de vieillissement sont assumés sans renoncer pour autant à l'architecture.
Étiez-vous prescripteur sur ce projet et comment avez-vous sélectionné les produits Mathis ?
Nous n'avons pas sélectionné les produits mais l'entreprise Mathis par le biais d'un appel d'offres de marchés de travaux. Nos prescriptions ne comportaient aucune solution produit spécifique à cette entreprise. Plus généralement, nous avons opté dès la conception pour des solutions de type CLT mixées à de l'ossature bois, et nous avons poussé la démarche jusque dans les finitions intérieures. Il en découle une grande rigueur de calepinage et une association heureuse d'une grande variété d'essences locales : ossature bois isolée, charpente en lamellé-collé d'épicéa et de douglas, bardage en mélèze, huisseries en charme…