ENTRETIEN AVEC FRANÇOIS DUSSAUX ET PIERRE GEORGET
Architecte associé et architecte, DLW Architectes
Une enveloppe vitrée peut être aussi transparente que réfléchissante ; comment abordez-vous ce paradoxe quand vous la concevez ?
F. D. : D'une manière générale, la question de la transparence croise directement celle du reflet. Ce qui nous rend plus attentifs au choix du type de vitrage prescrit, parce qu'il existe aujourd'hui un panel de produits variés, hyper-différenciés, avec des effets de reflets, de couleurs, qui font que la notion de transparence ne signifie plus directement que le verre a disparu. La thématique de la paroi vitrée et de l'effet qu'elle induit, plus ou moins transparente, réfléchissante, colorée, est essentielle dans la perception de l'architecture.
S'agit-il d'une matière, finalement ?
F. D. : Exactement, le verre comme matière et pas uniquement comme vide. Parce qu'une enveloppe vitrée, c'est aussi de la structure. Il est vrai que le sujet du calepinage des panneaux de verre, des traverses, des verticales et, par conséquent, de la grille, est très important. Nous jouons sur la présence des grilles sur plusieurs de nos projets. Nombre d'entre eux, par exemple, adoptent des menuiseries en bandeaux horizontaux, où se pose la question de l'utilisation soit du mur-rideau, soit du VEC, pour que le joint vertical soit plus ou moins marqué, le plan du verre plus ou moins lisse… Ce sont des points qui nous préoccupent. La transparence, le reflet, la structure, la trame, tous ces paramètres font qu'une enveloppe vitrée est véritablement une matière, même dans sa texture, sa peau.
Quels étaient vos objectifs en optant pour un système VEC ?
P. G. : Nous avons rapidement souhaité composer un contraste très fort entre les casquettes en bois brut, de texture assez rugueuse, et des façades en verre très lisses et très tendues, en panneaux verriers. Le VEC minimise considérablement la présence du joint vertical dans notre cas. Ce sont en fait des murs-rideaux à trame horizontale. Seuls les capots serreurs horizontaux hauts et bas des systèmes VEC sont marqués, renforçant également l'horizontalité du bâtiment.
F. D. : Nous disposions d'une référence intéressante pour ce projet, un bâtiment signé Claus en Kaan, voici quelques années, pour le ministère de l'Écologie hollandais. Il joue nettement sur ce contraste de plans horizontaux en bois très texturés et de plans verticaux de façades très vitrées, très lisses. Cette esthétique nous attirait beaucoup. Le VEC permet d'atteindre des niveaux de planéité supérieurs. Ensuite, tout le travail a été de dessiner une unité entre l'allège, qui est opaque, et la partie vitrée, qui, elle, est transparente, pour produire une cohésion dans les hauteurs d'étages.
Comment avez-vous arbitré la proportion entre partie vitrée et partie opaque ?
F. D. : Le principe de base étant que l'allège de chaque chambre au droit de la fenêtre - qui s'avère être une fenêtre toute largeur en bandeau -forme une table. Une tablette pour travailler face à la lumière, de 50 centimètres d'épaisseur, devenant une allège basse à 80 centimètres, c'est-à-dire la hauteur d'une table. Il s'agit là du principe de base, tout en devant tenir compte de la règle du C+De t de la nécessité que les élèves puissent travailler face à la lumière.
P. G. : C'est ce qui génère finalement la proportion opaque en vitrage ultra-noir. Puis la partie vitrée transparente vient chercher la sous-face de la dalle.
Les éléments de menuiserie horizontaux hauts et bas sont très peu visibles, sont-ils intégrés ?
P. G. : Côté intérieur effectivement, l'arase supérieure de la traverse horizontale basse correspond à la hauteur de la table de travail, qui est donc masquée. Et en linteau, l'arase inférieure de la traverse haute coïncide avec la sous-face de la dalle. Les traverses horizontales ont été intégrées et dissimulées. Dans les chambres, on ne voit globalement que deux verticales.
Comment avez-vous défini la trame de ce mur-rideau ?
P. G. : La composition du bâtiment s'est pour partie appuyée sur une volonté assez forte : des salles de bains ouvertes sur l'extérieur. Au lieu de chambres occupant une grande largeur sur la façade et des salles de bains traditionnellement aveugles sous forme d'un petit bloc à l'entrée -comme c'est souvent le cas -, le travail de deux bandes très franches s'est imposé : une pour l'espace nuit et l'autre dans la même profondeur, qui intègre toute la séquence du sanitaire, de l'espace lavabo et de la douche en façade. La trame de façade répond in fine assez directement à la conception de la cellule des chambres de l'internat. Sur une cellule type d'une chambre de quatre personnes, trois trames sont dédiées à la chambre en vitrage clair et deux trames à la salle de bains ; c'est ainsi que la douche se retrouve en façade, derrière un système de shadow box et de vitrage opalin.
F. D. : La trame de la façade adonc finalement été impulsée par la douche. Le fait que ce soit l'usage interne de la chambre qui détermine le rendu externe est atypique et intéressant. La hauteur d'allège, c'est la table de l'élève, la trame de fenêtre, c'est la largeur de la douche qui se situe en façade. Ces chambres accueillant quatre jeunes, il était essentiel de pouvoir ventiler naturellement les salles de bains. Les éclairer était aussi une manière de les aérer plus efficace que n'importe quel système mécanique.
Par rapport au dimensionnement de cette épine verticale, comment avez-vous procédé ? Avez-vous d'abord décidé de la trame et de la section dans un second temps ?
F. D. : Effectivement. Le travail préalable avec Technal a été primordial. La force de Technal réside dans leur capacité à conseiller les architectes en amont, à réaliser des pré-études avant tout appel d'offres afin de pouvoir décrire des éléments assez pointus.
Étiez-vous prescripteurs sur ce projet ? Si oui, pourquoi avoir préféré cette gamme Technal ?
F. D. : Selon moi, la différence entre deux gammistes se fait moins sur les systèmes -les offres étant globalement similaires aujourd'hui, à peu de choses près -que sur leur capacité à dialoguer et à élaborer le produit avant tout. Un gammiste standard aura pour premier objectif de vendre ; chez Technal, des pré-études sont établies par le bureau d'études, qui est vraiment dans la mise au point technique.
P. G. : Ce que je trouve appréciable avec Technal, c'est que l'on parle architecture et rendu architectural avant tout autre sujet : on définit des capots plus ou moins saillants, des façades plus ou moins lisses. Puis, on choisit le système et on le prescrit en amont suivant l'intention architecturale.
En phase DCE ?
P. G. : Même beaucoup plus tôt, déjà en APD. Mais, sur ce projet-là, nous avons beaucoup travaillé aussi avec Saint-Gobain puisque les allèges sont en verre ultra-noir. Ce matériau, très technique, est d'une teinte noire très foncée ; ce n'est pas de l'emalite ni un verre laqué, la teinte se fait dans la masse et garde la profondeur. Odile Decq l'a utilisé sur le Frac Bretagne. Le rendu en est beaucoup plus profond et beaucoup plus nuancé, l'aspect coulé du verre se lit bien davantage.
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